L’édito de Fabrice Grosfilley : la grève et la paralysie
Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la grève nationale.
Pour les syndicats, c’est un succès. L’appel à la grève a été massivement suivi aujourd’hui. Un signal qui est adressé aux entreprises, et surtout au gouvernement.
Une seule ligne de métro, le trafic des trams ramené à sept lignes, des perturbations dans les chemins de fer, un trafic à l’aéroport de Bruxelles réduit de moitié, mais aussi des hôpitaux qui fonctionnaient au ralenti, avec de nombreux examens non-urgents reportés, des supermarchés fermés, et des cours d’école qui restaient assez vides. L’impact de cette grève nationale est indéniable. En milieu de journée, il suffisait de mettre un nez dehors pour se rendre compte que la région bruxelloise était anormalement calme.
Ce relatif succès est un argument supplémentaires pour la FGTB, syndicat socialiste, et la CSC, syndicat chrétien (les libéraux de la CGSLB étant restés au balcon), pour considérer que leurs revendications jouissent du soutien d’une partie non négligeable de l’opinion publique. Des revendications qu’on peut résumer en deux volets dont le premier repose sur un blocage des prix de l’énergie. “C’est trop facile d’attendre le niveau européen”ont écrit les deux syndicats dans un texte d’explication qu’ils ont fait publier dans tous les journaux aujourd’hui. On ne sait pas si c’est facile, mais cela semble assez vain en tout cas ; La Commission européenne vient de dire aux États membres que définitivement non, elle ne plafonnerait pas le prix du gaz. Le gouvernement belge peut attendre encore longtemps.
Deuxième volet de l’action syndicale, le blocage des salaires. Ces salaires bénéficient d’une indexation automatique. Elle arrive quand même avec du retard, note les syndicats, et ceux qui verront leur salaire indexé au premier janvier ont tout de même vu les prix de leurs courses exploser depuis de nombreux mois. Et surtout, les syndicats estiment qu’il devrait être possible d’aller au-delà de cette indexation pour les secteurs qui se portent bien. Les marges bénéficiaires des entreprises n’ont jamais été aussi élevées, les salaires sont bloqués depuis des années alors que les dividendes aux actionnaires explosent.
Du côté du patronat, on ne chante pas du tout la même chanson. « Les entreprises belges ne sont pas en bonne santé et il existe un risque de dommages économiques structurels si aucune mesure n’est prise » affirmaient aujourd’hui leurs représentants au Parlement. Des entreprises qui mettent en avant le comparatif avec les salaires des pays voisins. L’indexation automatique qui n’existe pas, ni en France, ni en Allemagne est un avantage pour le travailleur belge. Même s’il ne faut pas oublier de dire que celui-ci gagne plutôt moins bien sa vie que dans les pays voisins, et qu’en France ou aux Pays-Bas les prix de l’énergie ont été fortement régulés ces derniers mois.
Un gouvernement fédéral qui est pris à partie sur deux fronts. Celui des prix de l’énergie et celui des augmentations des salaires dans les secteurs bien portants. Alexander De Croo le Premier ministre a rappelé dans un communiqué que des mesures comme le chèque énergie et le tarif social avaient déjà été prisés. « Un effort considérable dont on doit être conscient » écrit-il dans un communiqué appelant à faire bloc et ne pas attiser les divisions.
Essayer d’être au milieu du jeu. À mi-chemin entre les entreprises et les syndicats, c’est la position médiane qui doit évidemment être celle d’un Premier ministre. Au risque de décevoir Alexander De Croo qui a lui-même annoncé 5 à 10 hivers difficiles, ça n’empêchera pas ces deux questions, celle de la limitation des prix de l’énergie et celle des augmentations des salaires, de revenir sur la table. Jusqu’à présent, le gouvernement fédéral a bien du mal à dépasser l’affrontement droite-gauche sur ces questions. Cette neutralisation idéologique finit par ressembler à une forme de paralysie. Elle induit l’idée que face au nouveau paradigme énergétique le monde politique se paye de mots et est bien plus enclin à s’exprimer sur les plateaux de télévision qu’à trouver des solutions concrètes pour soulager le portefeuille du consommateur. Parler beaucoup, agir très peu. La majorité fédérale a beaucoup à y perdre.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley