L’édito de Fabrice Grosfilley : fin de partie pour la piste 6+1 ?

Doit-on réellement continuer à discuter avec l’Open VLD ? C’est la question que quelques négociateurs ont dû se poser hier après-midi lorsqu’ils ont constaté que les libéraux néerlandophones leur avaient posé un lapin. Ni Frédéric De Gucht ni Sven Gatz n’étaient présents lors de la réunion consacrée à l’endettement de la Région bruxelloise. Une chaise vide, donc, et c’est déjà la deuxième fois que l’Open VLD agit ainsi, mettant ainsi ses actes en accord avec ses propos. Le parti libéral flamand veut bien venir à table lorsqu’il juge cela utile, mais il refuse en revanche de considérer qu’il serait l’un des partenaires impliqués dans une négociation en vue de former la prochaine majorité régionale.

Hier, Frédéric De Gucht a justifié son absence en indiquant que la réunion aurait dû permettre initialement d’entendre le directeur de l’Agence de la Dette. Mais, celui-ci ayant fait savoir qu’il ne pouvait finalement pas être présent, la réunion n’avait, selon lui, plus lieu d’être. La réunion, qui a bien été maintenue, a donc dû se dérouler sans lui. Sven Gatz, également invité, avait pris la même décision. Au lieu de sept partis, il n’y en avait donc que six. Si, officiellement, on a parlé budget, en réalité, on a aussi et surtout beaucoup parlé de l’Open VLD et de Frédéric De Gucht.

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Ce qui a pu irriter un certain nombre de négociateurs hier, ce n’est pas seulement la politique de la chaise vide, mais aussi une forme de communication assez cavalière de la part de l’Open VLD. Seul le Mouvement Réformateur avait été prévenu que les libéraux néerlandophones ne viendraient pas. Les autres partis l’ont découvert en séance. Ces partis se demandent désormais à quel jeu joue leur non-partenaire. Lundi, Frédéric De Gucht avait donné son accord pour un travail sur le budget, qui devait porter sur une trajectoire pluriannuelle de deux ans, 2025 et 2026. C’est Sven Gatz, ministre du Budget en affaires courantes, qui était chargé de faire une proposition. Quarante-huit heures plus tard, la proposition avait déjà été sérieusement rabotée, puisqu’il n’était plus question d’une proposition sur deux ans, mais de mesures conservatoires pour la seule année 2025, et que Sven Gatz ne les proposerait pas au groupe des sept, mais au gouvernement de Rudi Vervoort. En clair, l’idée du ministre du Budget est donc de raboter les douzièmes provisoires. On était au-dessus des trois douzièmes pour toute une série de raisons pour les deux premiers trimestres ; il faudrait qu’on soit en dessous pour les deux trimestres suivants. Les ambitions budgétaires ont donc été sérieusement revues à la baisse, et plusieurs partenaires se demandaient hier soir si l’Open VLD n’était pas purement et simplement en train de torpiller l’accord de lundi.

Ce doute, c’est Georges-Louis Bouchez qui l’a sans doute exprimé le plus clairement devant les caméras et les micros des journalistes, en indiquant que le refus de travailler sur une trajectoire budgétaire ambitieuse, combiné aux déclarations de l’Open VLD dans les médias sur son refus d’entrer en négociation, conduisait à devoir prendre “une décision définitive sur la coalition”. En d’autres termes, il y a une discussion sur le budget à 6+1, mais il n’y a pas vraiment de discussion possible sur une coalition régionale si l’Open VLD continue mordicus de refuser de s’y associer. Cette piste, qui consistait à commencer par le budget parce que c’était l’urgence, en se disant qu’une fois qu’on arriverait à un accord budgétaire, on pourrait ensuite convaincre l’Open VLD de gravir la marche suivante pour former un gouvernement, est en train de s’évaporer. Non seulement l’Open VLD dit et répète partout qu’il ne veut pas y aller sans la N-VA, mais en plus, il rechigne même à parler budget.

À ce stade, on n’est pas sûr que cette piste du 6+1 survive à la fin de la semaine. Une nouvelle réunion est programmée demain (vendredi) matin à 9 heures. Cette fois-ci, le directeur de l’Agence de la Dette sera bien présent, avec des documents. Frédéric De Gucht laisse planer le doute sur sa participation. “Si c’est une réunion avec un agenda clair et un objectif qui a du sens, alors nous serons là”, m’indiquait Frédéric De Gucht hier soir. Ce qui a du sens pour les uns n’est pas forcément ce qui a du sens pour les autres. En voulant travailler à l’intérieur du gouvernement en affaires courantes, qui, pour rappel, n’a plus de majorité au parlement, et non avec le groupe 6+1, qui, lui, dispose bien d’une majorité parlementaire, Sven Gatz s’est posé en légaliste. D’un point de vue du droit, il n’a pas tort : il est ministre d’un gouvernement en affaires courantes, et un gouvernement se doit de prendre ses décisions par consensus. D’un point de vue politique, en revanche, l’Open VLD envoie un message très curieux et très négatif. Un message qu’on pourrait résumer ainsi : les discussions sur le budget, qu’on dit si importantes et si urgentes, sont finalement beaucoup moins importantes et beaucoup moins urgentes que la nécessité pour l’Open VLD de se distancier du groupe des six et de bien faire comprendre qu’il ne veut surtout pas en faire partie.

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27 mars 2025 - 09h30
Modifié le 27 mars 2025 - 11h53