L’édito de Fabrice Grosfilley : faites vos listes…

Ahmed Laaouej tête de liste à région, Caroline Désir tête de liste à la chambre. Voici le ticket qui pourrait être proposé aux militants de la fédération bruxelloise du Parti Socialiste lors d’un congrès convoqué samedi matin (et non demain soir comme je l’ai dit sur antenne – je m’auto-tape sur les doigts). C’est en tout cas ce que croit savoir le journal Le Soir, qui a donc sorti l’information hier après-midi. Précisons d’emblée : c’est une hypothèse, une hypothèse très sérieuse, mais bien une hypothèse qui doit être confirmée par un vote des militants et là, par nature, rien n’est fait, tout reste possible. Pour comprendre ce qui se passe au PS, il faut avoir en tête que la confection des listes repose sur deux acteurs principaux. Le président de la fédération, ici Ahmed Laoueej, qui va confectionner et proposer ces listes, et la fédération dans son ensemble, donc les militants en ordre de cotisation, qui vont devoir les approuver. L’un ne va pas sans l’autre. Souvent le vote des congrès de fédération peut être une simple formalité. Parfois cela n’est pas le cas. Il faut se rappeler qu’Ahmed Laaouej n’a pas été élu dans un fauteuil à la présidence de la fédération bruxelloise du PS. La bataille a été rude, on n’est plus du temps de Philippe Moureaux quand un seul homme pouvait décider de tout sans être réellement contredit. À ce stade, les ténors socialistes se refusent donc à tout commentaire, il faut attendre le vote du congrès de fédération, même si certains, hors micro et à condition qu’on respecte l’anonymat, trouvent que le duo suggéré a du sens.

Ahmed Laaouej est un faiseur de voix. Un homme extrêmement populaire, notamment dans la partie nord de la Région Bruxelloise. Un fin tacticien, habitué des plateaux de télé, capable de décocher des croups de griffe. Comme l’enjeu principal pour le PS est de tenter de conserver la pole position aux élections régionales pour continuer à revendiquer la ministre-présidence, son glissement du fédéral vers la région est logique et était même attendu par de nombreux observateurs. L’hypothèse de voir une personne issue de l’immigration viser la ministre-présidence est un symbole supplémentaire de nature à mobiliser une partie de l’électorat et empêcher son départ vers les sirènes du PTB. Le maintien de Caroline Désir à la chambre peut paraitre plus surprenant. Même s’il faut se souvenir que Caroline Désir avait déjà été candidate aux législatives en 2019, où elle avait obtenu 25 000 voix. 4 ans pus tard, elle a marqué l’opinion comme ministre de l’Éducation (poste sensible), qui relève du niveau communautaire (donc lié aux régions), on s’attendait donc à la voir candidate sur la liste régionale, surtout que le PS a dans ses rangs une ministre des pensions, Karine Lalieux, dont l’image est, à l’inverse, désormais très associée au niveau fédéral.

Quand une information sort de manière prématurée, cela peut relever de deux stratégies distinctes. Soit, il s’agit d’un ballon d’essai d’un personne qui désire tester une piste, ou faire passer une idée comme étant inéluctable. Soit c’est une torpille destinée à empêcher l’hypothèse de se réaliser. Faire une liste, c’est forcément créer des mécontentements. On attendra samedi pour connaitre la fin de l’histoire. Mais en mettant ses deux plus gros faiseurs de voix, Ahmed Leaouej et Caroline Désir, à la tête des deux listes électorales, le PS bruxellois ne poserait pas un choix illogique.

Si on se focalise aujourd’hui sur le Parti Socialiste, il faut souligner que de nombreuses interrogations traversent les autres partis. Au MR par exemple, il est acquis que Sophie Wilmès emmènera la liste à la chambre. Pour la Région en revanche, ce n’est officiellement pas fait, même si David Leisterh dans sa communication ne laisse planer aucun doute. Mais en théorie, là aussi, il faudrait attendre le vote des militants qui n’interviendra chez les libéraux qu’au mois de janvier. Il reste chez les réformateurs de nombreuses inconnues qui concernent par exemple la place d’Hadja Lahbib, les libéraux bruxellois auraient apprécié qu’elle aide à la région, mais elle sera vraisemblablement sur la liste à la Chambre. On peut s’interroger sur la présence ou pas de Valérie Glatigny, ou encore sur les négociations entre libéraux francophones et libéraux flamands pour faire une liste commune MR-Open VLD à la chambre, mais pour que cela réussisse, il faudra faire une (bonne) place à Alexia Bertrand, ce que tous les libéraux francophones ne semblent pas prêts à accepter.

À Ecolo, même chose, on sait que Zakia Khattabi (28 000 voix en 2019)  conduira la liste à la chambre, et Alain Maron celle de la région, on ne connait pas encore le casting pour les places suivantes. Aux Engagés, ce sera Elisabeth Degryse pour la chambre, et Christophe De Beukelaer à la région, mais on a réservé la région, une 3ᵉ place à une personnalité extérieure, qui n’est pas encore connue (et Laurent Hublet a indiqué sur BX1 ce jeudi que ce ne serait pas lui). Bref, tout n’est pas encore ficelé, loin de là. En désignant l’un à la région et l’autre au fédéral, les partis nous indique aussi où se trouve leur priorité stratégique (gouverner à la région ou peser au fédéral ?).  Si vous suivez cela avec une petite distance, peut-être un sourire en coin, les candidats potentiels, auront eux beaucoup plus de mal à endurer un suspens qui ressemble pour eux à un supplice chinois. Il n’empêche  :  la désignation de ces tests de liste est un moment crucial. Dans un paysage politique où PS, Ecolo et MR sont dans un mouchoir de poche, et le PTB en embuscade, si l’on en croit les sondages en Région Bruxelloise, avec des élections législatives et régionales en juin, qui précéderont de peu, des communales, en octobre, la bataille sera rude.  Son résultat engagera l’avenir de la Région Bruxelloise. Vous avez donc toutes les raisons de vous y intéresser.

Fabrice Grosfilley