L’édito de Fabrice Grosfilley : David Leisterh et le goliath budgétaire
Dans son édito de ce mardi 18 juin, Fabrice Grosfilley revient sur le début des concertations de David Leisterh avec la société civile.
Ce sera donc une législature placée sous le signe de l’assainissement budgétaire. En commençant ses consultations par ce dossier-là, David Leisterh envoie un message très clair : la situation des finances bruxelloises l’inquiète. Le formateur bruxellois veut donc en avoir le cœur net et disposer d’un maximum de données avant de lancer des consultations politiques. Le chef de file du MR bruxellois rencontrera ce matin le directeur de l’Agence fédérale de la Dette, puis il s’entretiendra cet après-midi avec le directeur général de la direction Budget et Finances de la Région bruxelloise. Demain, mercredi, ce sera l’administrateur général de la Trésorerie fédérale, suivi du gouverneur de la Banque Nationale, et on terminera jeudi avec le directeur de l’Agence régionale de la dette.
Ce tour d’horizon permettra donc d’avoir une photographie précise des finances régionales. Même si David Leisterh connaît déjà l’essentiel, ces chiffres sont en grande partie connus. La dette de la Région bruxelloise atteint désormais les 13 milliards. Le déficit pour l’année 2024 devrait tourner autour des 950 millions d’euros. On n’attend pas l’équilibre avant 2026, au mieux. L’agence Standard and Poor’s a récemment dégradé la note de la Région bruxelloise, et le ministre du Budget du gouvernement sortant, le libéral flamand Sven Gatz, a régulièrement fait part de ses inquiétudes. On se doute que tous ces chiffres, régulièrement débattus au Parlement, ont déjà été transmis à David Leisterh. Il n’empêche que ce tour de table budgétaire est un moyen pour lui de donner le ton, et au passage de rappeler que l’endettement, son parti n’y est pour rien puisque le MR est depuis 20 ans dans l’opposition. Message qui est, au passage, valable pour le MR, mais pas pour l’Open VLD, puisque avant Sven Gatz, c’était Guy Vanhengel qui s’occupait des finances bruxelloises.
David Leisterh est donc inquiet, il n’est pas le seul. Je vous rappelle ce passage de notre grand débat en direct du Parlement bruxellois dans le cadre de la campagne électorale. Nous avions demandé aux têtes de liste de coter leur inquiétude vis-à-vis du budget de la Région : 0, tout va bien, 5, c’est la catastrophe. La moyenne avait été de 4,2, signe que l’inquiétude était globalement très partagée. Même le PTB avait indiqué qu’il fallait rétablir de manière urgente les finances de la Région bruxelloise. Si tout le monde est d’accord sur le constat, tout le monde n’est pas d’accord sur les remèdes. Il ne suffira probablement pas de dire qu’on demande à l’État fédéral de refinancer Bruxelles. Il faudra aussi probablement passer par une remise à plat de certains budgets. Ce matin, le journal Le Soir annonce que les administrations bruxelloises ont bien remis à Sven Gatz leurs pistes d’économies dans le cadre du budget ajusté. Chaque administration ou organisme régional devait faire 10 % d’économies. Ça représente 46 millions pour Actiris, 20 millions pour Bruxelles Propreté. Ce n’est donc pas indolore de faire des économies (ce matin Olivier Willocx, désormais député régional, annonçait sur notre antenne “ça va faire mal”) et les directeurs de ces organismes l’ont d’ailleurs souligné dans leurs réponses à Sven Gatz. Décider de faire 10 % d’économies, c’est aussi toucher à la qualité du service rendu aux citoyens et, dans certains cas, devoir envisager des licenciements de personnel.
Ces consultations budgétaires indiquent donc une direction politique, celle d’un tour de vis budgétaire. David Leisterh, en mettant ce sujet en haut de ses priorités, indique qu’il veut un avant et un après. Il aurait pu commencer par la sécurité ou par l’emploi, il a choisi le budget. Les autres thématiques viendront probablement dans les consultations suivantes. Ça sert à cela une mission d’information : en recevant des acteurs de la société civile, des ONG, des experts, on visibilise l’une ou l’autre problématique et on indique qu’elles apparaîtront dans la feuille de route gouvernementale. Une manière de préparer l’opinion publique et de prévenir ses partenaires. Accessoirement, on se donne un peu de temps aussi. On consulte la société civile devant les caméras, et en parallèle, on multiplie les contacts discrets avec ses partenaires potentiels. Pour David Leisterh à Bruxelles, l’exercice est plus compliqué que pour Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot à Namur, et même plus compliqué que pour Bart De Wever au niveau flamand. Il n’a pas encore de majorité. Il lui manque un partenaire, voire deux, et pour l’instant, personne ne se bouscule au portillon. On a donc un duo de droite, MR-Engagés, qui a clairement gagné les élections, mais une majorité parlementaire de gauche. L’équation n’est pas simple.
La situation budgétaire n’arrange rien. David Leisterh, en voulant assainir les finances et, pourquoi pas, annoncer le retour à l’équilibre, se lance dans un combat de David contre Goliath. Ce ne sera pas le chemin le plus facile pour former une majorité. Savoir qu’on va devoir faire des économies, c’est prendre le risque de se rendre impopulaire, de se frotter à un exercice du pouvoir ingrat et peu porteur sur le plan électoral. Ce n’est sans doute pas le meilleur argument pour attirer des partenaires potentiels.