L’édito de Fabrice Grosfilley : crier au loup budgétaire, agir ensuite ?

Grave, très grave, moyennement grave ou extrêmement grave ?

Comment qualifier l’état des finances de la Région bruxelloise ? On sait que cette question est au cœur des négociations actuellement en cours. On sait aussi que le jugement que l’on portera sur l’état réel du budget de la Région conditionnera en partie la politique que l’on pourra, ou voudra, mener pour les années à venir.

Dans ce débat, la publication du cahier d’observations que la Cour des comptes consacre chaque année à la situation de la Région bruxelloise est évidemment une contribution à prendre très au sérieux.

Cette photographie permet d’objectiver l’état réel de nos finances, même si son décryptage reste une affaire de spécialistes.

Un avis défavorable à plusieurs niveaux

Premier élément à retenir de ce cahier d’observations : l’avis défavorable émis par la Cour des comptes pour les comptes des services généraux de la Région, pour Paradigm (l’organisme en charge de la numérisation des services régionaux) ainsi que pour la SLRB, la Société du logement de la Région bruxelloise.

Un avis défavorable, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que la Cour des comptes considère que les comptes présentent ce qu’elle appelle des anomalies, soit parce qu’ils sont imprécis ou éloignés de la situation réelle de l’institution concernée, soit parce qu’ils affichent un déficit ou un endettement important, impliquant un risque financier pour le futur.

Dans ce rapport, on trouve des éléments qui relèvent des deux reproches.

L’imprécision, d’abord : des anomalies sont détectées dans les comptes de la Région elle-même, mais aussi dans ceux de 21 organismes qui lui sont liés.

Le dérapage budgétaire, ensuite : selon la Cour des comptes, le déficit pour 2024 serait de 1,6 milliard d’euros, un peu moins que les 1,7 milliards envisagés.

Mais si l’on prend la norme SEC, celle utilisée par les institutions européennes, on serait à 1,5 milliard au lieu d’1 milliard prévu. Soit un dérapage de 434 millions, très précisément.

Quant à la dette totale de la Région bruxelloise, elle dépasse désormais 15 milliards d’euros.

Est-ce grave ?

Un avis défavorable de la Cour des comptes, est-ce grave ? On va dire que c’est un indicateur négatif, évidemment. Ce n’est toutefois pas la fin du monde. En clair, cela signifie que la Cour ne certifie pas les comptes.

On rappellera que plusieurs années de suite, la Cour a refusé de se prononcer sur les comptes de la Région bruxelloise, qu’elle jugeait peu convaincants et mal présentés.

Notre Région n’est pas le seul niveau de pouvoir à être régulièrement épinglé : la Cour des comptes a, par exemple, émis une opinion défavorable sur les comptes 2023 des services du gouvernement wallon. Ce gouvernement n’en est pas mort.

Un avis défavorable, c’est donc l’inverse d’une certification. C’est une sorte de feu rouge, qui doit servir à alerter les parlementaires.

Car c’est bien le Parlement qui est responsable du contrôle de l’action des gouvernements, y compris sur les questions budgétaires.

Depuis la publication de ce rapport, en fin de semaine dernière, le MR a saisi la balle au bond : le Mouvement réformateur demande que les membres de la Cour des comptes puissent être entendus en commission des finances.

Groen, le parti écologiste néerlandophone, formule la même demande. Le PS ne devrait pas s’y opposer.

Le jeu des responsabilités

Évidemment, la tentation politique dans ce genre de situation est de trouver un responsable et de le charger.

Une responsabilité collective pour les uns : c’est tout le gouvernement sortant, toujours en affaires courantes aujourd’hui, qui serait responsable.

Une responsabilité personnelle pour les autres : le ministre du Budget, sans porter tout le dossier sur ses épaules, est quand même en première ligne, surtout lorsque la Cour épingle des présentations trop flatteuses pour être conformes aux règles comptables.

Ce ministre du Budget, c’est le désormais démissionnaire Sven Gatz. On notera que son successeur, Dirk De Smet, à la tête de Bruxelles Fiscalité depuis douze ans, aura du mal à dire qu’il n’a aucune responsabilité. Il est le “monsieur Budget” de l’Open VLD depuis longtemps.

Et l’on rappellera qu’entre Annemie Neyts, Jean-Luc Vanraes, Guy Vanhengel et Sven Gatz, cela fait maintenant 25 ans que les libéraux néerlandophones ont la responsabilité du budget régional.

Redresser la situation

Charger un seul parti ou un seul homme serait une erreur, une forme de malhonnêteté intellectuelle. Et puis, surtout, ce qui nous intéresse, ce n’est pas tant le constat que la possibilité de redresser la situation.

Cela ne sert à rien de crier au loup si l’on ne veut pas prendre les mesures qui permettraient de s’en protéger. Et là, il n’y a pas trente-six solutions :
– il faut sortir des 12es provisoires,
– il faut trouver une trajectoire qui permette de réduire le déficit, puis l’endettement.

Et pour cela, il faut un budget. Et donc, réussir les négociations.

BX1
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.

Plus d'informations sur nos mentions légales