L’édito de Fabrice Grosfilley : choisir un chemin

Dans son édito de ce vendredi 30 mai 2025, Fabrice Grosfilley revient sur la note de cadrage du PS et la déclaration de politique régionale du MR.

Au moins, maintenant, les choses sont claires. Après presque un an de discussions stériles, nous n’avons toujours pas de gouvernement en Région bruxelloise. Mais nous avons, pour la première fois, deux chemins tracés pour essayer d’y parvenir. Deux chemins, et surtout deux visions. Fini les discussions sans fin pour savoir qui accepte de discuter avec qui : on est désormais en présence de deux projets. Avec deux conceptions qui s’affrontent. L’une, axée sur une politique d’austérité, met en avant des politiques de rupture, notamment dans le domaine de la propreté. L’autre mise sur l’équité fiscale et veut partir d’une série de droits à garantir pour les citoyennes et citoyens bruxellois.

À droite, donc, le projet de déclaration de politique générale déposé par David Leisterh et Georges-Louis Bouchez. À gauche, la note de cadrage qu’Ahmed Laaouej a remise mardi soir aux cinq partis de gauche qui ont accepté d’avoir une première réunion avec le Parti socialiste, dans le cadre d’une potentielle majorité progressiste.

Comparer les deux documents n’est pas évident. La déclaration du Mouvement réformateur fait 80 pages. Elle se présente comme un texte quasiment définitif, auquel on pourra apporter des amendements, mais dont l’ossature devra être préservée, a prévenu Georges-Louis Bouchez. La note de cadrage d’Ahmed Laaouej, de sept pages, est un document qui n’était pas destiné à se retrouver dans la presse. Il a surtout pour but de convaincre des partenaires qu’une entrée en négociation sur cette base devrait être possible. Les deux documents n’ont donc pas le même statut.

D’emblée, une différence majeure saute aux yeux : la politique budgétaire. Les libéraux veulent un retour à l’équilibre dans un maximum de sept ans ; la note d’Ahmed Laaouej parle, elle, d’un retour à l’équilibre dans dix ans. Les propositions du Mouvement réformateur parlent essentiellement d’économies — 200 millions la première année, 400 millions ensuite, etc. — et envisagent aussi une augmentation des tarifs de la STIB et de Vivaqua. La note d’Ahmed Laaouej, elle, conjugue économies et rentrées fiscales. On y parle d’une politique fiscale davantage redistributive, avec des impôts sur le capital qui seraient plus élevés.

Autre grande différence : le logement et les loyers. Là où la déclaration de politique générale du MR parle d’assouplir le cadre, la proposition Laaouej parle d’accentuer l’encadrement des loyers, d’offrir des prêts à taux zéro pour acquérir ou rénover un logement, et propose de financer cela par une taxe sur les multinationales du logement. Je ne vais pas énumérer toutes les différences. On notera que la sécurité, qui est un gros chapitre de la proposition MR, est absente de la note d’Ahmed Laaouej à ce stade. Qu’à l’inverse, les préoccupations environnementales sont considérées comme un axe structurant de la proposition socialiste.

L’autre grande différence, c’est la méthode. Une note finale déposée par un parti, à laquelle les autres sont invités à s’associer, pour le MR. Un cadre de départ qu’on se propose de coconstruire avec des partenaires, pour le PS.

Se pose maintenant la question de la faisabilité.  La proposition du MR, à ce stade, n’a pas de majorité pour la soutenir. Celle du Parti socialiste pourrait en avoir une. Mais il faut employer le conditionnel. On n’est qu’au début du processus. Pour aller au bout, il faut que le PTB, Ecolo, mais aussi Groen, Vooruit et Fouad Ahidar acceptent d’entrer dans le processus proposé par Ahmed Laaouej. Qu’ils prennent le risque de nouer un compromis. Et, en fin de course, il faudra que leurs instances respectives approuvent l’accord. Ahmed Laaouej s’est fixé un objectif : il espère y parvenir pour le 21 juillet.

Les partis politiques sont donc amenés à choisir entre ces deux chemins. Et on voudrait surtout qu’ils aient le courage de choisir l’un de ces deux chemins. Et qu’ils arrêtent d’en emprunter un troisième, qui consiste à rester sur le bord de la route, à regarder les mois passer. Comme ces bovidés qui regardent passer les trains, mais ne veulent surtout pas monter dedans.

Fabrice Grosfilley

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30 mai 2025 - 09h54
Modifié le 30 mai 2025 - 09h54

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