L’enquête sur les tueries du Brabant est close, “un scandale pour la justice et le politique”, selon Me Callebaut

Le parquet fédéral a annoncé officiellement, vendredi lors d’une conférence de presse, avoir pris la décision de clôturer l’enquête sur les tueries du Brabant, ouverte depuis plus de 40 ans. Malgré des années d’investigations, la lumière n’a jamais pu être faite sur ces vagues de braquages meurtriers dans les supermarchés en 1983 et 1985.

“Nous ne pouvons que constater qu’aucun acte d’enquête actif ne peut encore être posé dans ce dossier”. C’est en ces termes que la nouvelle procureure fédérale Ann Fransen, la mine grave, s’est adressée à la presse réunie au Justitia à Haren vendredi en fin de matinée. Et pour cause, la fermeture du dossier des tueries du Brabant – qui sont parmi les faits divers les plus graves que la Belgique ait connus -, est un échec pour la justice.

Cette information a été communiquée un peu plus tôt aux victimes et aux familles de victimes des tueries du Brabant. Et c’est à ces dernières que le parquet fédéral a dit penser en ces instants. “C’est un message qui n’est agréable ni à transmettre ni à entendre”, a déclaré Ann Fransen. “Nous avons conscience que c’est un coup de massue pour les victimes et nous avons énormément de compassion pour elles”.

La fermeture du dossier devra être déclarée par la chambre du conseil, devant laquelle il sera fixé prochainement. Les victimes auront toujours la possibilité de consulter le dossier et éventuellement de demander des actes d’enquête supplémentaires, mais sans garantie que la chambre du conseil les ordonne.

Par ailleurs, les faits étant devenus imprescriptibles, l’enquête pourrait être relancée, mais uniquement en cas d’apparition d’un nouvel élément sérieux, ce qui est peu probable après tant d’années de recherches infructueuses. Les tueries du Brabant restent à ce jour l’une des principales affaires non résolues dans l’histoire judiciaire belge. Après des dizaines d’années de recherches et leur lot d’erreurs, après de multiples arrestations sans résultat et après de nouvelles investigations à la lumière des analyses génétiques, l’énigme reste entière.

La vérité n’a jamais émergé sur les auteurs de ces crimes et leur mobile. En 1983 puis en 1985, des individus masqués et lourdement armés ont commis des braquages meurtriers dans des grandes surfaces du Brabant wallon et du Brabant flamand. Ils ont tué 28 personnes. L’enquête sur ces faits, parmi les plus graves que la Belgique ait connus, aurait dû être prescrite 30 ans après le dernier braquage, mais une modification de la loi a donné aux enquêteurs la possibilité de prolonger les investigations jusqu’en 2025, et ensuite de manière indéterminée.

Néanmoins, le parquet fédéral, qui a repris en 2018 ce dossier lourd de deux millions de pages, avait déjà annoncé en août 2022 que, sans avancée réelle dans l’enquête au cours des mois suivants, celle-ci serait arrêtée.

Environ 80 proches des victimes des Tueurs du Brabant présents au Justitia vendredi

Cette affaire reste à ce jour l’une des principales à ne pas avoir été résolue dans l’histoire judiciaire belge. Après des dizaines d’années de recherches et leur lot d’erreurs, après de multiples arrestations sans résultat et après de nouvelles investigations à la lumière des analyses génétiques, elle est définitivement close ce vendredi, sans que la vérité n’ait jamais émergé sur les auteurs de ces crimes et leur mobile. De nombreux proches des victimes étaient présents au Justitia vendredi matin et ont pris place dans une salle d’audience, où ils faisaient face à des représentants du parquet fédéral, dont la procureure fédérale Ann Fransen et la magistrate fédérale Ann Lukowiak, chargée du dossier.

La juge d’instruction Martine Michel était également présente. A son arrivée, l’avocat Jean-Paul Macau, blessé lors de l’attaque du Delhaize de Braine-l’Alleud, n’a pas caché son fatalisme face à l’annonce d’une probable fin de l’enquête. “C’est très décevant d’avoir attendu si longtemps pour entendre ça, alors que l’affaire n’est pas résolue. C’est tout de même unique dans les annales judiciaires belges de n’avoir ainsi pas pu découvrir la vérité!”

L’avocat espère que l’enquête pourra être rouverte un jour, ce qui a été rendu possible avec la loi sur la prescription des dossiers revue durant la législature précédente. “Nous croisons les doigts”, glisse-t-il, non sans une bonne dose de pessimisme. “Il y a de quoi l’être…” Aux yeux de l’homme de loi, l’enquête aurait ainsi pu être mieux menée, surtout au début. “Il n’y a pas assez eu de diligence au début. On n’a pas mis tous les moyens qu’on pouvait. Ça a un peu été à vau-l’eau…”

La fin de l’enquête, “un scandale pour la justice et le politique”, selon Me Callebaut

“C’est une honte pour la justice et la politique belges”, a dénoncé vendredi l’avocat Peter Callebaut à l’annonce du parquet fédéral de sa décision d’arrêter l’enquête sur les Tueurs du Brabant. “Il n’est pas possible que, dans l’un des crimes les plus médiatisés, on ne puisse rien remonter à la surface”, a-t-il estimé.

Près de 40 ans après le dernier braquage perpétré par la bande dite “de Nivelles” au Delhaize d’Alost en novembre 1985, le parquet fédéral a mis fin officiellement à l’enquête. “Malheureusement, nous n’avons jamais pu découvrir la vérité”, a regretté la procureure fédérale Ann Fransen. Une décision qui n’a pas surpris les proches des victimes mais qui reste difficile à digérer. “J’ai vu plusieurs personnes pleurer ici aujourd’hui”, a illustré l’avocat Peter Callebaut, qui représente plusieurs victimes. “Si nous nous garons mal demain, ils nous donneront probablement un coup de marteau sur la tête. Mais 28 meurtres, ça passe…”

L’homme de loi juge “incompréhensible” que le parquet fédéral prétende, après toutes ces années, que rien n’a été trouvé. Il parle de mauvaise volonté. “Pendant quarante ans, tous les services possibles ont fait des efforts et réalisé d’innombrables devoirs d’enquête. Et ils ne trouvent rien ?! Je n’y crois pas. C’est une honte pour la justice belge, et pour la politique!” Les (proches des) victimes et leurs avocats pourraient éventuellement demander des devoirs d’enquête supplémentaires, mais Me Callebaut n’en a, en tous les cas, pas l’intention. “Quel est l’intérêt ? Dans un dossier de quatre millions de pages, allons-nous pouvoir demander des actes d’enquête qui n’ont pas encore eu lieu ? Cela fait 40 ans que je traîne cette affaire et nous entendons toujours la même déception. Je pense que le dossier était déjà enterré lorsqu’il a été transféré de Termonde à Charleroi en 1990. Aujourd’hui, nous avons assisté à ses funérailles.”

Jef Vermassen, l’avocat de David Van de Steen, une des victimes des Tueurs du Brabant, n’exclut, lui, pas de demander des actes d’enquête supplémentaires. “Nous devons l’examiner”, explique-t-il. L’avocat craint toutefois que l’imprescriptibilité garantisse le maintien du secret de l’instruction. “Une manière commode de museler les parties civiles. Ce faisant, rien ne doit filtrer du dossier sous peine d’être sanctionné”. 

Sollicité, le cabinet du ministre de la Justice Paul Van Tigchelt (Open VLD) n’a pas souhaité commenter la décision du parquet fédéral.

Belga

■ Explications de Michel Geyer dans le 18h

■ Explications d’Anaïs Corbin au micro du 12h30 et interview de Geneviève Van Lidth, 80 ans aujourd’hui, victime d’un vol de voiture lié à l’affaire au micro de Lisa Saint-Ghislain et Daniel Magnette