Le Conseil d’État suspend la limitation de l’aide matérielle pour des demandeurs d’asile
Le Conseil d’État a ordonné vendredi la suspension de la limitation de l’aide matérielle pour certains demandeurs d’une protection internationale, décidée par la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Nicole de Moor. La plus haute juridiction administrative estime qu’il s’agit d’un acte à caractère réglementaire qui aurait dû être soumis à l’avis de la section de législation.
Le 13 décembre dernier, plusieurs organisations ont saisi le Conseil d’État selon la procédure d’extrême urgence pour demander la suspension de l’exécution d’une décision prise par la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration. Annoncée fin novembre, celle-ci limite le droit à l’accueil des personnes présentant une demande de protection internationale en Belgique, tandis qu’elles ont déjà obtenu une telle protection dans un autre État membre de l’Union européenne.
Selon les associations Coordination et Initiatives pour Réfugiés et étrangers (CIRé), Vluchtelingenwerk Vlaanderen, la Ligue des droits humains (LDH), l’Association pour le droit des étrangers (ADDE) et New Samusocial, il s’agit d’un acte administratif qui modifie l’ordonnancement juridique et limite le droit à l’accueil d’une catégorie spécifique de demandeurs de protection internationale. L’application de cette décision aurait pour conséquence de laisser chaque mois des centaines de personnes sur le carreau, dénoncent-elles.
L’État belge s’en défendait, indiquant qu’il appartient à l’agence fédérale Fedasil d’évaluer l’opportunité d’éventuellement limiter le droit à l’aide matérielle d’un demandeur.
Dans son arrêt rendu vendredi, le Conseil d’État donne raison aux requérants. Il explique que la mesure de la secrétaire d’État a une portée générale et modifie l’ordonnancement juridique “dès lors qu’il n’est pas contestable qu’avant qu’une telle décision ne soit prise, la catégorie de personnes visées par cette décision bénéficiait de l’aide matérielle” prévue par la loi.
Elle ajoute que l’acte attaqué expose cette catégorie de personnes “au risque d’être placées dans une situation de grand dénuement”.
“Notre système est dysfonctionnel”
Dans une réaction, la secrétaire d’État rappelle que la Belgique a observé ces derniers mois une augmentation significative des demandes d’asile de la part de personnes bénéficiant déjà d’une protection dans un autre pays européen, principalement en Grèce. “Notre pays veut être solidaire des réfugiés de guerre, mais le système est dysfonctionnel si nous devons aussi traiter les dossiers de personnes qui bénéficient déjà d’une protection ailleurs.”
Nicole de Moor dit avoir alors décidé d’appliquer par anticipation certaines dispositions du pacte européen sur la migration et de refuser l’accueil dans ces cas.
Elle considère que l’arrêt du Conseil d’État est une annulation “purement formelle” et qu’il ne parle pas de manque de base juridique. Une modification législative lui sera donc soumise. “Le Conseil d’État a déclaré que nous aurions dû soumettre la décision à l’avance. Il faudra le faire lorsque la loi sera modifiée. En attendant, nous utiliserons la législation existante et nous évaluerons au cas par cas si l’accueil peut être refusé à ceux qui ont déjà le statut de réfugié.”
Belga – Photo : Belga