Sarah Schlitz démissionne : “Je poursuivrai la lutte dans un autre rôle mais avec autant d’engagement”
La secrétaire d’État à l’Égalité des chances, Sarah Schlitz (Ecolo), a annoncé ce mercredi matin qu’elle présenterait sa démission au Premier ministre à la suite de la polémique qui entoure ses communications publiques.
“Je poursuivrai la lutte dans un autre rôle, mais avec autant d’engagement“, a-t-elle indiqué dans une déclaration publique effectuée à son cabinet après l’annonce de sa démission le matin-même au micro de La Première. “J’ai commis une erreur. Je me suis excusée et je tiens à nouveau à m’excuser auprès des personnes que ça a pu choquer. Mais aujourd’hui, la polémique a pris trop d’ampleur. Elle occupe tout l’espace politique et médiatique“, a-t-elle ajouté, qualifiant l’atmosphère d'”irrespirable”.
“Je ne suis pas irremplaçable. Il y a beaucoup de talents féminins chez Ecolo. Ce n’est pas la personne qui compte, ce sont les combats. J’en entends certains dire qu’on ne devrait pas me remplacer, que ce secrétariat d’État ne serait pas utile. Il reste un an et les victoires à engranger sont encore nombreuses“, a-t-elle martelé, en défendant son bilan. L’ex-secrétaire d’État a notamment cité la loi “stop féminicide”, la réforme de la législation anti-discrimination ou encore la poursuite de développement des Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS) avec l’ouverture prévue de celui d’Arlon en juin prochain.
“La gouvernance fait partie de l’ADN d’Ecolo. On est plus durs avec nous qu’avec les autres, et c’est normal”, a-t-elle conclu.” Sarah Schlitz s’est engagée à poursuivre la lutte pour augmenter les standards éthiques en politiques, “y compris contre les violences sexistes et sexuelles” dans le milieu politique.
Elle n’a pas répondu aux questions des journalistes et ne s’est pas exprimée sur les accusations de mensonge portées par la N-VA à son encontre. Sarah Schlitz reprendra son siège de députée à la Chambre, a-t-on confirmé en marge de la déclaration.
Une histoire de logo
Il y a dix jours, la N-VA a recensé une série de communications de la secrétaire d’État qui portent son logo personnel sans avoir reçu ni même requis l’autorisation de la commission des dépenses électorales de la Chambre.
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Sarah Schlitz s’en est expliquée et a reçu une réprimande de la commission, comme d’autres ministres avant elle. Mais la révélation de nouvelles pièces dans la presse, en particulier le vade-mecum d’un appel à projets qui imposait en toutes lettres d’apposer le logo de la secrétaire d’État a battu en brèche sa défense.
Des propos polémiques sur les réseaux sociaux et la production d’éléments nouveaux ce mercredi ont fini de ruiner la crédibilité des explications de la mandataire écologiste. “Cette démission, c’est ma décision. Le Premier ministre m’a soutenu la semaine passée en séance plénière, et m’a encore réitéré son soutien hier“, a-t-elle assuré, avant de préciser qu’elle n’en voulait “à personne“.
Le nom de la personne qui succédera à Sarah Schlitz n’est pas encore connu. Il doit d’abord être approuvé par le Conseil de fédération d’Ecolo avant d’être soumis au gouvernement. Aucun nom ne sera annoncé ce mercredi, a déjà confirmé le parti écologiste.
Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a pour sa part “salué” la décision de Sarah Schlitz : “Ce n’est pas une décision facile, ni sur le plan humain, ni sur le plan politique, et cela demande beaucoup de courage. Je voudrais saluer aussi son travail, c’est quelqu’un qui est venu avec des idées nouvelles et qui a fait un énorme travail sur l’égalité des genres et les droits des LGBTQI“. Il reconnaît également la faute de l’ancienne secrétaire d’État : “Elle l’a reconnue et s’en est excusée. Elle a considéré que son action politique risquait de ne pas aboutir à cause d’une autre discussion. Il faut tourner la page maintenant“. Avant de regretter la tournure de la polémique autour de la personne de Sarah Schlitz : “Trop souvent, le débat politique ne se concentre plus sur le sujet de la discussion mais se personnalise. Il faut être prudent avec cela. On est tous des êtres humains“.
Qui est Sarah Schlitz ?
Sarah Schlitz incarne une nouvelle génération d’Ecolo, féministe, engagée sur les questions de société et ne craignant pas de susciter la controverse dans des débats sensibles et polarisants. Née en 1986, la Liégeoise a été durant un peu moins de trois ans la secrétaire d’État à l’Égalité des chances et des genres ainsi qu’à la diversité du gouvernement De Croo, cible régulière des rangs dits conservateurs.
La jeune femme était suppléante sur la liste Ecolo de Liège pour la Chambre, aux élections de 2014. Conseillère communale liégeoise au même moment, la petite fille de l’ancien bourgmestre socialiste Henri Schlitz devient députée fédérale en octobre 2018, à la suite de la démission de Muriel Gerkens. Elle est présentée par Ecolo comme étant une “militante cycliste et féministe“, “révoltée par les injustices“.
Son parcours de secrétaire d’État n’a pas été de tout repos. Dès son entrée en fonction, elle est brocardée par les nationalistes flamands, car, si elle présente sa note de politique générale à la Chambre accompagnée d’une traduction en langue des signes, elle s’exprime uniquement en français. Plus tard, l’annonce de sa participation à une réunion en non-mixité choisie, réservée aux femmes, lui vaudra de vives critiques du MR.
La polémique la plus vive reste toutefois celle qui a entouré la désignation d’Ihsane Haouach, femme musulmane voilée, au poste de commissaire du gouvernement à l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes. L’intéressée finira par se retirer.
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Les polémiques auront souvent recouvert son action ministérielle. Elle a participé à la révision du Code pénal sexuel qui place la notion de consentement au coeur du nouveau dispositif et a porté un projet de loi sur les féminicides et un autre qui modernise et renforce les lois anti-racisme et anti-discrimination, inscrivant les discriminations multiples ou intersectionnelles dans la législation belge. Elle avait également piloté un plan pour une Belgique “LGBTQI+ friendly”.
Les révélations autour de l’utilisation de son logo personnel sur des communications publiques et ses explications erratiques au parlement ont entraîné sa démission du gouvernement.
■ Les explications de Grégory Ienco dans Le 12h30.
Rédaction avec Belga