La Région bruxelloise dresse un premier bilan de la réforme sur l’expulsion des locataires

L’allongement des délais ainsi qu’une meilleure implication des CPAS permet de diminuer le nombre d’expulsions, selon des chiffres transmis par les différents CPAS bruxellois sur l’année qui a suivi l’entrée en vigueur de la réforme.

Prévenir un maximum d’expulsions en renforçant le dispositif préventif d’accompagnement et de médiation entre le locataire et le propriétaire“. Tel était l’objectif de cette réforme adoptée en juin 2023 à l’initiative de la secrétaire d’État au Logement, Nawal Ben Hamou. La principale modification de cette réforme porte sur les délais. 

Lorsqu’un locataire ne paie pas son loyer en temps et en heure, son bailleur peut lui adresser une mise en demeure. Si le loyer n’est toujours pas réglé un mois après l’envoi de cette mise en demeure, le propriétaire peut introduire une requête d’expulsion en justice. C’est là que la réforme intervient : avant juillet 2023, le délai entre cette requête et l’audience en justice de paix était de huit jours. Il est désormais de 40. L’objectif est de laisser davantage de temps au locataire et au propriétaire pour arriver à un arrangement, mais aussi au CPAS de jouer un rôle plus pro-actif grâce à l’obligation pour la justice de paix de lui fournir davantage d’informations sur la requête.

Revoir | Versus : la réforme sur l’expulsion des mauvais payeurs de loyers

Premier bilan

L’heure est à un premier bilan. Selon les chiffres centralisés par Bruxelles Logement, sortis ce jeudi matin par la DH et dont nous avons pu prendre connaissance, 2 870 requêtes d’expulsion ont été réalisées en Région bruxelloise et transmises aux différents CPAS entre le 1er juillet 2023 et le 30 juin 2024. Ce chiffre ne reprend néanmoins pas ceux des communes de Koekelberg, Forest et Uccle.  En tête de classement, 831 expulsions ont été réalisées à la Ville de Bruxelles, 429 à Molenbeek, 407 à Schaerbeek, 169 à Jette et 152 à Evere.

Parmi tous ces dossiers, 989 contacts entre locataire et CPAS ont pu être réellement tissés. Il en découle que 525 ménages ont finalement pu rester dans leur logement, 367 ont trouvé une solution de relogement avant l’expulsion et 78 après l’expulsion. Cette dernière a donc été évitée dans 90 % des cas lorsque le contact entre le CPAS et le locataire en défaut de paiement était établi.

À noter que de grandes différences s’observent entre les CPAS, tant en termes de nombre de dossiers traités qu’en termes de résultats obtenus. Elles feront l’objet d’une analyse plus approfondie.

À lire aussi | Crise du logement à Bruxelles : l’ordonnance qui lutte contre les loyers abusifs votée en commission

Une politique amenée à perdurer ?

Reste en revanche la grande différence entre le nombre de requêtes d’expulsions et le nombre de contacts effectivement tissés entre le locataire et le CPAS. Ceci s’explique soit par des conflits entre propriétaire et locataire, soit par le départ du locataire avant la prise de contact avec le CPAS soit par le fort décrochage social que peuvent vivre certains locataires. C’est donc sur cette mise en relation avec le propriétaire et le CPAS qu’il faut continuer à travailler, estime le cabinet Ben Hamou.

Afin de permettre aux CPAS d’assurer ce rôle de médiateur entre locataire et propriétaire, la Région a débloqué un budget de 965 000 euros pour renforcer les effectifs. Un investissement profitable pour les finances de la Région, selon le cabinet Ben Hamou, étant donné que le coût d’une expulsion forcée (comprenant le coût humain mais aussi le coût sociétal de l’hébergement d’urgence et de l’accompagnement social) est bien supérieur. La secrétaire d’État au Logement espère que ce genre de politique pourra être maintenu lors de la prochaine législature avec un futur gouvernement… qui se fait toujours attendre

Les propriétaires mécontents

De son côté, le Syndicat national des propriétaires et copropriétaires, interrogé par la DH voit surtout dans ce délai allongé une augmentation de pertes potentielles pour le bailleur. Dans les faits, selon lui, les audiences étaient de toute façon déjà convoquées un mois après la requête. Le principal problème pour le SNPC reste le moratoire hivernal sur les expulsions (qui a vu le jour en même temps que la réforme) qui, faute de personnel judiciaire et policier, peut s’étendre sur des périodes plus longues que celles théoriquement compensées par le fonds mis en place par la Région, entraînant de lourdes pertes pour les propriétaires.

Revoir | La réforme des expulsions inquiète les propriétaires : “Si le fonds n’est plus alimenté, nous ne serons pas payés”

V.d.T. – Photo : Belga

Partager l'article

28 mars 2025 - 11h39
Modifié le 28 mars 2025 - 12h09