La crise sanitaire a augmenté les inégalités entre les femmes et les hommes
Hassina Semah, experte en genre et diversité est l’autrice d’un rapport sur les inégalités depuis le début de la pandémie. Grâce aux acteurs de terrain, elle a compilé de nombreuses données et a réussi à démontrer ce qui était à craindre: la pandémie et les mesures sanitaires ont augmenté les inégalités notamment celles liées au genre.
Plusieurs données sont assez frappantes. En ce qui concerne le marché de l’emploi par exemple, 4.100 femmes ont disparu. Elles ont dû quitter leur poste ou arrêter leur recherche pour s’occuper des enfants ou d’un proche malade. “C’est un fait assez logique qui reflète les inégalités dans le partage des tâches ménagères, explique Hassina Semah. Traditionnellement, ce sont elles qui prennent un congé quand un proche est malade. Et puis, comme elles gagnent moins, lorsqu’elles prennent un congé corona, le couple perd moins de revenus.”
Les statistiques le prouvent: 70% des congés corona ont été pris par des femmes. Evidemment, cette baisse de revenu fragilise les femmes qui ont déjà plus de risques de paupérisation, tout comme les familles monoparentales. Et dans ce type de ménage, 86% ont à leur tête une femme seule. “Et on le sait, cette crise fragilise encore plus ceux qui étaient déjà précaires. Il faut s’attendre à de nombreuses difficultés dans les mois et années à venir.”
Plus de femmes dans le médical
Les femmes vivent aussi la crise de la covid-19 de manière différente puisqu’elles sont nombreuses à travailler dans les hôpitaux ou les maisons de repos. Elles ont contracté plus souvent la maladie mais elles ont également vu leur journée s’allonger. “On peut parler de triple voire de quadruple journée pour ces femmes, ajoute Hassina Semah. La charge mentale a été très importante et on voit maintenant qu’elles sont plus fatiguées et souffrent plus de troubles anxieux. Il ne serait pas étonnant de voir la naissance de stress post-traumatique dans cette catégorie de la population.”
Une hausse des violences
Dans la zone de police d’Auderghem, Uccle et Watermael-Boitsfort, les plaintes pour violences conjugales ont augmenté de 30%. L’enfermement a fait ressortir des situations de tension et il était aussi impossible pour les femmes de quitter le domicile. “Il faudrait que la justice agisse plus rapidement lorsqu’une plainte est déposée. Cela permettrait de dissuader les auteurs mais surtout d’encourager les femmes à porter plainte. Si nous voulons que les choses changent, il faut faire des campagnes de sensibilisation sur la durée.”
19 recommandations
Dans son rapport, Hassina Semah a fait remonter les recommandations des 30 structures membres du Conseil bruxellois de l’Egalité entre les femmes et les hommes . “Nos recommandations sont ancrées et pertinentes, conclut Hassina Semah. Maintenant, il faut que les pouvoirs publics prennent des mesures et pensent les politiques en termes d’inégalités et pas que celles concernant le genre.”
La secrétaire d’Etat à l’égalité, Nawal Ben Hamou (PS), souhaite développer une politique genrée forte, globale, transversale et intersectionnelle bâtie sur des analyses des données qui doivent être toutes automatiquement sexuées, se donner des objectifs chiffrés précis dans le temps et des indicateurs de performance pour que la volonté politique se transforme en actes comme le recommande l’ULB. Un comité régional pour l’égalité des chances est en voie de finalisation. Il sera constitué d’un groupe stratégique, composé des membres du gouvernement et des fonctionnaires dirigeants, ainsi que d’un groupe opérationnel, composé de représentants du gouvernement.
■ Interview de Hassina Semah, autrice du rapport et experte genre et diversité par Vanessa Lhuillier