Il y a 80 ans, le pilote Jean de Selys mitraille le bureau de la Gestapo sur l’avenue Louise

Il y a tout juste 80 ans, le 20 janvier 1943, le pilote belge de la Royal Air Force Jean de Selys Longchamps se lançait d’un audacieux mitraillage, celui du siège de la Gestapo à Bruxelles, au 453 avenue Louise.

Il trône fièrement sur l’avenue Louise, là où il est entré dans l’histoire. Jean de Selys Longchamps était un pilote belge, intégré à la Royal Air Force britannique après la débâcle de 1940. “C’est incontestablement un fort caractère, un cabochard, un patriote et surtout, d’une certaine façon, quelqu’un qui veut se battre et qui reste sur sa faim, estimant que l’armée belge n’a pas accompli tout ce qu’elle pouvait accomplir“, raconte Alain Collignon, historien aux archives de l’État.

Entre deux missions, Jean de Selys échafaude un plan qu’il soumet à sa hiérarchie. Son père, résistant, aurait été torturé dans les bureaux de la Gestapo, avenue Louise. Il projette de retrouver l’immeuble et de le mitrailler, mais ce plan n’est pas accepté. Le pilote décide donc de s’en charger tout seul.

Une opération délicate

Ce sera le 20 janvier 1943, après une mission en région de Gand. Il fausse compagnie à son binôme. À bord de son typhoon, il se dirige vers Bruxelles, qu’il survole à basse altitude pour échapper aux radars de l’occupant. En se repérant aux grands bâtiments, il survole le Palais Royal, où il lance un drapeau belge. Il tourne ensuite vers Saint-Josse-ten-Noode, où il aurait, selon la légende, lancé un second drapeau noir-jaune-rouge dans le quartier dans lequel habite sa famille. Enfin, direction le Cinquantenaire et le boulevard Général Jacques, jusqu’à l’Avenue Émile De Mot.

Le tapage de l’avion attire plusieurs agents de la Sipo SD vers les fenêtres. Arrivé à quelques dizaines de mètres de l’immeuble en question, le typhoon de Jean de Selys se met à cracher le feu de ses quatre canons. Les vitres explosent, et à l’intérieur, c’est la panique, la mort et la destruction. Il y a quatre ou cinq Allemands tués et des dizaines de blessés, dont quatre grièvement“, explique Alain Collignon.

Réprimandé, puis félicité

De retour à sa base britannique, moins d’une heure plus tard, Jean de Selys est sermonné et rétrogradé par sa hiérarchie. Il est cependant décoré d’une médaille pour acte de bravoure : “Il est félicité parce que sa hiérarchie se rend compte que c’est un coup extraordinaire qu’il a bien mené, sans causer de dégâts collatéraux“, justifie l’historien. Les immeubles voisins ne sont, en effet, même pas touchés. L’acte ravive le moral des occupés, et nombreux sont ceux qui défilent devant le bâtiment fortement endommagé.

La Gestapo finit par déménager, et lance de fausses rumeurs selon lesquelles il aurait tué un résistant infiltré.

Jean de Selys ne verra pas la libération. 8 mois après son acte héroïque, son avion est fortement endommagé. Lors d’une mission sur Ostende, son typhoon se brise en deux au moment de l’atterrissage, tuant le Belge.

■ Reportage de Michel Geyer, Nicolas Scheenaerts et Corinne Debeul