Dimitri Van der Linden : ” Il ne faut pas que les enfants se sentent responsables de l’épidémie”

Dimitri Van der Linden est pédiatre spécialisé en maladies infectieuses aux cliniques universitaires Saint-Luc et membre du GEMS. Pour lui, les mesures décidées par le Codeco ce vendredi sont illogiques. Il sera important aussi d’avoir une communication positive vers les enfants.

Les mesures du Codeco vous semblent-elles correspondre aux besoins actuels?

Non. La pression est énorme et vous entendez le cri de détresse des infirmiers et infirmières en soins intensifs. Il faut des mesures efficaces mais celles-ci sont décevantes.

Les écoles sont-elles le moteur de l’épidémie?

Je crois que cela n’est pas le terme exact et on ne peut pas distinguer la situation dans les écoles et dans la société. On a vu en Flandre une levée des mesures et on a vu l’épidémie reprendre avec un impact sur les écoles notamment dans les écoles primaires. Elles sont le catalyseur de ce qui se passe. 

En France et en Italie, les enfants portent le masque mais est-ce une bonne solution?

Le sujet du masque est passionnel et souvent noir ou blanc. On voit en France une augmentation exponentielle malgré le port du masque. Ce n’est pas une solution magique mais il peut être efficace s’il est bien porté et avec une bonne pédagogie. Alors doit-on le porter tout le temps? On le voit chez l’adulte, c’est quand même fastidieux. Cela peut être utile si on le porte au bon moment. Pour le moment, on doit avoir des actions fortes mais on peut imaginer une autre stratégie de masque et faire une stratégie avec un autotest par exemple comme au Québec. Si un enfant est positif, on teste tout le monde et on met le masque pendant 10 jours. Alors les enfants comprennent et on peut faire une pédagogie positive. Tout en associant cela à la ventilation et aux mesures efficaces.

On a entendu dire que les enfants étaient responsables de la transmission. Cela peut-il avoir des impacts psychologiques sur les enfants?

Ce point est très important. Je pense qu’il faut une communication adaptée. Il y a le risque que l’enfant se sente coupable de ce qui arrive. Et cela serait dramatique. On n’est tous dans la même galère, personne n’est responsable. Il faut une communication positive dans cette crise. Il faut pouvoir se dire qu’on est face à un virus à vaincre et à tous les échelons, on doit faire quelque chose.

La vaccination pour les moins de 12 ans n’est pas tranchée. Est-ce qu’elle fait partie de la solution selon vous?

Il y a un vaccin efficace chez les enfants qui est le tiers de la dose adulte. Il existe et les données sont rassurantes et trois millions d’enfants ont été vaccinés aux Etats-Unis. Nous allons pouvoir vacciner des enfants plus fragiles ou qui vivent avec des personnes fragiles. Quant à savoir si on doit aller vers une vaccination massive, c’est une question délicate. Plus d’un million d’adultes n’est pas vacciné et je pense que nous devons insister là-dessus. Certains enfants se feront vacciner avec une certaine fierté. On l’a vu avec la rubéole où certains pays ont décidé de vacciner les enfants pour protéger les femmes enceintes et ils servaient d’ambassadeurs. On pourrait imaginer la même chose avec le coronavirus.

Interview de Dimitri Van der Linden, pédiatre spécialisé en maladies infectieuses aux cliniques universitaires Saint-Luc par Vanessa Lhuillier