“À quand l’Europe sociale ?” : plusieurs milliers de personnes à la manifestation européenne contre l’austérité

Quelque 5.000 manifestants européens selon les chiffres de la police, et 10.000 selon les syndicats, ont battu le pavé bruxellois mardi matin contre “l’austérité et pour plus de justice sociale“, à l’appel de la Confédération européenne des syndicats.

Cette action se tient à la veille d’un conseil européen qui se déroulera de mercredi à vendredi et discutera, entre autres, de la question des mesures budgétaires européennes.

Ces dernières, qualifiées de “mesures d’austérité” par les syndicats, sont au cœur des débats entre ministres européens des Finances depuis des mois, dans le cadre de la réforme du Pacte de stabilité et de croissance. Les règles budgétaires qui y figurent avaient été suspendues au printemps 2020 pour permettre le “quoi-qu’il-en-coûte” aux 27 face à la pandémie, puis face à la flambée des prix de l’énergie. Sous une forme révisée, accordant “davantage de marge de manœuvre pour des investissements budgétaires“, la Commission prévoit cependant de réintroduire ces règles dès janvier 2024.

Fermement opposés à cette initiative, les syndicats européens se sont rassemblés en masse, dès 10h00, sur la place Poelart, où des discours se sont tenus vers 11h00. Les drapeaux et étendards des syndicats belges, français, italiens ou encore lituaniens flottaient parmi la foule. Le cortège s’est ensuite élancé sur la petite ceinture pour se rendre place Jean Rey, à proximité des institutions européennes.

Ce n’est pas un hasard que la France, la Belgique ou encore l’Italie soient présentes aujourd’hui. À l’instar d’autres pays endettés du sud de l’Europe, ils seront les plus vivement frappés par ce cadre budgétaire et devront largement couper dans leurs dépenses publiques“, a expliqué la secrétaire générale de la CES, Esther Lynch.

À mille lieues d’une “Europe de l’austérité, nous avons au contraire besoin d’une Europe du progrès social, constituée d’États membres en mesure d’investir dans leurs services publics“, a insisté le secrétaire général de la CGLSB, Olivier Valentin.

Si la réforme du Pacte devait advenir et les mesures budgétaires êtres réintroduites, la Confédération européenne des syndicats enjoint aux représentants européens de voter une réforme “en profondeur, sans se contenter d’ajustements mineurs“.

Il n’y a rien d’inévitable. Il s’agit avant tout de choix politiques, et les responsables payeront le prix de tout potentiel retour à l’austérité lors des prochaines élections européennes“, affirme Esther Lynch.

Aujourd’hui, nous disons ‘non’ à la volonté européenne de revenir à des règles d’austérité, et nous crions ‘oui’ à une Europe sociale, car les travailleurs ont, au contraire, besoin d’investissements publics pour une transition écologique juste, une meilleure éducation, des soins de santé performants, et une hausse des salaires“, a appuyé la secrétaire générale de la CES, Esther Lynch.

Les syndicats réclament un mécanisme de solidarité européen semblable à celui en place lors de la pandémie de Covid, prévoyant de “libérer des fonds pour préserver l’emploi et les revenus des travailleurs“.

Les syndicats belges enjoignent la Commission européenne à “ne pas répéter ses erreurs

Les représentants syndicaux belges enjoignent la Commission européenne à ne pas réitérer “les erreurs du passé“, en marge du conseil européen des ministres des Finances qui se tiendra du 13 au 15 décembre.

Lors de ce conseil sera discuté un accord final sur la réforme du Pacte de stabilité et de croissance, ce “corset budgétaire” créé à la fin des années 90, limitant en théorie pour chaque pays européen le déficit des administrations publiques à 3 % du PIB et la dette à 60 %. La proposition de réforme mise sur la table par la Commission reprend ces seuils emblématiques mais, aux États membres qui les dépassent, elle accorde plus de marge de manœuvre.

Malgré ces modifications, ce nouveau cadre budgétaire “imposerait à la Belgique un effort budgétaire annuel de 0,7 % du PIB par an, soit 28,8 milliards d’euros d’économies au cours des quatre à sept prochaines années“, a pointé mardi la secrétaire générale de la CSC, Marie-Hélène Ska. Or, celle-ci argue qu’il n’y a “plus de marge” pour aller couper dans les services publics.

Nous avons justement besoin d’espace budgétaire pour investir dans la transition écologique, l’enseignement, les transports publics, ou encore les soins de santé – bref, pour assurer le monde de demain, celui de nos enfants et petits-enfants“, a continué la syndicaliste.

Le secrétaire général de la FGTB, Thierry Bodson, abonde dans ce sens. “L’histoire montre que les mesures d’austérité que l’Europe a prises par le passé, n’ont jamais fonctionné, autant d’un point de vue économique (elles ont souvent bloqué la croissance) que d’un point de vue social“, a-t-il ainsi insisté auprès de l’agence Belga.

Les perturbations ressenties

■ Reportage de Maël Arnoldussen, Thibault Rommens, Laurence Paciarelli

Une partie du personnel de la Stib a pris part à l’action. Ce mardi, seules ces lignes ont circulé :

  • METRO : lignes 1 et 5
  • TRAM : lignes 3, 4, 7, 8, 9, 51 et 92
  • BUS : lignes 12, 36, 45, 46 (Moortebeek – Anneessens), 50, 53, 56, 59, 65, 71, 73, 87 (prolongé jusqu’à Etangs Noirs), 88, 95 et le T-bus 8

La Stib recommande à ses voyageurs de prévoir d’autres solutions aux transports publics pour se déplacer dans la capitale. Pour toute information, le Contact Center (070/23.20.00) sera accessible dès 6h00 mardi. Le site internet www.stib.brussels et l’application STIB informeront également en continu les voyageurs, tout comme la page Facebook et le compte X (@stibmivb).

Des perturbations sont aussi attendues du côté des transports publics wallons (Tec). Les détails sont disponibles ici, mais la situation pourrait évoluer dans le courant de la journée.

La circulation des trains ne devrait pas connaître de perturbations majeures, mais la SNCB appelle toutefois ses usagers à redoubler de vigilance. Les informations en temps réel sont disponibles sur son site et sur l’application.

La collecte des déchets sera par ailleurs perturbée.

■ Reportage d’Ameline Delvaux, Charles Carpreau et Laurence Paciarelli

BX1 avec Belga – Photo : Belga

Félipé Van Keirsbilck, secrétaire général de la CNE, au micro de Loïc Struys