Dégradation de la note de Bruxelles : entre constats d’échec et appels au sursaut politique

La décision de l’agence Standard & Poor’s d’abaisser la note de la Région de Bruxelles-Capitale à A, assortie d’une perspective négative, a suscité une vague de réactions politiques et économiques. Les critiques convergent sur le diagnostic : un an d’immobilisme politique, une gestion budgétaire jugée défaillante, et un climat d’incertitude croissant. Mais les responsabilités pointées varient selon les acteurs. Tour d’horizon des principales prises de position.

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DéFI : une perte de crédibilité financière, PS et MR dans le viseur

Cette dégradation marque une perte de crédibilité financière pour Bruxelles, mais aussi un coût accru pour chaque Bruxellois en raison de l’augmentation des taux d’intérêt sur les emprunts. Cela réduira les moyens disponibles pour les services publics et les investissements nécessaires“, a commenté la présidente de DéFI, Sophie Rohonyi.

Pour DéFI, Bruxelles est sanctionnée pour son “incapacité, depuis des mois, à présenter une coalition gouvernementale stable, fondée sur une majorité solide, seule à même de porter une trajectoire budgétaire claire et crédible. La résilience budgétaire de la Région est affaiblie et les nationalistes flamands, rêvant d’une mise sous tutelle, se frottent les mains“.

La formation amarante estime que la responsabilité politique de cette situation est collective, mais qu’elle est particulièrement “criante auprès du PS et du MR“. “En septembre dernier, les deux premiers partis bruxellois ont délibérément choisi de reporter toute discussion budgétaire au lendemain des élections communales, alors qu’un accord politique venait d’être trouvé. Cette fuite en avant a plongé Bruxelles dans l’incertitude et bloqué les réformes nécessaires“, a pointé la présidente de DéFI, dans un communiqué.

Pour celle-ci, “l’humiliation subie par Groen à travers le vote de report de la LEZ et l’annulation de SmartMove ont par ailleurs aggravé les tensions et fragilisé davantage la coalition régionale en devenir“. “Il est encore temps de réagir. Vooruit l’a prouvé en retirant la prise des négociations menées par le PS avec l’extrême-gauche”, a-t-elle ajouté.

Le MR et le PS ont démontré dans de nombreuses communes bruxelloises qu’un dialogue était possible. Ils doivent maintenant faire preuve de la même maturité au niveau régional, a-t-elle encore dit.

MR : “On aurait dû l’éviter”

On aurait pu l’éviter. On aurait dû l’éviter“, a réagi David Leisterh, leader du MR à Bruxelles, sur les réseaux sociaux, à l’annonce de la dégradation de la note. “Bruxelles ne peut pas rester la pépite gâchée de l’Europe. Notre liste de réformes a été publiée. Mais certains ont préféré jouer avec les communistes“, déplore-t-il, évoquant le choix des socialistes de se tourner vers des concertations en vue de former une coalition de gauche à Bruxelles.

Le PS rejette la faute sur le fédéral

Les communes bruxelloises qui, demain, devront être aidées par la Région, reçoivent, à partir de janvier, une facture de 125 millions d’euros” a déploré le chef de file du PS bruxellois, Ahmed Laaouej, à la RTBF. Le socialiste déplore également les charges des pensions remises à la charge des communes et régions. “L’Arizona a coupé 75 millions d’euros dans les moyens de Beliris, qui finance les infrastructures bruxelloises“, conclut-il.

Les Engagés et le CD&V : “Bruxelles sur une pente dangereuse

Le chef de groupe des Engagés au Parlement bruxellois Christophe de Beukelaer s’est inquiété samedi de la dégradation de la note de la Région bruxelloise par l’agence de notation Standard & Poor’s, évoquant “un cercle vicieux qui met en péril la viabilité financière” de la Région. Le député bruxellois du CD&V Benjamin Dalle parle pour sa part d’un “signal d’alarme indéniable“.

Selon Christophe de Beukelaer, cette dégradation de la note bruxelloise “contribue à alourdir encore davantage le coût de notre dette“. “Bruxelles se trouve sur une pente dangereuse sur le plan financier“, ajoute Benjamin Dalle. “Avec une telle perspective négative, d’autres dégradations nous menacent si nous ne faisons pas preuve de fermeté. (…) Sans correction, nous risquons un scénario à la grecque au cœur de l’Europe“, estime l’élu CD&V.

Tous deux plaident “d’urgence” pour un nouveau gouvernement de plein exercice. Il doit avoir une mission claire, estime Christophe de Beukelaer : “établir une trajectoire budgétaire crédible et structurelle. (…) La Région a besoin d’un cap, d’une volonté politique forte et de décisions courageuses“.

Benjamin Dalle abonde : “Il est grand temps que les négociations passent à la vitesse supérieure afin qu’un gouvernement stable puisse remettre Bruxelles sur la bonne voie financière“.

N-VA : un échec total du gouvernement sortant

Si la N-VA ne se dit pas surprise par la dégradation de la note de la Région bruxelloise par l’agence de notation Standard & Poor’s, le parti estime que cette décision est “la conséquence logique de plusieurs années de politique budgétaire catastrophique et de mauvaise gestion“. Cette annonce “prouve l’échec total du gouvernement” Vervoort III, a commenté le chef de groupe de la N-VA au Parlement bruxellois, Gilles Verstraeten.

Avec un déficit estimé à 1,4 milliard d’euros et un taux d’endettement attendu de 242% cette année, la situation financière de la Région bruxelloise est désastreuse“, estime le député, qui pointe encore le risque d’une augmentation des charges d’intérêts sur la dette et de la dette elle-même. “En réalité, la Région est en faillite“, clame-t-il.

Chaque jour sans gouvernement coûte à Bruxelles encore plus de crédibilité et d’argent“, commente encore Gilles Verstraeten, qui déplore que “plusieurs partis refusent toujours de commencer une discussion sur d’éventuelles solutions parce qu’ils n’aiment pas leurs partenaires de dialogue, tout en flirtant avec l’extrême gauche“. Le responsable de la N-VA pointe, sans le nommer, le PS, qui ne souhaite pas débuter des négociations pour la formation d’un gouvernement bruxellois avec le parti nationaliste flamand.

Pouvons-nous enfin commencer à négocier et abandonner les veto infondés ? Bruxelles a besoin de réformes et d’une politique budgétaire sérieuse, mieux vaut aujourd’hui que demain“, a ajouté la ministre flamande des Affaires bruxelloise et négociatrice de la N-VA pour la formation du gouvernement bruxellois, Cieltje Van Achter.

Voka : “Un an d’immobilisme politique”

La dégradation de la note de la Région bruxelloise par l’agence de notation Standard & Poor’s est “le résultat de choix politiques“. C’est ce qu’a déclaré samedi René Konings, directeur de l’organisation patronale bruxelloise néerlandophone Voka Metropolitan. “En raison de blocages politiques et du refus de dialogue, la ‘marque Bruxelles’ est depuis un certain temps déjà sous pression auprès des entrepreneurs. Cette perception négative reçoit désormais une confirmation internationale“, a-t-il ajouté.

Selon le Voka Metropolitan, cette baisse de la note mènera à une hausse des charges d’intérêts pour la Région bruxelloise. L’organisation ne souhaite toutefois pas que cette augmentation pèse sur les entreprises. “Les entrepreneurs à Bruxelles comptent déjà parmi les plus lourdement taxés du pays. Beaucoup d’entre eux se demanderont si cela vaut encore la peine d’investir à Bruxelles“, prévient René Konings.

Le responsable patronal dénonce “un an d’immobilisme politique” qui a désormais “un coût tangible“. “Mais à plus long terme, les dommages sont plus profonds : l’image de Bruxelles se dégrade et la politique fiscale reste incertaine“, pointe-t-il encore. Il estime que les incertitudes causées par “l’inaction politique” risquent de mener à des reports d’investissement ou des déménagements “en périphérie de Bruxelles ou dans des villes des pays voisins“.

Le Voka Metropolitan lance un nouvel appel aux partis bruxellois, afin d’accélérer la formation d’un gouvernement de plein exercice, et plaide pour un plan budgétaire pluriannuel “visant à rétablir à terme l’équilibre budgétaire de la Région“.

Collectif des 40 Comités : “Quand la note financière baisse, la sécurité des citoyens vacille

Dans un communiqué publié ce jeudi, le Collectif des 40 Comités de quartier bruxellois tire la sonnette d’alarme. Selon ses membres, la dégradation de la note financière de la Région n’est pas seulement un signal budgétaire : elle menace directement la sécurité et la cohésion sociale dans la capitale.

Il est urgent de former un nouveau gouvernement capable d’agir avec rigueur et responsabilité“, interpelle le texte. Le collectif redoute des répercussions concrètes sur les services publics essentiels : une réduction des moyens alloués à la justice, à la police ou encore aux politiques sociales, avec à la clé une augmentation de l’insécurité.

Les auteurs pointent également une pression croissante sur Bruxelles en matière de migration et d’accueil. Avec environ 10 000 sans-abris et 100 000 personnes sans-papiers sur son territoire, la Région porterait à elle seule une charge “disproportionnée“, conséquence d’un “désengagement fédéral“.

Si l’État ne prend pas ses responsabilités, alors le centre d’enregistrement des demandes d’asile doit être déplacé ailleurs“, tranche le collectif, qui estime que la capitale ne peut continuer à assumer seule les effets d’une politique migratoire nationale qu’il juge “défaillante”.

Les signataires appellent à un sursaut politique pour garantir la sécurité dans les quartiers, estimant que les plans locaux ne suffisent plus. Ils réclament un plan d’action national dédié aux grandes villes, à l’image de ce qui existe en France ou en Allemagne.

Bruxelles ne peut plus faire face seule. C’est une question de justice territoriale et d’efficacité.

BX1 avec Belga

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14 juin 2025 - 11h49
Modifié le 14 juin 2025 - 14h07

BX1
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