Commission COVID : des hôpitaux ont refusé l’admission de résidents de maisons de repos
C’est le secteur des maisons de repos et de soins (MR-MRS) qui était entendu ce jeudi en séance spéciale COVID au parlement bruxellois. Une séance pour le moins très attendue par les parlementaires, présents pour beaucoup par vidéoconférence.
On retiendra deux choses de cette séance. Tout d’abord, la confirmation qu’il y a eu des refus d’hospitalisation et des retours prématurés de résidents de maisons de repos. Certains des responsables du secteur indiquent même que « des personnes sont décédées dans des conditions indignes ». Aucun hôpital n’a été désigné bien que les députés aient demandé quels étaient les hôpitaux bruxellois qui ont refusé des patients atteints de la COVID et à quelle fréquence.
Enfin, c’est un appel à l’aide qui a été émis ce matin au parlement bruxellois. Tous ont mentionné leur inquiétude quant au financement du secteur. Il y avait lors de la première vague et il y a toujours une crainte que le personnel soignant des maisons de repos soit contaminé. Les MR-MRS, souvent pointées du doigt comme étant des lieux de clusters, font peur à tel point que les responsables du secteur indiquent que des personnes âgées hésitent à s’y inscrire quand une place se libère. Et cela commence à peser sur les finances.
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Manque de matériel de protection
Les auditions ont débuté par celle de Vincent Fredericq de la Fédération des maisons de repos. Le secrétaire général de Femarbel dénonce le manque, voire dans certains cas l’absence de matériel de protection dans les premières semaines de la pandémie. « On s’est retrouvé face à des situations où le personnel n’était plus suffisamment protégé, où les résidents n’ont pas pu être protégés non plus et où des mesures préventives vis-à-vis des familles de résidents n’ont pas pu être prises. »
Pour développer son propos, il évoque notamment une image forte, celle d’une photo prise dans une MR où l’on voit un membre du personnel mettre « un grand sac poubelle gris percé de deux trous » en guise de masque. « C’était mieux que rien », indique-t-il avant de poursuivre : « Nous avions demandé dans un premier temps qu’un minimum de matériel puisse accompagner des résidents COVID positifs revenant de l’hôpital. Cela nous a été refusé ! »
Il révèle également que des MR-MRS ont commandé du matériel de protection à l’étranger mais que celui-ci a été saisi aux frontières au début de la crise sanitaire. « Certains établissements membres de la Fédération, actifs également dans d’autres pays d’Europe comme l’Italie et l’Espagne, nous ont averti de la situation dans leur pays et il y a des commandes extrêmement importantes qui ont été bloquées ou saisies à différentes frontières et dans différents aéroports ». Il cite l’exemple de plusieurs mètres cube de masques bloqués à l’étranger.
Une « période de débrouille » jusqu’à la deuxième quinzaine du mois de mars, confirme encore Christian Dejaer, directeur coordinateur des maisons de repos chez Gibbis.
Manque de formation
Dans son audition, Vincent Fredericq signale également un manque de formation tant au niveau de l’hygiène qu’au niveau de la gestion de crise. « Clairement, il y a eu un manque de formation de base dans les directions et chez les cadres en ce qui concerne la gestion de crise. Il y avait aussi une formation de base insuffisante de la part de nos membres du personnel. »
Bertrand Draguez, président de MSF Belgique, a, de son côté, insisté en seconde partie de séance pour que des formations continues soient mises en place rapidement pour le personnel des MR.
Ce manquement dans la formation du personnel s’est concrétisé sur le terrain, dès les premiers jours de la crise, par plusieurs manquements et par de fausses croyances au niveau de l’hygiène. Il donne quelques exemples : la double paire de gants non nécessaire, l’utilisation d’eau de javel de manière disproportionnée par rapport à la situation, du personnel – infirmiers, aides soignants, mais aussi médecins coordinateurs – qui passe de chambre en chambre sans se désinfecter les mains.
Refus d’admission des résidents dans certains hôpitaux
Mais ce qui ressort indéniablement de ces débats, c’est le climat de méfiance qui entoure les MR-MRS. Un climat de peur qui s’est notamment observé et concrétisé dans les relations avec les hôpitaux et les médecins généralistes aux mois de mars et d’avril. « Certains généralistes ne sont plus venus, soit parce qu’ils n’avaient pas le matériel de protection nécessaire, soit parce qu’ils avaient peur pour leur vie ».
Mais le plus troublant reste encore le refus de certains hôpitaux bruxellois d’admettre des résidents atteints de la Covid-19. « Il y a bien eu des refus d’hospitalisation. Il y a bien eu des retours prématurés de résidents COVID. Il y a bien eu des refus ou des absences de test avant la sortie ayant donné lieu à des ‘outbreaks’. Certaines personnes sont décédées dans des conditions indignes », confirme Vincent Fredericq.
Il a fallu attendre une circulaire du fédéral émise fin juillet pour préciser que les résidents des établissements de soins aux personnes âgées doivent toujours avoir accès à un transport médical urgent ou à une hospitalisation. Preuve selon le secrétaire général de Femarbel que les problèmes étaient bien connus de la part des autorités. Aucun hôpital n’a été pour le moins cité.
Les MR-MRS délaissées
Pour Jean-Marc Rombeaux, conseiller à la fédération des CPAS, il n’y a pas de doute, il y a eu un défaut d’attention et de prévoyance à l’égard des MR-MRS. Il parle d’une politique hopitalo-centriste : « Au départ, les autorités ont favorisé les hôpitaux pour éviter une saturation car on avait l’exemple de la Lombardie. Et ils se sont détournés des maisons de repos. » Le 26 mars, le SPF Santé Publique a listé les prestataires prioritaires. « Les autorités ont désigné les hôpitaux, les ambulances, les centres de tri, les professionnels de la santé, le personnel des laboratoires, les cas suspects dans les collectivités. Les maisons de repos figuraient en fin de liste. »
A cette époque, seules les personnes souffrant de troubles respiratoires graves qui devaient être hospitalisées sont encore soumis aux tests PCR. Le 27 mars, les maisons de repos reçoivent d’Iriscare des nouvelles consignes par voie de circulaire. Il est demandé alors que les établissements ne peuvent envoyer un résident à l’hôpital qu’en cas de stricte nécessité, afin de participer au désengorgement des hôpitaux. « C’est une priorisation qui a conduit de fait à une forme de rationnement au détriment des MR tant pour le matériel de protection que pour les tests. »
Les difficultés financières du secteur
Une journée chargée dans laquelle a également été pointée du doigt la situation financière dans les MR-MRS. Les responsables ont mentionné l’incohérence quant à la différence de salaire entre le personnel de soins à Bruxelles et celui dans les autres Régions. Tous demandent aujourd’hui une révision des financements qui leur sont octroyés. C’est dorénavant au planning de l’agenda 2021.
Les conclusions de la commission spéciale COVID sont attendues pour les vacances de Carnaval. Le but de ces séances publiques : tirer des conclusions de la crise et émettre des recommandations pour l’avenir.
Aurélie Vanwelde – Photo: BX1