Comment une vidéo sortie de son contexte du projet “Parlons Jeunes” choque les réseaux sociaux

Il y a deux semaines, une vidéo a été postée sur le site Vimeo. Elle fait partie d’un programme d’éducation permanente et de questionnement à la citoyenneté mené par le Délégué général aux droits de l’enfant, Bernard Devos et l’ASBL Comme un lundi, intitulé Parlons jeunes. Cette vidéo traite de la question du port du voile par les jeunes filles. Les jeunes ont la parole, questionnent leur tradition, interviewent une journaliste de la radio Arabel. Cette vidéo est ensuite mise en avant par l’Observatoire Fondamentalismes à Bruxelles. Sortie de son contexte, elle questionne, choque certains. Sortie de son contexte, toute vidéo peut être mal interprétée ce qui prouve que le travail de contextualisation est indispensable.

C’est l’Observatoire Fondamentalismes à Bruxelles qui attire l’attention de ses abonnés sur cette vidéo à l’aide d’une carte blanche. Le titre: “Merci aux pouvoirs publics d’aider nos jeunes filles à porter le voile obligatoire”. Interpellant. Les deux auteurs signent d’un pseudo et dénoncent une vidéo intitulée “Tuto Hijab”. Elle explique comment porter le foulard. Ce qui choque les auteurs, c’est le fait que cette vidéo est produite avec l’argent public puisque la Cocof finance le projet.

Pour la porte-parole de cet organe, la vidéo est problématique. “C’est un soutien à la propagande islamique. Ce n’est pas la place de l’Etat belge, explique Fadila Maaroufi. Il n’y a pas de travail critique, ni d’accompagnement. On voit le discours des religieux qui mettent la pression sur les jeunes filles pour qu’elles portent le voile.” L’Observatoire Fondamentalismes à Bruxelles a été créé en janvier 2020 pour “avoir une parole libre et neutre avec un comité scientifique” qui n’a pas été encore désigné.

Un travail de vérification

Seulement, cette vidéo a été sortie de son contexte. Elle ne s’intitule pas “Tuto Hijab”. Ce titre est en réalité une parodie créée par les adolescents. Les deux jeunes filles font semblant de créer un tutoriel comme il en existe tant sur Youtube. Dans les propos, on peut sentir leur humour lorsqu’elles expliquent que le voile protège des pointes fourchues.

Le titre réel de la vidéo est “PCPJM Episode #4 Le voile (Partie 2)”. PCPJM? C’est le nom de ce projet de Parlons jeunes: “parlons clichés, parlons jeunes musulmans”. Episode #4 car c’est le quatrième dossier du travail des jeunes. Les autres sont sur l’identité, l’appartenance au quartier. Ceux d’après parlent de l’homophobie. Partie 2 car il y a une première partie à cette vidéo de 5min47. Les deux séquences ont été scindées pour que les clips ne soient pas trop longs et visionnés par les jeunes. La première partie est l’interview d’un islamologue qui explique comment le voile est apparu dans l’islam. Il remet en contexte. Les jeunes expliquent pourquoi elles le portent ou non. Des garçons font également part de leur point de vue, de leurs doutes.

Ensuite, le curieux peut se rendre que le site de Parlons jeunes. Le projet est de laisser les adolescents s’exprimer, de les éduquer aux médias, de les aider dans leur cheminement, dans la remise en question. Seulement, cette démarche, les auteurs de la carte blanche de l’Observatoire Fondamentalismes ne l’ont pas faite. “Non je n’ai pas regardé le site ou les autres vidéos, reconnaît Fadila Maaroufi. Mais les jeunes peuvent aussi la voir sans le contexte”.

Peut-être fallait-il lire le contexte de la vidéo écrit sur la page de Comme un lundi sur Viméo.  Alerté, le Délégué général aux droits de l’enfant a réagi. Pour lui, hors de question de demander aux jeunes de retirer cette vidéo. C’est la Fédération Wallonie Bruxelles qui doit juger de la pertinence de ce travail et pour le moment, elle lui fait confiance.

“Les responsables du projet “Parlons jeunes” ont pris connaissance des critiques négatives. Ces commentaires et critiques négatives témoignent d’abord et surtout d’une approche ou d’une lecture partielle et partiale des contenus publiés voire d’une inquiétante méconnaissance du sujet. Le travail réalisé répond à l’esprit et la lettre de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Ses promoteurs ont respecté une démarche d’éducation à l’esprit critique et d’éducation permanente. Les réseaux sociaux sont le lieu de la polémique et du scandale, pas assez celui de la réflexion sereine”, a réagit le porte-parole David Lallemand.

V.Lh. – Photo: Parlons Jeunes

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30 janvier 2020 - 18h10
Modifié le 30 janvier 2020 - 18h19