Bruxelles veut créer 20.000 places pour les réfugiés ukrainiens pour le 30 juin
Le coordinateur pour l’accueil des réfugiés ukrainiens, Pierre Verbeeren, a rendu sa note stratégique au gouvernement bruxellois qui devrait l’approuver ce jeudi. Il y détaille comment il est possible d’accueillir et d’intégrer 20.000 réfugiés pour leur logement, les soins de santé, la recherche d’un emploi, une formation, les aides sociales ou encore la scolarisation. Un plan ambitieux qui a un air de mission impossible.
Ce mercredi, les bourgmestres bruxellois étaient réunis pour la traditionnelle conférence des bourgmestres. A l’ordre du jour : l’accueil des réfugiés ukrainiens et la note remise au gouvernement par le coordinateur Ukraine. Actuellement, le flux de réfugiés semble diminuer. Entre 150 et 200 personnes s’inscrivent tous les jours. En tout, depuis un mois, 33.203 attestations ont été délivrées par l’Office des Etrangers pour toute la Belgique. 38% sont des mineurs et 65% des femmes. Un tiers dispose aujourd’hui d’un enregistrement dans une commune. Ils ne sont que 1.013 à être enregistrés en Région bruxelloise et disposer d’un numéro national.
Suite aux discussions entre le fédéral et les Régions, il a été décidé que Bruxelles devrait prendre en charge 10% des 200.000 personnes attendues sur le territoire national. Cela représente tout de même, le nombre de demandeurs d’asile en Belgique pour les 7 dernières années.
Si Bruxelles doit accueillir 20.000 réfugiés d’ici fin juin, cela représentera une hausse de 1,7% de sa population. Dans sa note, Pierre Verbeeren explique qu’il faut donc une réponse cohérente et de “mettre les institutions et les acteurs bruxellois en capacité d’accroître très significativement la capacité régionale d’intégration des nouveaux arrivants. C’est un défi colossal.”
Un défi logistique
Pour l’hébergement d’urgence, le fédéral est compétent, mais pour le long terme, la Région doit prendre la main. Pour l’urgence, les hôteliers bruxellois sont tout de même sollicités et offrent entre 40 et 50 personnes par soir pour les personnes qui viennent d’arriver en complément des structures de Fedasil. Pour le moyen et le long terme, la Région doit aménager 10.000 places et les communes aussi. Cela veut aussi dire la création de places dans l’enseignement, en crèche et des demandeurs d’emploi chez Actiris ou Bruxelles Formation avec une reconnaissance des diplômes.
Pour être efficace, 7 groupes de travail sont mis sur pied. Le premier concerne le logement principalement offert par des particuliers ou les communes. Un outil numérique pour comptabiliser les offres et des webinaires pour répondre aux questions des hébergeurs devraient être créés pour le 30 avril.
Le deuxième groupe concerne les infrastructures collectives capables d’héberger. Ici, c’est à la Région de créer 10.000 places avec l’objectif de 5.000 pour le 31 mai. A titre indicatif, la note parle de 7.000 places en reconversion temporaire de bureaux vides, 2.000 places avec le secteur hôtelier, les associations, l’armée ou le clergé. Enfin, 1.000 places sont prévues dans des modules. La SAU (société d’aménagement urbain) doit identifier des terrains en friche comme le triangle Delta.
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Citydev et la SLRB sont aussi mandatés pour trouver des bureaux reconvertibles. Evidemment, il faut tout de même certains standards, notamment pour les normes pompiers, mais des dérogations au code bruxellois de l’aménagement du territoire sont possibles. De plus, il faut que ces logements soient répartis de manière équilibrée entre les communes. L’inventaire est attendu pour le 30 avril.
Le défi de l’emploi
Le troisième groupe concerne les matières de l’emploi, de la formation, des cours de langue ou encore de l’équivalence des diplômes. Actiris estime que 5.000 personnes devront être mises à l’emploi. La connaissance de la langue est un frein et la plateforme Brulingua s’est ouverte à l’ukrainien. Les personnes parlant anglais, ukrainien et russe devraient trouver un emploi d’interprète très facilement. Pierre Verbeeren préconise aussi une accélération de la reconnaissance des diplômes des réfugiés. Un premier rapport est attendu pour le 15 mai.
L’enseignement
C’est le quatrième groupe de travail. Il a pour mission d’intégrer 3.000 enfants de moins de 12 ans, 2.500 jeunes de 12 à 18 ans, 1.000 étudiants et 1.000 enfants de moins de 2,5 ans. Pour cela, il faut une collaboration accrue avec la Fédération Wallonie Bruxelles et la Flandre. Un rapprochement avec des structures ukrainiennes déjà présentes à Bruxelles est prévue. Un plan d’action détaillé est demandé pour le 30 avril.
La santé
Les soins de santé doivent être accessibles à tous, qu’il s’agisse de la première ligne ou de la santé mentale ou des maladies chroniques. Il faut donc communiquer auprès des réfugiés et établir un plan de dépistage et de vaccination, en particulier contre la tuberculose, la rougeole et le covid. Un centre pilote de prévention pourrait être mis en place.
Le sixième groupe est lié à la protection sociale et aux allocations avec un soutien renforcé de la part des CPAS. On estime qu’il faudrait 27 millions d’euros pour payer les allocations familiales des réfugiés.
Enfin, le dernier groupe porte sur la communication. Il faut structurer et évaluer les besoins de la communauté ukrainienne, étudier la possibilité de créer des guichets, avoir un référent Ukraine dans chaque commune et poursuivre le développement du site helpukraine.brussels.
100 millions d’euros de budget
Toutes ces mesures ont évidemment un coût estimé à 100 millions d’euros, mais qui devra être affiné selon la réalité et l’évolution de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Une task-force composée dans tous les ministres bruxellois auxquels s’ajoute la haute fonctionnaire de Bruxelles Prévention Sécurité, Sophie Lavaux, est prévue. Ce budget comprend la création de places, les politiques de mise à l’emploi, le recrutement d’agents pour effectuer les diverses missions, le tout dans un temps record.
“Si on suit cette note, on résout la crise ukrainienne, mais aussi la pauvreté et le sans-abrisme à Bruxelles”, commente un bourgmestre. Il est vrai que la note stratégique semble quasi-être une mission impossible dans un délai aussi court. De plus, il est précisé que la Région ne souhaite pas mener des politiques différenciées selon l’origine des réfugiés. Les Ukrainiens ne passeront pas devant d’autres personnes sur les listes d’attente pour l’obtention d’un logement social par exemple.
Une répartition par commune très théorique
Au niveau du logement, le rapport contient une répartition des logements à créer par les autorités locales et la Région selon les communes. Il s’agit d’un calcul qui tient compte du nombre de revenus d’intégration par entité, du nombre d’habitants et de la densité. Ainsi, il faudrait qu’Ixelles héberge 1.418 Ukrainiens au 30 juin, 3.232 vivraient à la Ville de Bruxelles, 1.960 à Anderlecht et 333 à Koekelberg. “Tout cela est très théorique, explique Olivier Deleuze (Ecolo), bourgmestre de Watermael-Boitsfort et président de la conférence des bourgmestres. Il va falloir voir combien de personnes arrivent réellement et comment nous allons pouvoir gérer les hébergements chez les particuliers sur le long terme. Certains n’ont pas pensé que leurs hébergés seraient encore là lors de leur départ en vacances.”
Actuellement, aucun Conseil régional de sécurité (Cores) n’est prévu pour discuter avec Rudi Vervoort (PS), ministre-président bruxellois.
Vanessa Lhuillier – Photo: Belga