Béguinage, ULB, VUB : où en sont les dossiers des sans-papiers ex-grévistes de la faim?
Le 21 juillet dernier, les 470 sans-papiers de l’église du Béguinage, de l’ULB et de la VUB suspendaient une grève de la faim de huit semaines, après un accord avec le cabinet du secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, Sammy Mahdi (CD&V). Deux mois plus tard, aucun des ex-grévistes n’est encore fixé sur son sort et leur situation sanitaire inquiète de plus en plus les associations de terrain.
Près de la moitié des sans papiers ex-grévistes de la faim ont introduit leur dossier auprès de l’Office des étrangers. « Et c’est un très bon chiffre ! », commente Sotieta Ngo, directrice générale du Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers). Le reste des demandes est en cours de préparation chez les avocats des personnes concernées et devrait être déposé d’ici deux à trois semaines.
Mais aucune décision n’a encore été prononcée, constate, amère, Sotieta Ngo : « L’Office des Etrangers s’était pourtant engagé à les traiter prioritairement, dans les trois semaines après leur réception. Or les premières demandes ont été introduites autour du 15 août. Les délais promis sont déjà dépassés.»
Du côté de l’Office des étrangers, aucun délai n’est avancé pour l’instant. « Il est très difficile de prévoir quand le traitement des dossiers sera clôturé, car chaque dossier est traité individuellement et ils sont arrivés en grand nombre», répond Dominique Ernould, la porte-parole. « Tous les dossiers sont différents et nous devons vérifier chacun des éléments d’ancrage apportés par les demandeurs. Nous devons prendre contact avec des administrations communales, des écoles. Cela prend du temps. »
Inquiétudes
En attendant, sur les 470 occupants des trois sites, près de 250 y sont toujours, faute de pistes de relogement, « car ils n’ont droit à rien », précise encore la directrice du Ciré. Certains sont aidés par des proches, ou se sont tournés vers des squats, mais beaucoup, dont des familles avec enfants, des femmes seules, n’ont aucune solution et continuent de dormir sur les lieux d’occupation, constate Mehdi Kassou, porte-parole de la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés.
Leur état de santé physique mais aussi mental et psychique continue d’inquiéter. « Il y a encore des ex-grévistes hospitalisés. Plus globalement, ces personnes sont épuisées, après des mois de grève de la faim. Elles ont perdu leur logement, leur travail. Elles sont très affaiblies et présentent des risques de décompensation. » Et cet autre péril qui se profile : l’arrivée de l’hiver et le risque que ces femmes et ces hommes très fragilisés viennent gonfler les rangs des personnes sans-abri en espérant trouver une place dans des centres d’hébergements déjà saturés.
Les associations de soutien des sans-papiers craignent aussi une reprise du mouvement de grève de la faim, en cas de déception, une fois les décisions connues. « Ils sont prêts à reprendre, on sent bien que c’est très présent», observe Mehdi Kassou.
Car certains seront déçus. Les réponses positives seront évidemment un soulagement et un excellent signal, explique Sotieta Ngo. « Mais au fur et à mesure qu’elles vont arriver, il y aura inévitablement des décisions négatives. Dans quelles proportions ? Difficile à dire mais cela va déterminer la réaction des sans-papiers sur le terrain. S’il y a beaucoup de réponses négatives, de nouvelles actions sont à craindre. »
Il y a parmi les ex-grévistes une grande variété de situations. Certains sont là depuis de nombreuses années, ont fondé une famille, avec des enfants scolarisés, un travail, un parcours d’intégration, d’autres vivent en Belgique depuis peu, sans véritable ancrage. Dans leur grande majorité, ils ont demandé ou demanderont une régularisation pour motifs humanitaires. Selon les chiffres généraux de l’Office des étrangers, en moyenne, 50% des demandes de séjour humanitaire font l’objet d’une décision positive. « Il n’y a pas de raison qu’il y ait beaucoup plus de réponses positives pour eux que pour la moyenne générale. Nous craignons les réactions que cela peut susciter», conclut Sotieta Ngo.
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Une dizaine de bâtiments occupés par des sans-papiers
Très récemment, deux occupations ont démarré à Molenbeek
– 300 sans-papiers ont investi fin août les bâtiments de l’ancien siège de la KBC, avenue du Port, à Molenbeek. Dénommé « Zone neutre », le groupe est entouré par des associations de soutien, et réclame un droit de séjour.
– Une trentaine de personnes occupent depuis le début du mois de septembre un bâtiment de l’avenue Joseph Lemaire, à Molenbeek. Une occupation dénommée « La Casita ». Certains sont d’anciens occupants de l’ULB.
Plusieurs bâtiments sont occupés depuis parfois plusieurs années
– Rue De Koninck, à Molenbeek, depuis le mois de janvier, entre 250 et 300 personnes, des transmigrants pour la plupart, occupent un bâtiment de Citydev. L’occupation fait l’objet d’une convention et peut se poursuivre jusqu’au mois d’avril, au minimum, nous indique Rachid Barghouti, le porte-parole de la bourgmestre de Molenbeek, Catherine Moureaux (PS).
– Une centaine de personnes occupent depuis 2019 deux immeubles appartenant à la Régie des bâtiments, situés à Ixelles, avenue de la Couronne et rue Fritz Toussaint.
–Une quarantaine de sans-papiers occupent depuis plusieurs années un immeuble de la rue Vanderstichelen, à Molenbeek. Des familles d’origine subsaharienne pour la plupart. Les aspects humanitaires sont gérés avec la commune.
– Des familles Roms occupent un bâtiment de la rue de Birmingham, toujours à Molenbeek, depuis plusieurs années. Une cinquantaine de personnes accompagnées par des associations de terrain.
– Place Quetelet, autre occupation « historique » : 150 personnes en majorité guinéennes occupent depuis six ans un bâtiment mis à disposition par la commune. Beaucoup seraient régularisés.
S.R.