Attentats de Bruxelles : Le parquet fédéral requiert la culpabilité d’Abrini et d’Atar comme co-auteurs des attentats

Ce matin, sur les coups de 10h30, les procureurs fédéraux ont entamé leur réquisitoire devant la cour d’assises de Bruxelles. Le parquet fédéral a requis la culpabilité d’Oussama Atar et de Mohamed Abrini.


12:10 : Toutes les conditions de l’attentat terroriste sont réunies selon le parquet fédéral

Pour savoir si la qualification des faits qui a été retenue est la bonne, soit l’assassinat dans un contexte terroriste, trois questions sont à poser, a rappelé la procureure Paule Somers. S’agit-il d’un meurtre? Oui, selon elle. “L’utilisation du TATP, renforcé de clous et de boulons, n’a eu pour but que de tuer. Cette volonté est d’ailleurs encore renouvelée la veille des attentats”, a-t-elle ajouté, renvoyant à un fichier audio trouvé dans “le PC de la rue Max Roos”, un ordinateur découvert dans une poubelle à proximité d’un appartement schaerbeekois qui a servi de planque à la cellule terroriste. “Dans ce fichier, il est question de ‘faire un maximum de victimes'”, a rappelé la procureure.

Ce meurtre a-t-il été prémédité? C’est à nouveau “oui” pour la magistrate. Les membres de la cellule “ont patiemment acheté tous les ingrédients pour confectionner le TATP les semaines précédentes. Ils ont préparé avec soin les sacs à dos et de voyage [chargés des explosifs]”. Celle-ci a ajouté que des images de caméras de vidéo-surveillance montrent aussi qu’Osama Krayem “a branché le système de mise à feu” du sac à dos du kamikaze du métro Khaled El Bakraoui. Cela “confirme sa volonté de faire de ce sac une bombe pour tuer”.

La magistrate retient encore que les auteurs ont pris soin “d’enregistrer des audios”, notamment un audio dans lequel “ils annoncent à Abou Ahmed [Oussama Atar, NDLR] les cibles qu’ils ont choisies”. Selon Paule Somers, “tout est réfléchi, tout est posé. La préméditation est une certitude au-delà de tout doute raisonnable”. Enfin, ce meurtre prémédité a-t-il été commis dans un contexte terroriste? Réponse affirmative pour l’accusation. “Ils ont frappé des lieux stratégiques: l’aéroport national et une station de métro en plein cœur du quartier européen à Bruxelles. En frappant là, ils terrorisaient une population dans son ensemble”, a avancé Paule Somers. Celle-ci a précisé que l’attaque à l’aéroport a eu lieu à proximité de comptoirs d’enregistrement pour des “vols russes, américains et vers Israël”, des pays qui “ne font pas partie de la coalition tant diabolisé par l’État Islamique”.

Le but était de “‘faire trembler l’Europe des croisés’, ont-ils expliqué dans leurs revendications”, a conclu la procureure.

Dessin de Jonathan De Cesare / Belga

16:45 : La culpabilité d’Oussama Atar requise comme co-auteur des attentats

Le parquet fédéral a, sans surprise, requis la culpabilité d’Oussama Atar pour avoir dirigé un groupe terroriste et pour avoir été co-auteur d’assassinats et de tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste, mardi matin au procès des attentats du 22 mars 2016. Cet accusé a été présenté par les procureurs, devant la cour d’assises de Bruxelles, comme le principal accusé parmi les dix hommes poursuivis pour ces attaques djihadistes. Oussama Atar étant présumé mort en Syrie, il fait défaut à son procès.

Tout le dossier démontre qu’Oussama Atar faisait partie d’un groupe terroriste en tant que dirigeant, selon les procureurs fédéraux. “Il assure les principales responsabilités au sein du groupe et c’est l’individu qui préside aux destinées d’un tel groupement, qui le structure, qui choisit des membres et qui décide de ses orientations en faisant des choix qui sont ensuite suivis par les subordonnés”, a avancé la procureure Paule Somers.

Pour pouvoir avancer cette affirmation, le parquet fédéral se base en grande partie sur les enregistrements audio du kamikaze Najim Laachraoui, découverts sur un ordinateur de la cellule. Dans ces fichiers, Laachraoui explique à “Abou Ahmed”, identifié comme Oussama Atar, “comment le groupe travaille et où il va travailler, ce dont il dispose comme moyens, quels sont les frères encore disponibles en France, etc.”, a étayé la procureure. Najim Laachraoui précise aussi, dans l’un des fichiers: “j’attends la réponse avec impatience”, ce qui démontre bien, a souligné la magistrate, qu’il attendait des instructions d’Oussama Atar.

La veille des attentats, Najim Laacharoui et Ibrahim El Bakraoui, les deux kamikazes qui déclencheront leur bombe à 07h58 le 22 mars à l’aéroport, envoient un dernier message audio à leur “émir”. Le duo y fait ainsi un “topo” de la situation, a relevé Paule Somers: il décline les armes encore disponibles, l’argent qui reste, mentionne diverses versions de message de revendication dans lesquelles Oussama Atar pourra “chipoter” à sa guise. Najim Laachraoui y renseigne avoir “laissé la manière de te contacter à un frère”, auquel les deux hommes donneront des instructions pour récupérer les armes.

Le ministère public a également renvoyé aux déclarations de plusieurs autres djihadistes pour appuyer le rôle central d’Oussama Atar. Il a ainsi cité une audition de Bilal Chatra, qui a joué un rôle d’éclaireur dans l’attentat déjoué du Thalys, à l’été 2015. Les procureurs fédéraux avaient demandé à ce que l’homme témoigne devant la cour, par vidéoconférence si besoin, mais l’intéressé avait refusé. Le jeune Algérien “a déclaré avoir logé à Raqqa (dans le nord de la Syrie, NDLR) dans une maison très sécurisée abritant sept émirs. Atar était l’émir le plus haut placé, selon lui”, a pointé la procureure fédérale. L’accusé ordonnait notamment des enquêtes sur ceux qui voulaient rentrer en Syrie ou quitter le pays, d’après ce témoignage. L’accusé avait ainsi un rôle de direction depuis la Syrie, coordonnant la cellule belge et lui donnant ses directives depuis le Moyen-Orient. Le parquet a également fait écho aux propos de deux djihadistes arrêtés alors qu’ils tentaient de regagner l’Europe. Oussama Atar les “guidait” via un numéro turc leur permettant d’échanger sur la messagerie instantanée Telegram. Lors de ces échanges, le duo appelait Atar “oncle” et le même numéro a été retrouvé dans la poche d’un kamikaze de Paris, a souligné Paule Somers.

Oussama Atar, cousin d’Ibrahim et Khalid El Bakraoui, a par ailleurs semé les graines de la radicalisation chez les deux frères qui déclencheront leur charge explosive en Belgique, l’un à Zaventem, l’autre à Maelbeek, a poursuivi l’accusation. En 2003, Oussama Atar a tout juste 18 ans et est en décrochage scolaire quand il s’envole vers Damas en compagnie d’un ami avec lequel il partage ses questionnements religieux. Tous deux rejoignent l’école Abu Nour, dans laquelle évoluent plusieurs radicaux, pour apprendre l’arabe. Oussama Atar sera arrêté en 2005 en Irak pour accès illégal au territoire, puis condamné. L’homme passera par différents camps de détention américains dans le pays, où il croise ceux qui deviendront les grands pontes de l’État Islamique, d’après l’enquête. Il rentrera en Belgique en septembre 2012 pour raisons médicales.

En Europe, l’homme est “devenu une charpente du radicalisme, qu’il manifestait de manière ostensible”, a pointé le parquet, citant le témoignage d’un oncle maternel d’Oussama Atar au procès des attentats de Paris. “La première personne à parler de lui et de son influence sur la radicalisation des frères El Bakraoui, c’est l’accusé Ali El Haddad Asufi”, a poursuivi Paule Somers. “‘Outre Oussama, je ne vois pas d’autre facteur qui a influencé Ibrahim’, a-t-il déclaré.” Quant à Khalid El Bakraoui, lui et son cousin étaient “très souvent ensemble”, selon les dires en audition du co-accusé.

De l’avis du parquet fédéral, Atar doit aussi être reconnu coupable d’avoir été co-auteur des attentats, donc co-auteur d’assassinats et de tentatives d’assassinats terroristes. Selon lui, l’homme a commandité les attaques depuis la Syrie, où l’on sait qu’il dirigeait la cellule des opérations extérieures de l’État Islamique, la Copex. D’après l’argumentation du ministère public, même si Atar n’a pas directement participé aux attentats, il “connaissait la nature et le but de l’action”. Selon l’accusation, “rien n’exige qu’il ait été au courant de tous les détails” pour pouvoir le reconnaître coupable d’avoir été co-auteur.

dessin de Jonathan De Cesare / Belga

16:50 : Le parquet fédéral requiert la culpabilité d’Abrini comme co-auteur des attentats

Le parquet fédéral a requis mardi après-midi, devant la cour d’assises de Bruxelles, la culpabilité de Mohamed Abrini pour avoir été, d’une part, membre d’une organisation terroriste et, d’autre part, co-auteur des attentats terroristes du 22 mars 2016.

Le fait que Mohamed Abrini ait finalement renoncé à se faire exploser à l’aéroport de Zaventem en même temps que Najim Laachraoui et Ibrahim El Bakraoui n’est pas une preuve qu’il n’était pas animé d’une intention de tuer, a avancé le procureur fédéral Bernard Michel. Et pour soutenir son argumentation, le magistrat s’est basé sur un arrêt de la Cour de Cassation qui précise que “le désistement volontaire consiste à renoncer à l’infraction avant qu’elle ne soit consommée”. Or, considère-t-il, dans ce cas-ci, l’infraction a déjà eu lieu puisque la première explosion retentit lorsque l’homme au chapeau abandonne le chariot sur lequel il avait posé ses bagages remplis d’explosifs. “Il renonce à se faire exploser lui-même lâchement, ou par réflexe de survie, je ne sais pas… Mais il ne renonce en tout cas pas à l’attentat”, a argumenté le magistrat. “Il recule en mettant les mains sur les oreilles, sachant que la deuxième explosion va survenir. Il pousse son chariot contre un poteau. Il ne désarme rien du tout” bien qu’il savait, selon le procureur, comment déconnecter la bombe.

Le représentant du ministère public a insisté sur le fait que son sac de voyage chargé de TATP, abandonné dans un coin de l’aéroport, aurait pu exploser et faire de nombreuses autres victimes. Bernard Michel a notamment rappelé que plusieurs personnes ont raconté devant la cour qu’elles avaient utilisé des chariots à bagages pour transporter les blessés. Que se serait-il passé si elles avaient évacué les sacs du chariot d’Abrini pour l’utiliser comme brancard? Ou si des morceaux de plafond qui tombaient avaient heurté ceux-ci?, a questionné le magistrat.

Avec Belga / dessin de Jonathan De Cesare

■ Un reportage de Sabine Ringelheim, Yannick Vangansbeek et Timothée Sempels

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30 mai 2023 - 17h29
Modifié le 30 mai 2023 - 18h26