Mathieu Strale (ULB) “Pourquoi mettre un métro à cet endroit ?”

Pourquoi mettre un métro à cet endroit ?” C’est la question que se sont posés deux chercheurs de l’Université Libre de Bruxelles en parlant du “Métro Nord” qui devrait relier vers 2028 la Gare du Nord à Bordet, après avoir traversé en souterrain les communes de Schaerbeek et Evere. Nous avons rencontré Mathieu Strale, 32 ans, géographe à l’Institut de gestion de l’Environnement et de l’Aménagement du Territoire de l’ULB qui rassemble des géographes, donc, mais aussi des experts en environnement, en développement durable et même en tourisme. Mathieu est spécialiste des transports métropolitains dans une zone qui couvre la Région bruxelloise mais aussi le Brabant flamand et le Brabant wallon. Son travail et celui de ses collègues est de mettre en place des outils d’aide à la collaboration entre les divers niveaux de pouvoir, de déceler les points de collaboration et de blocage. C’est à ce titre que, face au faramineux projet de construction du métro Nord, il lui semblait légitime de se demander sans “à priori”, sans parti pris, pourquoi un métro, et pourquoi à cet endroit ? Est-ce une fatalité ou y-t-il des alternatives crédibles ?

Car ce fameux métro Nord, annoncé pour 2025, puis aujourd’hui pour 2028, commandité en 2013 par la Région bruxelloise, a été présenté comme LA solution aux nombreux problèmes de mobilité dans le nord de la région et au-delà; en avançant d’ailleurs quelques justifications qui semblent à première vue…tenir la route. Sans être pour ou contre, Mathieu Strale s’est demandé quelles étaient les alternatives à ce méga projet; alors que peu d’analyses alternatives sont connues ou présentées au grand public.

Sans reprendre l’entièreté de l’étude, attachons-nous à quelques points de justification comme l’amélioration de la vitesse commerciale, de la régularité et des correspondances entre Schaerbeek et le centre-ville. Actuellement, le tram 55 entre Vinci et Rogier véhicule 1600 voyageurs maximum par heure et par sens. Le métro devrait en transporter 15 000 par heure et par sens, avec une fréquence de 3 minutes. Or, actuellement, le 55 est surtout un tram local qui transporte principalement des voyageurs d’un quartier à un autre. Pour ceux-ci, il y aurait peu de gain de temps. Construites profondément dans le sol, les stations nécessiteront plusieurs minutes pour être atteintes, en montée comme en descente. De plus, elles seront évidemment plus éloignées les unes des autres que les arrêts de tram actuels. Que deviendra également le réseau de surface après la disparition du 55 ? Nul ne le sait. Si la ligne 55 est actuellement saturée à certaines heures, c’est à cause de son irrégularité; résultat, en partie, du réseau historique de la Stib dans la portion proche de la gare du Nord et de la Place Liedts. Un véritable noeud où se croisent plusieurs lignes de tram à des fréquences très serrées.

D’où viendront les 15 000 usagers/heures du métro (les commanditaires parient sur une hausse de la demande future) ?. D’un parking de dissuasion à construire on ne sait pas où près de Bordet, c’est-à-dire déjà quasi en ville. Quand au report modal, une étude de Bruxelles Métro Nord évalue la baisse du nombre de véhicules à 5000 voitures par jour; soit à peine 1 % des 700 000 véhicules actuels.

Les chercheurs pointent aussi la quasi absence d’acteurs de tout premier plans dans les discussions : la SNCB et son réseau ferroviaire très dense dans le nord de la Région et De Lijn, qui sillonne densément la même région jusqu’à la gare du Nord. Pour améliorer le réseau de surface, condition “sine qua non” à l’abandon du projet métro à cet endroit, il faudrait également que le pouvoir politique diminue le nombre d’emplacements de voitures. Ce qui n’est nécessairement le cas. Alors, face à tous ces problèmes, selon les chercheurs, on préfère mettre les moyens de transport en souterrain.

Photo du titre : Belga

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23 janvier 2018 - 15h49
Modifié le 23 janvier 2018 - 15h58