Il y a 40 ans, les CCC posaient leur première bombe à Evere : retour sur une année d’attaques contre l’OTAN
“Aujourd’hui, 02 octobre 1984, nous avons attaqué à la bombe les bureaux et ateliers de la société Litton Business Belgium SA au 59 de la rue du Bon Pasteur à Evere”. C’est par ces mots que commence le communiqué revendiquant le premier des 21 attentats commis par les CCC, les Cellules communistes combattantes, dans les années 1980.
Jusque-là inconnue, l’organisation clandestine d’extrême gauche s’en prend ce jour-là à une entreprise américaine d’électronique militaire, faisant juste des dégâts matériels. Les attaques vont alors se succéder : incendie du parking de l’entreprise MAN à Dilbeek le 3 octobre, attentat contre la firme Honeywell à Evere le 8 du même mois. Ces attaques ont pour cible des entreprises travaillant avec l’OTAN. A une époque où les Tueurs du Brabant font couler le sang, la Belgique découvre une nouvelle bande armée, dans la mouvance des groupes de lutte armée d’extrême gauche d’alors, comme Action directe en France, les Brigades rouges en Italie ou la Fraction armée rouge en Allemagne.
Derrière les CCC et leur logo (une étoile rouge à cinq branches frappée des trois lettres CCC) se cachent Pierre Carette, Bertrand Sassoye, Didier Chevolet et Pascale Vandegeerde, les quatre membres connus des CCC. Après les attaques contre des entreprises, les CCC s’en prennent au monde politique belge. Le 15 octobre 1984, une bombe explose au centre d’études du PRL (aujourd’hui MR) à Ixelles. Deux jours plus tard à Gand, c’est le siège du CVP (aujourd’hui CD&V) qui est touché, faisant voler en éclats le bureau de Wilfried Martens, le Premier ministre de l’époque.
Une action tournant
La police lance alors l’opération “Mammouth”, une vaste vague de perquisitions dans les milieux communistes et anarchistes qui fera chou blanc. Un avis de recherche est lancé contre Pierre Carette, entré en clandestinité. Les CCC restent introuvables. Le 11 décembre 1984, les CCC s’en prennent à des oléoducs de l’OTAN, simultanément à quatre endroits différents. Une action spectaculaire dont l’ampleur surprend. Le 1er mai 1985 marque un tournant dans l’histoire des CCC. En ce jour de fête du travail, le groupuscule communiste place une voiture piégée près du siège de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) rue des Sols à Bruxelles. Malgré des tracts et un avertissement par téléphone à la gendarmerie, les pompiers se rendent sur place. Deux d’entre eux sont tués dans l’explosion du véhicule, les trois autres sont grièvement blessés.
Les CCC continuent malgré tout leurs actions, en prenant désormais soin de prévenir eux-mêmes le public de leurs attaques, notamment avec des voitures dotées de hauts-parleurs. Le groupe organisait ses attaques en “campagnes”, la “campagne anti-impérialiste d’octobre”, la “campagne Karl Marx” et la “campagne Pierre Akkerman”. Après les cibles liées à l’OTAN, les CCC s’en sont pris aux banques (BBL, Générale de Banque, Kredietbank) et au monde économique en général (Intercom, Fabrimetal, l’office des contributions de Charleroi). Au cours de l’attentat visant le siège de la BBL à Etterbeek, un des terroristes a tiré à la mitraillette en direction d’un agent de la firme Securitas, qui a été blessé au bras.
La série d’attentats s’est clôturée le 6 décembre 1985 par une attaque contre un pipe-line de l’OTAN à Wortegem-Petegem (Deinze).
Arrestation du groupe dans un fast-food
La cavale des CCC a pris fin dix jours plus tard. Ironie du sort, c’est dans un fast-food, le Quick de Namur, que Pierre Carette, Bertrand Sassoye, Didier Chevolet et Pascale Vandegeerde ont été arrêtés le 16 décembre 1985. Après une instruction de trois ans, le procès des CCC s’est tenu devant la cour d’assises du Brabant, au palais de Justice de Bruxelles. Muets durant l’instruction, les quatre accusés sont restés dans leur mutisme durant leur procès, refusant de collaborer. Dès le début du procès, les quatre accusés ont entamé une grève de la faim pour obtenir une amélioration de leurs conditions de détention. Affaiblis, seuls trois d’entre eux sont présents le jour du verdict. Un verdict qui les condamne tous les quatre à la perpétuité.
Non récidivistes, ils peuvent espérer une libération conditionnelle à partir de 1996, mais ils restent en prison. Leurs soutiens, l’Association des parents et amis des prisonniers communistes (Apapc) en tête, parlent de “détenus politiques”. Il faudra attendre quatre ans de plus, et la création de la commission de libération conditionnelle en 1999, pour voir s’ouvrir les portes de la prison pour les membres des CCC. Pascale Vandegeerde fut la première à être libérée sous conditions, le 4 février 2000. Didier Chevolet quitta la prison de Huy cinq jours plus tard. Bertrand Sassoye fut libéré le 10 juillet de la même année. Il s’était évadé de la prison de Tournai en mars 1992 et avait écopé de six mois de plus lorsqu’il avait été repris. Pierre Carette dut attendre le 25 février 2003 pour sortir de prison, après 17 ans de détention et deux premiers refus de libération conditionnelle en mai 2000 et septembre 2001. À sa sortie, le Carolo, comme les autres membres des CCC, ne renia rien de ses actes.
Bertrand Sassoye fut de nouveau arrêté le 5 juin 2008 en compagnie de trois autres membres du mouvement d’extrême gauche le Secours rouge, inculpés pour appartenance à une organisation terroriste. Pierre Carette avait été aussi arrêté dans la foulée, la justice considérant qu’il n’avait pas respecté les conditions de sa libération, en continuant à être en contact avec Bertrand Sassoye. Pierre Carette fut libéré après deux semaines. Bertrand Sassoye le fut le 29 juillet 2008. Le dossier du Secours rouge finit par être prescrit dix ans plus tard.
Seule femme de la bande, Pascale Vandegeerde est décédée en décembre 2022 à l’âge de 64 ans. Pierre Carette est aujourd’hui âgé de 71 ans, Bertrand Sassoye de 61 ans et Didier Chevolet de 69 ans.
Belga – Photo : CCC et archives Belga