Attentat à Bruxelles: Van Tigchelt charge le parquet, “c’est une faute, cela n’a rien à voir avec un sous-effectif”

Le nouveau ministre de la Justice, Paul Van Tigchelt, a chargé mercredi le parquet de Bruxelles à la suite de l’oubli d’une demande d’extradition d’Abdesalem Lassoued envoyée par la Tunisie l’an dernier. A ses yeux, une “faute” a été commise, que n’expliquent pas des problèmes de sous-effectif.

■ Reportage de David Courier et Frédéric De Henau.

 

Le 15 août 2022, les autorités judiciaires tunisiennes ont envoyé à la Belgique une demande d’extradition de cet homme qui s’était évadé de prison une dizaine d’années plus tôt. Quinze jours plus tard, elle a été transmise au parquet de Bruxelles avant d’être enregistrée dans un système informatique. Deux questions ont été posées par un employé du service de coopération internationale du parquet sur la qualification justifiant l’infraction et le fait de savoir si le dossier concernait la police locale ou fédérale. Aucune réponse écrite n’a été trouvée. Le magistrat concerné ne se rappelle de rien.  “Il n’y a pas eu de suivi, le dossier était dans une armoire”, a indiqué M. Van Tigchelt (Open Vld) devant les commissions de la Justice et de l’Intérieur de la Chambre. “Les systèmes de contrôle n’ont pas fonctionné, c’est la douloureuse vérité que je dois partager avec vous”.

Ce manquement a provoqué vendredi la démission de Vincent Van Quickenborne et son remplacement par son chef de cabinet adjoint, M. Van Tigchelt. Le gouvernement a annoncé dimanche une série de décisions pour pourvoir au cadre incomplet du parquet de Bruxelles et procéder à la désignation du procureur du roi, en souffrance depuis plusieurs années.  Le nouveau ministre s’est toutefois refusé à parler d’un manque de moyens dans le parquet de la capitale. “Il n’y a pas de manque de moyens, des investissements ont été réalisés pour 3,1 millions d’euros. Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation selon laquelle ce qui ne fonctionne pas découle du manque de moyens. On est en droit d’attendre que la politique criminelle soit menée de manière dynamique et créative”, a-t-il déclaré.  “Cela n’a rien à voir avec un sous-effectif, c’est une faute”, a-t-il ajouté.

 

“Confiance totale dans la police”

A l’inverse, la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V), a défendu l’action de la police dans ce domaine. “Je maintiens une confiance totale dans les services de police”, a-t-elle déclaré. Devant les députés, elle a tracé une ligne de temps de l’intervention des différents services dans ce dossier, depuis juillet 2016 lorsque l’Italie a demandé des renseignements sur Abdesalem Lassoued – qui n’était pas connu en Belgique à cette époque- jusqu’au 17 octobre 2023, au lendemain de l’attentat qui a coûté la vie à deux supporters suédois, jour où devait se tenir une réunion du “Joint Information Center” à la demande de la police judiciaire anversoise.

Il apparaît notamment, parallèlement à la demande d’extradition, que des contacts ont eu lieu en juin et juillet 2022 entre la police fédérale et Interpol Tunis, et que ce dernier a émis une “red notice” (notice rouge) le 1er juillet 2022 visant Abdesalem Lassoued qui résidait alors à Schaerbeek. Un tel signalement permettrait en principe à la police de l’arrêter mais, selon la ministre, la qualification de l’infraction pour laquelle la notice est diffusée est celle d’évasion. Or, celle-ci n’est pas réprimée en Belgique.

La police ne pouvait donc pas l’exécuter. La notice que l’agence Belga a pu consulter mentionne en effet l’évasion mais également la raison pour laquelle l’individu avait été condamné en 2012 par un tribunal de Sfax à une peine de prison en Tunisie, à savoir “agression avec violence”. La notice sera suivie le 22 août par la demande d’extradition via Interpol que la police transmettra le jour même au SPF Justice, une requête  qui était déjà arrivée par la voix judiciaire une semaine plus tôt. Et une demande sera encore adressée par la voie diplomatique, également au mois d’août.