Gestes barrières : l’adhésion décline, même si deux tiers des Belges continuent de les respecter
Nous respectons de moins en moins les gestes barrières : c’est ce qui ressort du baromètre réalisé par l’UCLouvain, alors même que les chiffres des contaminations repartent à la hausse.
Les chercheurs de l’UCLouvain analysent depuis plusieurs mois notre adhésion aux gestes barrières, et notamment le respect de la distanciation physique, du lavage régulier des mains, de la limitation des contacts et du port du masque. La version finale de cette étude a été publiée il y a quelques heures, et on y voit qu’environ les deux tiers de la population continuent à respecter les gestes barrières, même si l’adhésion est en claire diminution par rapport aux précédentes études.
“Le suivi est extrêmement élevé dans des périodes aiguës, comme le début de ces mesures ici au mois d’avril, où on était encore dans un pic de la pandémie. Et puis les choses s’améliorant, les gens s’adaptent. Ici, il faut plutôt parler d’un glissement, d’une évolution et pas d’une baisse radicale : on ne peut pas dire que les gens abandonnent soudainement tous les gestes barrières“, explique Olivier Luminet, psychologue de la santé à l’UCLouvain, et l’un des auteurs de cette étude aux côtés d’Alix Bigot, Mathias Schmitz et Robin Wollast.
Et quels sont les gestes barrières les moins respectés aujourd’hui ? “La diminution la plus importante concerne la distanciation sociale et physique, alors que la baisse est moins importante particulièrement pour le lavage des mains. Ce n’est pas très étonnant, car les deux premiers correspondent à des besoins sociaux fondamentaux, et les règles ont aussi été assouplies tandis que les contaminations diminuaient. C’est donc une adaptation, aussi, aux circonstances actuelles“, précise aussi Olivier Luminet.
Des différences selon les catégories de population
De même, selon l’étude menée par l’UCLouvain, il existe une série de biais, de catégories, qui viennent influencer l’adhésion aux gestes barrières.
Ainsi, les jeunes de 18 à 35 ans sont les moins enclins à respecter les règles, “même si la tendance générale à une diminution faible est similaire pour les différents groupes d’âge“, précise le rapport.
L’impact du genre, lui, semble diminuer : si, dans un premier temps, un effet de genre était visible suggérant que les hommes étaient moins enclins à respecter les règles sanitaires par rapport aux femmes, “cet écart entre les hommes et les femmes diminue à travers le temps, sauf pour le lavage des mains. Une des explications pour cette baisse plus importante des femmes à la fin pourrait possiblement s’expliquer par un effet de lassitude“, indiquent les auteurs du rapport.
Et c’est le niveau de scolarité qui, lui, a l’impact le plus prégnant sur le respect ou non des gestes barrières : “On voit que ce sont les niveaux d’étude les plus élevés qui respectent le moins les mesures. Alors, ça peut paraître paradoxal à certains points de vue, car on peut se dire que ce sont des gens qui ont plus accès à l’information, qui sont plus au courant. Mais on peut penser aussi qu’ils exercent dans des métiers qui sont à moindres risques, parce que justement moins en contact avec une série de personnes, et ça peut leur donner le biais, l’illusion qu’ils sont protégés“, nous explique Olivier Luminet.
Enfin, on retrouve aussi certaines données indiquant que les personnes ayant un stress important vis-à-vis du Covid respecteront davantage les gestes barrières, à l’inverse de ceux qui ont peu confiance envers les experts et les médias.
Des conclusions politiques et épidémiologiques
Si le but premier de l’étude est de tirer des conclusions psychologiques de nos comportements durant la crise, les résultats soulèvent néanmoins une série de questions politiques, notamment vis-à-vis des stratégies adoptées par les autorités pour gérer les différentes vagues.
Ainsi, certains assouplissements ont pu sembler être bien accueillis, comme la fin du port du masque obligatoire par exemple, mais révèlent finalement avoir, dans le même temps, des conséquences psychologiques moins positives.
“Je pense que ce n’était peut-être pas une idée optimale d’avoir abandonné le masque, car l’évolution de la situation nous laisse penser qu’on va devoir y revenir. Il aurait été sans doute plus judicieux de garder une continuité parce que les gens avaient, en fait, adopté ça comme une habitude. Et quand on a une habitude, c’est comme quand on prend sa voiture, on n’y pense plus, on démarre et on ne réfléchit plus. Le retour en arrière sera beaucoup plus difficile. De notre point de vue, il aurait mieux valu garder le port du masque de manière permanente, de manière à laisser une certaine marge aussi pour des comportements comme la distance sociale, qui est trop coûteux en terme de santé mentale“, explique Olivier Luminet.
Interview d’Olivier Luminet, psychologue de la Santé à l’UCLouvain
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De même, cette étude sur l’effritement de l’adhésion aux règles sanitaires a également fait réagir le porte-parole interfédéral Covid-19, Yves Van Laethem, contacté par nos soins. Interrogé sur l’impact possible de la baisse d’adhésion aux gestes barrières sur la dynamique épidémiologique, le professeur indique que “cela joue un rôle évidemment : pour les mesures de précaution, les personnes fragiles ont encore intérêt à faire fortement attention. Bien sûr, tout le monde doit encore faire fortement attention, ce n’est pas une bonne chose de baisser les bras et de faire tomber toutes les barrières […] L’OMS a insisté sur le fait qu’il ne fallait pas croire que la vaccination ferait tout, ces simples méthodes vont jouer un rôle important, encore maintenant, quand tout le monde n’est pas vacciné. Donc gardons les, tout spécialement si on risque d’avoir un impact de ces variants sur sa santé“.
“L’effritement qu’on voit là, on le constate tous depuis les derniers mois, dans toutes les strates de la population, et plus dans certaines qui sont soulignées dans l’étude en question de l’UCLouvain“, ajoute-t-il également.
Un effritement de l’adhésion… alors que les contaminations repartent à la hausse
Hasard du calendrier et des dynamiques épidémiques, les résultats de l’étude menée par les chercheurs en psychologie de l’UCLouvain sont publiés alors qu’une hausse sensible des contaminations se fait sentir. Ainsi, selon les derniers chiffres de Sciensano, l’institut de Santé publique, nous sommes face à une hausse de 78% des cas de Covid-19, par rapport à la semaine précédente.
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Pour l’instant, cette hausse des contaminations ne s’accompagne pas d’un impact sur les hospitalisations. Mais “dans les pays qui sont en avance sur nous, comme la Grande-Bretagne, il y a un impact, même s’il n’est pas gros, sur les hospitalisations. Donc on suit cela avec beaucoup d’attention, puisqu’ils ont à peu près 3-4 semaines d’avance sur nous“, explique Yves Van Laethem.
Reste que la vapeur semble difficile à inverser pour l’instant : “La hausse des contaminations, il faut y faire face, mais en étant bien armé. On a de quoi lutter contre cette vague : on a le masque, on a le tuba, on a des choses qu’on n’avait pas il y a un an. Ce que ça doit, je pense, inciter à faire, c’est de pousser les personnes qui sont déjà vaccinées avec une dose, de bien faire leur deuxième dose, et éventuellement de l’avancer pour certains vaccins, comme c’est possible maintenant dans toutes les communautés“, ajoute Yves Van Laethem.
Interview d’Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral Covid-19
Arnaud Bruckner – Photo : Belga (archives) – Graphiques : UCLouvain