Santé financière et droits humains : les coûts cachés de la crise Corona

Les députés poursuivent leurs auditions à la commission spéciale Covid du Parlement bruxellois. Certains constats interpellent. Récit. 

Il est un peu plus de neuf heures lorsque Pierre Hermant, le patron de Finance&invest.brussels débute son allocution au parlement. « Nous avons réussi à donner beaucoup d’argent dans le privé et nous serons heureux de présenter bientôt l’arrivée de cinq nouveaux actionnaires (…) Je ne suis pas encore autorisé à vous dire lesquels, ce sera la semaine prochaine ».
Un constat encourageant rapidement nuancé par la gravité de l’état de santé du secteur économique bruxellois, surtout dans les petits commerces. « La date limite, c’est mars 2021. Certains sont virtuellement morts et ils ne s’en rendent pas compte. Ils le réaliseront lorsque leurs comptables indiqueront ce qu’ils doivent payer et à qui ».

Plus tard, il enfonce le clou devant des députés pas rassurés. « On va devoir faire des choix à la reprise. Imaginez un commerce horeca qui doit de l’argent à un fournisseur. Il devra lui demander une avance sur livraison alors qu’il est déjà endetté auprès de celui-ci. » 

L’assemblée réalise bien, un député s’enfonce dans son siège, soupir et regard noir. Et grommelle : « On ne pourra pas dire qu’on n’était pas prévenu. Et les préavis à payer si certains doivent dégraisser leurs équipes ne vont rien arranger ». Un élu néerlandophone embraie : « au Danemark et en Allemagne, la concertation sociale a fait baisser le coût d’une mise au chômage, mais chez nous la concertation sociale est à l’image du pays : en mort virtuelle ».

De l’opposition, la MR Alexia Bertrand interroge, studieuse et précise : « Je note 1885 demandes pour des crédits à 115.000 euros, dont 215 acceptées, qu’est-il arrivé aux autres ? ».

Pour le PS, Ibrahim Dönmez s’interroge. « Quels sont les secteurs les plus résilients, les clusters positifs ? ». Chez DéFi, Christophe Magdalijns enfonce le clou. « Avez-vous un outil de prévisibilité des faillites et difficultés de vos clients, que pensez-vous du moratoire qui fait consensus mais qui donne tout de même des analyses différentes chez les spécialistes ? »

Pour Hub Brussels, Isabelle Grippa détaille longuement. « Nous avons compté 726 dossiers d’accompagnements, c’est deux fois plus que normalement. Concernant le « redéploiement », nous donnons de l’information via le numéro 1819 (+ de 30.000 appels individuels, gérés par 30 volontaires en interne), nous avons soutenu les communes en monitorant les mesures prises par les communes, pour voir les bonnes initiatives qui pourraient être reproduites ».

Couvre feu, SAC et Libertés fondamentales

Vient ensuite le tour de la Ligue des droits Humains (anciennement Ligue des droits de l’Homme) avec son directeur Pierre-Arnaud Perrouty qui interroge. « A qui revient la tâche de réduire nos libertés fondamentales ? Au fédéral ou aux bourgmestres ? En mars, on pouvait comprendre l’urgence sanitaire et la situation d’un gouvernement démissionnaire et minoritaire mais aujourd’hui, il nous semble que s’agissant de restrictions fondamentales, elles doivent faire l’objet de discussions parlementaires, c’est par la publication d’une loi que cela doit se faire, plus que par des arrêtés ».

Pouvoir spéciaux, interdiction de rassemblements… rien n’est éludé et les députés écoutent avec une bienveillance manifeste la critique polie de leur travail. « Les gens ne savaient plus s’ils pouvaient s’asseoir sur un banc… Avec le couvre-feu se pose une question de la nécessité, quelle est sa valeur ajoutée (…) il faut en démontrer la nécessité et la limiter dans le temps ».  

■ En direct de la commission Covid : Michel Geyer