Le journal de bord de Sébastien du Samusocial (2 avril) : “Un tableau Excel ne construit pas une stratégie”
Sébastien est directeur du (nouveau) Samusocial. Il partage avec nous quelques extraits de son quotidien et de celui des équipes de terrain, ces travailleurs de l’ombre qui vivent en première ligne le défi actuel : rester présents pour aider les personnes sans abri alors que l’épidémie de Covid-19 a complètement bouleversé l’organisation des activités du dispositif d’aide.
Nous avons 5 patients confirmés positifs, ainsi qu’une de nos infirmières. Ce jeudi, ils seront 7 confirmés. C’est-à-dire testés, donc hospitalisés. Les symptômes sont souvent plus diffus qu’on ne le pensait au début. La fièvre notamment n’est pas systématique. Or, ce critère objectif avait été identifié au départ comme le symptôme conditionnant l’isolement. On réalise aujourd’hui que beaucoup de positifs ne font pas de fièvre, ce qui rend leur détection en dortoir collectif plus compliquée.
La convention avec un hôtel bruxellois est presque signée pour l’occupation de 175 chambres. La semaine prochaine, nous transférerons l’ensemble des familles du centre d’Evere vers cet hôtel 4 étoiles qui dispose d’un espace extérieur privatif. Cela donnera peut-être à ces familles un air de vacances d’emménager dans un hôtel. On me rapporte que la suite du 4ème possède la même baignoire que celle qu’avait Pablo Escobar. Cela donnera aux fans de Narcos l’envie de réserver la suite.
J’ai encore du mal à savoir si le gain en termes de qualité de vie sera conséquent pour les familles. Mais bon, l’accord rapide entre la ville de Bruxelles, la Région, un hôtel chic et le Samusocial montre qu’on est capable d’avancer vite. Demain, le centre MSF accueillera les premiers patients à Tour & Taxis. À moins que ce ne soit vendredi.
On nous a demandé de diminuer certains budgets. Toujours la même préoccupation. Des histoires de colonnes Excel, de colonnes sur lesquelles on n’est pas d’accord, de méthodes de calcul, de chiffres alignés. Soit ils représentent des Euros, soit des sans-abris. Derrière chaque unité mathématique se cache une histoire, une vie, un destin. Un tableau Excel ne construit pas une stratégie.
Les discussions sur la meilleure manière de confiner les sans-abri restent ouvertes, mais finalement peu présentes. On parle finalement peu de l’enjeu de la régularisation pour s’assurer que chacun ait accès aux soins de santé, qui est le choix fait par le Portugal. Ou encore de doubler la capacité des hébergements d’urgence, comme l’a fait l’Italie. Et toujours aucune vision claire sur la stratégie de testing…
Ce qui reste le plus frappant, le plus saillant, encore une fois, c’est l’engagement de nos travailleurs de terrain. En témoigne cet enregistrement à la RTBF de Marine, psychologue dans un centre d’accueil d’urgence du Samusocial.
Merci Marine, merci les collègues. Votre parole est précieuse. Ce n’est pas si facile de trouver des travailleurs de terrain qui acceptent de témoigner. On y travaille.
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Photo : Roger Job/Samusocial