Amnesty dénonce le projet de construction d'un canal controversé au Nicaragua

Le Nicaragua a entamé la construction d’un canal controversé qui doit relier les océans Atlantique et Pacifique. Le projet suscite la colère de nombreux paysans. Il “va affecter les moyens de subsistance de milliers de personnes, dont certaines pourraient se retrouver à la rue”, dénonce Amnesty International dans un nouveau rapport publié jeudi. Ce canal de 275 kilomètres de long, l’un des plus grands projets de génie civil au monde et grâce auquel le Nicaragua compte devenir le pays le plus riche d’Amérique centrale, menace de déplacer 30.000 paysans et indigènes qui vivent sur son tracé définitif. Les études de viabilité technique, environnementale et financière sont en outre restées secrètes.

Selon Amnesty International, “le cadre juridique obscur qui a débouché sur la concession du projet, sans véritable concertation avec les communautés touchées, bafoue une série de normes nationales et internationales relatives aux droits humains”.

Plusieurs personnes ont déclaré à l’ONG qu’elles n’avaient eu vent du projet que “lorsque des gens, pour la plupart des étrangers, se sont rendus dans le secteur avec des policiers et des militaires pour mesurer leurs terres – sans avoir obtenu leur accord préalable. Elles se sont également plaintes de l’absence d’informations sur les solutions en matière de relogement ou d’indemnisation”, déplore Amnesty.

L’ONG accuse également les autorités de “harceler et persécuter ceux qui osent exprimer une opinion contestant l’accord”. Depuis le premier coup de pioche, en 2014, près d’une centaine de manifestations ont éclaté, rassemblant des paysans menacés d’expropriation mais aussi des associations inquiètes du risque de catastrophe écologique. Certaines ont été sévèrement réprimées par les forces de l’ordre. Deux paysans au moins y ont trouvé la mort et de nombreux autres ont été blessés.

“Le gouvernement du Nicaragua doit cesser de faire passer les accords commerciaux avant l’avenir du pays et de sa population”, affirme Amnesty, selon qui “le refus des autorités de dialoguer avec ceux qui sont en première ligne face à la construction du canal est illégal et abject”.

Le chantier pharaonique du canal interocéanique a été confié à l’entreprise chinoise HKND. Estimé à 50 milliards de dollars (cinq fois le PIB du pays), il s’agit du projet le plus ambitieux d’Amérique latine.

D’une profondeur de 30 mètres, le canal permettra le passage de bateaux atteignant jusqu’à 400.000 tonnes.