Theresa McCulla, profession: buveuse de bières

Imaginez ce job de rêve: parcourir les Etats-Unis du nord au sud, d’est en ouest, pour déguster des bières. Ajoutez-y une dose d’histoire et une pincée de féminisme. Vous voilà dans la peau de Theresa McCulla, fraîchement missionnée par un musée de Washington. La jeune femme de 34 ans est sortie de l’anonymat début janvier, lorsqu’elle a été embauchée par le National Museum of American History comme historienne de la bière. “C’est absolument un job cool”, convient-elle. Mais “je dois convaincre les gens que c’est sérieux. Les gens pensent que c’est juste un travail amusant. C’est aussi beaucoup de travail”.

Sa passion lui vient d’une enfance de la classe moyenne rurale à Richmond, en Virginie, avec un père qui produit sa propre mousse chez lui. La famille est originaire de Milwaukee, capitale officieuse de la bière américaine depuis la vague d’immigration allemande au XIXe siècle. C’est sur le campus voisin de Madison que la bière la subjugue réellement, mais il est déjà temps de partir étudier à Harvard, en 2000. Elle y passe une maîtrise de langues, dont le français qu’elle manie parfaitement.

En 2004, elle intègre la Central Intelligence Agency, en tant qu’analyste des médias européens. Après trois ans, Theresa McCulla quitte le renseignement américain pour se consacrer à sa passion, en partie à l’université – elle a été diplômée en mai d’un doctorat à Harvard sur la tradition alimentaire à La Nouvelle-Orléans. La fameuse offre d’emploi du musée publiée en juillet 2016 apparaît comme une évidence.

Un trimestre après sa prise de fonctions, elle commence à sillonner l’Amérique afin de bâtir une collection d’objets et surtout une base de données. Pour l’instant, c’est le grand Ouest qui l’aimante. Avant le Colorado, début mai, elle a bu quelques pintes dans le nord de la Californie, à la rencontre des “fondateurs des artisans brasseurs”.

Theresa McCulla voit dans la Californie le nouvel eldorado américain de la bière, sur le modèle de ce que la Napa Valley est devenue au vin. Reste à donner à cette boisson populaire “ses lettres de noblesse”, juge la néo-spécialiste: “La bière mérite tout autant d’avoir sa place dans les collections des musées”. Elle est si ancrée dans le quotidien américain qu’elle “permet d’évoquer tous les aspects de l’Histoire et de poser des questions sur l’immigration, le travail, la consommation, la publicité…”, analyse-t-elle.

La tendance, aux Etats-Unis, est clairement aux micro-brasseries et aux productions locales qu’elle entend mettre en lumière. Mais celles-ci restent minoritaires dans ce gigantesque marché. Theresa McCulla est consciente que d’ici à la fin de sa mission, dans trois ans, le marché aura sans doute encore radicalement changé.