Une chanteuse australienne à la recherche du langage universel des berceuses

La chanteuse australienne Sophia Brous s’est inspirée de berceuses du monde entier pour créer “Lullaby Movement”, une oeuvre au langage universel, qui ambitionne de jeter des passerelles entre cultures. “C’est assez drôle de se dire que les berceuses sont les chansons populaires les plus célèbres de l’histoire”, s’amuse cette artiste expérimentale, connue pour ses performances scéniques.
“Elles se perpétuent au fil des générations”, dit-elle, “parce qu’elles peuvent se répéter à l’infini, elles sont faciles à mémoriser, et on les assimile.”
L’idée de travailler ce matériau lui est venue après une discussion avec une ancienne ballerine lettone, submergée par l’émotion en évoquant une chanson pour enfant.

L’Urban Theatre Projects de Sydney lui a alors commandé une oeuvre sur ce thème.
Pour la construire, Sophia Brous a appris des berceuses de 25 cultures différentes, notamment auprès de demandeurs d’asile issus de la grande vague de migration du Moyen-Orient et d’Afrique vers l’Europe.
“Plus j’ai commencé à les envisager comme un répertoire et plus j’ai été fascinée”, explique-t-elle.
La jeune femme s’est aussi entourée du guitariste Leo Abrahams, qui a collaboré avec Brian Eno et Pulp, et du joueur de scie musicale David Coulter, passé par le groupe The Pogues.
Le résultat est très dépouillé, avec des sons presque primitifs, lancinants, et un chant quasi-incantatoire.
Sophia Brous a superposé au spectacle chanté l’histoire d’une jeune fille, qu’elle interprète, aux abois, à bout de forces, seule sur une plage de galets.
“Lullaby Movement” a été présenté samedi au National Sawdust, une nouvelle salle new-yorkaise à la programmation orientée vers l’avant-garde et où Sophia Brous est artiste en résidence.
Sophia Brous, qui a déjà collaboré avec David Byrne des Talking Heads et la chanteuse néo-zélandaise Kimbra (entendue sur le succès planétaire “Somebody That I Used To Know”), prévoit une tournée internationale durant la saison 2017-18.
En passant du temps avec des réfugiés, notamment dans la “Jungle” de Calais, l’artiste dont la famille est d’origine autrichienne et polonaise a découvert que les berçeuses lui permettaient d’échanger rapidement avec les enfants dans de nombreuses langues.

“C’est quelque chose qui vous donne une base, qui met tout le monde à niveau. C’est une courroie de transmission et je pense que, parfois, ça peut être très puissant de laisser la musique jouer ce rôle”, dit-elle.
Se pose, au-delà, la question de l’universalité du langage. En décortiquant les dizaines de berceuses que lui ont parfois chanté des mères elles-mêmes, Sophia Brous a trouvé de nombreux points communs entre ces chants traditionnels.
Reviennent ainsi beaucoup d’onomatopées, qui dépassent le cadre du langage articulé, des sons dont elle joue avec bonheur et inspiration durant le spectacle.
“J’étais fascinée”, dit-elle, “par l’idée de la transmission, de l’expression de l’amour par des mots qui n’ont pas forcément de sens littéral.”
Pour Paola Prestini, directrice exécutive et de la création du National Sawdust, Sophia Brous “correspond très clairement” à l’esprit et à la mission de cette petite salle intimiste nichée dans le quartier tendance de Williamsburg, de par sa virtuosité et la dimension sociétale de son travail.
Pour elle, “c’est une artiste qui se joue des frontières, une artiste que le monde entier devrait connaître mais ne connaît pas encore”.

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06 octobre 2016 - 07h15