Philippines: une adversaire de Duterte écartée d'une commission d'enquête sensible

La sénatrice philippine Leila de Lima, principale critique de la sanglante politique ultrasécuritaire de Rodrigo Duterte, a été écartée de la commission enquêtant sur les ravages de la “guerre contre le crime” du président. M. Duterte a été élu en mai en promettant de mettre un terme en quelques mois au trafic de drogue, quitte à faire tuer des milliers de “criminels”. Cette “guerre contre le crime” s’est traduite depuis son investiture fin juin par la mort de plus de 3.000 personnes, pour l’écrasante majorité des victimes tuées par des civils, non par les forces de l’ordre.
Ancienne ministre de la Justice et ancienne présidente de la Commission philippine des droits de l’Homme, Mme de Lima est à l’origine d’une commission d’enquête sénatoriale sur les dérives de la politique du président Duterte.
Lundi, le Sénat, contrôlé par des partisans du chef de l’Etat, lui a retiré la présidence de la commission d’enquête, affirmant que ces investigations nuisaient à l’image de l’archipel. Elle a d’emblée accusé M. Duterte d’être derrière cette décision.
“Je sais que je continuerai d’être crucifiée car c’est ce que le président souhaite (…) depuis que j’ai lancé l’enquête sur ses meurtres extrajudiciaires”, a dit la sénatrice à la chaîne ABS-CBN.
“Je ne sais pas ce qui va se passer désormais, ce que sera la crédibilité de l’enquête sur ces meurtres extrajudiciaires”, a-t-elle poursuivi, assurant que les autres sénateurs tâcheraient d’étouffer la culpabilité du président.
La commission d’enquête a accouché jeudi d’un témoignage explosif, celui d’un homme se présentant comme un tueur repenti, qui a directement accusé M. Duterte du meurtre d’un enquêteur du ministère de la justice dans les années 1990.
Edgar Matobato, 57 ans, a affirmé avoir appartenu à un “escadron de la mort” qui a pris ses ordres pendant des années auprès de M. Duterte quand il était maire de Davao. Il a affirmé que cette sinistre équipe avait tué plus un millier de personnes en 25 ans, dont de nombreux ennemis de l’actuel président. Le gouvernement philippin a accusé ce témoin de mentir.
Lundi soir, M. Duterte a affirmé que les enquêtes ne le détourneraient pas de sa politique controversée. “Il peut y avoir un millier d’enquêtes, Ban Ki-Moon peut venir, j’en ai rien à foutre”, a lancé lors d’un discours à Davao l’avocat connu pour sa vulgarité.
“Je ne m’arrêterai pas avant que le dernier dealer ait été exterminé”, a-t-il poursuivi.

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20 septembre 2016 - 06h40