Les vieux gréements en France reprennent le travail pour une planète plus verte

“Doucement, doucement, on ralentit !” Ils sont cinq sur les quais du port français de Douarnenez (ouest) en cette fin août ensoleillée à décharger d’un vieux gréement de 1914 dix tonnes de vin biologique en provenance du Portugal et estampillé du label “Transporté à la voile”. Ce label est “le seul certificat de transport au monde”, assure Guillaume Le Grand, fondateur de la société TransOceanic Wind Transport (TOWT). Basée dans le petit port breton, l’entreprise affrète le vieux gréement “Lun II” et propose ce label, qui fournit au consommateur les données de navigation du produit. “Il n’y a pas d’autre label de transport et a fortiori il n’y a pas d’autre label de transport à la voile”, assure le jeune dirigeant de 34 ans, bottes de sécurité aux pieds, tout en débardant le vin acheminé depuis Porto pour le compte du distributeur Biocoop, premier réseau de magasins bio en France.

“Il se passe quoi là-haut? Ça bloque?”, s’inquiète depuis les entrailles du navire son capitaine et propriétaire, Ulysse Buquen, 28 ans. Torse et pieds nus, le jeune marin marque une pause avant de reprendre le déchargement de ce vin de la vallée du Douro, qui a rallié Douarnenez en trois jours et demi, à plus de neuf noeuds de moyenne. “Un tel transport donne vraiment un sens à la navigation”, se réjouit le capitaine de la galéasse norvégienne de 25 mètres, qui a déjà rapporté cet été du café biologique et du rhum des Antilles, toujours pour le compte de TOWT. Lancée en 2011, l’entreprise compte pérenniser la ligne transatlantique entre la France et les Antilles grâce à son partenariat avec le Lun II, l’un des huit voiliers qu’elle affrète régulièrement, dont les goélettes françaises Corentin, Biche et Nébuleuse.

– ‘Vrai modèle économique’ –
“On remet les vieux gréements au travail”, souligne Guillaume Le Grand, un ancien analyste de la City de Londres au débit de parole ultra-rapide.
“Ils nous permettent d’avoir une activité de plusieurs centaines de tonnes de marchandises transportées annuellement, d’avoir des employés (six, ndlr) et un vrai modèle économique”, poursuit le dirigeant breton, fier d’être à la tête de “la seule entreprise viable en France à faire du transport à la voile”.

Ce passionné de mer ne se présente pas comme un doux rêveur ni un nostalgique des vieux gréements: convaincu de la “finitude du monde” et qu'”un jour il n’y aura plus de pétrole”, il croit fermement en l’avenir de ce mode de transport propre et équitable. Cet hiver, il compte lever des fonds afin de construire un premier voilier-cargo moderne, d’une soixantaine de mètres et d’une capacité de près de 1.000 tonnes.

Avec un prix du pétrole faible, le coût du transport d’un paquet de 250 grammes de café depuis la Colombie jusqu’en France n’est que d’un centime d’euro. Mais si le prix de l’or noir remonte et vient à doubler ou tripler, “on pourrait assez rapidement être concurrentiels avec des solutions à la voile”, soutient Guillaume Le Grand, qui rappelle que 90% des marchandises transitent par la mer.

Le vin de Porto sera vendu à un prix compris entre 10,60 et 10,80 euros la bouteille, contre environ dix euros s’il avait été acheminé par camion.
“Actuellement, on coûte le double par rapport au camion qui serait venu de Porto, mais on réduit le bilan carbone de 75 à 85%”, souligne Guillaume Le Grand, estimant qu’entre 15 et 20 tonnes de CO2 ont ainsi été économisées.

“C’est marginal, on en a conscience, mais on apporte une vraie alternative viable au transport maritime classique”, assure-t-il. D’autres projets sont en train d’éclore en France et ailleurs avec l’objectif d’utiliser la force du vent pour acheminer le fret, via des voiliers modernes, mais également des cargos dotés d’ailes rigides rétractables ou de porte-conteneurs tractés par des cerf-volants.

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05 septembre 2016 - 08h00