Le cinéma d'auteur prospère en Iran malgré les contraintes

Le cinéma indépendant iranien est florissant malgré les contraintes religieuses, culturelles et politiques, comme en témoigne la présence remarquée de ses réalisateurs et comédiens au festival de Cannes. En République islamique d’Iran, les scripts des films doivent être approuvés par l’Etat avant tournage et si la plupart des metteurs en scène ont appris à faire avec, certains ont préféré s’exiler à la recherche d’une plus grande liberté artistique. Abbas Kiarostami, l’un des plus célèbres réalisateurs iraniens et Palme d’Or 1997 pour “Le goût de la cerise”, rappelle qu’en Iran, “il y a d’un côté le cinéma d’Etat, financé par les autorités, et de l’autre un secteur indépendant qui est florissant”.

Pour preuve, cette année à Cannes, le cinéma indépendant est une fois de plus bien représenté, en particulier grâce au film “Le client” du réalisateur Asghar Farhadi, en compétition pour la Palme d’Or. Et le film “Varounegi” (Inversion) de Behnam Behzadi est en lice dans la catégorie “Un certain regard”. Deux Iraniennes sont en outre citées pour le titre de meilleure actrice: Golshifteh Farahani – qui a choisi l’exil – pour son rôle dans “Paterson” du réalisateur américain Jim Jarmusch, et Taraneh Alidousti qui joue dans “Le client” de Farhadi. Le talent de ce dernier, internationalement reconnu depuis “Une séparation”, film sombre et émouvant tourné à Téhéran sur une famille en pleine décomposition, a fortement contribué à l’élan du cinéma iranien de ces dernières années.

“La large distribution mondiale de ce film a donné une grande visibilité au cinéma iranien qui avait cependant commencé plusieurs années auparavant”, souligne Agnès Devictor, professeur à l’université parisienne de la Sorbonne, spécialiste du cinéma iranien. “Une séparation”, sorti en 2011, a reçu une moisson de récompenses, dont l’Oscar et le Golden Globe du Meilleur film en langue étrangère, le César du Meilleur film étranger et l’Ours d’Or du Festival de Berlin. Autre film de Farhadi, “Le passé”, tourné en France, a ensuite été nominé pour la Palme d’Or en 2013.

En 2015, un autre réalisateur iranien, Ida Panahandeh, avait remporté un prix dans la catégorie “Un certain regard” à Cannes pour son film “Nahid”, projeté dans dizaines de salles en France, en Espagne et en Grèce. Des sociétés de distribution telles que “Noori pictures”, basée en France et dirigée par Katayoun Shahabi, ont joué un rôle majeur pour faire connaître de tels films sur la scène internationale. A Cannes cette année, des cinéastes et professionnels du cinéma ont demandé “solennellement aux autorités iraniennes la grâce de Keywan Karimi”, un cinéaste de 30 ans condamné à 223 coups de fouet et à un an de prison ferme. Des espoirs de libéralisation de la société sont nés avec l’élection en 2013 du président modéré Hassan Rohani, mais, souligne Agnès Devictor, “il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’évolution du secteur cinématographique sous sa présidence même si on peut noter certaines évolutions très positives”.

Partager l'article

20 mai 2016 - 11h40