Ghana: A Winneba, la passion du carnaval se transmet de génération en génération

Un père Noël juché sur des échasses de quatre mètres agite un drapeau du Ghana, croisant un homme déguisé en gorille, tandis qu’un faux Barack Obama marche au loin, au son de la fanfare, célébrant l’arrivée de la nouvelle année au carnaval de Winneba, dans le sud du pays. A l’origine, satire acerbe de la vie coloniale, le Winneba Fancy Dress Festival, un bal masqué géant, est organisé chaque année depuis l’indépendance du Ghana, dans la petite ville de pêcheurs, à deux heures de route d’Accra, la capitale.

Cette tradition des déguisements plonge ses racines dans l’histoire coloniale du pays où Anglais et Hollandais ont importé le carnaval en 1920 pour célébrer la nouvelle année à travers l’ex-Côte d’Or.

Après la proclamation de l’indépendance en 1957, le Président Kwame Nkrumah décide de promouvoir le carnaval de Winneba. Ce festival est devenu une “passion”, explique son organisateur James Kofi Annan. Au point même de détrôner les fêtes de Noël dans la région. “Tout le monde, de 7 à 77 ans, de Winneba ou de partout ailleurs, veut venir” dans cette petite ville du sud du pays, confie-t-il. Pendant une journée, cinq groupes d’une centaine de participants s’affrontent pour remporter le titre des meilleurs costumes, et des meilleures performances. Et c’est une affaire de famille.

– arrière-arrière grand-père –
Des mois durant, les femmes confectionnent et taillent les déguisements en cuir, dentelles et velours, décorés avec des boules de sapin de Noël à paillettes, dans le plus grand secret et dans des lieux cachés de tous, loin de la ville. Des maisons abandonnées seraient même occupées pour les travaux de couture: La surprise doit être totale.

Le jour J, les enfants dansent aux côtés de leurs parents, espionnent leurs cousins et camarades de classe des équipes concurrentes. Isaac Ambrado, 43 ans, est architecte pendant le reste de l’année, mais le 1er janvier (ou le 2 lorsque le Jour de l’an tombe un dimanche), il est un membre d’honneur de Red Cross, l’une des cinq équipes historiques en compétition. Son fils, Gabriel, a 5 ans à peine, et c’est son premier défilé. Père et fils marchent main dans la main au rythme effréné de la musique, derrière leur masque au long nez, dans des costumes roses et blancs assortis. “Je ne rajeunis pas, et un jour, il devra prendre le relais. Cela fait 32 ans que je défile chaque année. C’est une tradition familiale”, explique M. Ambrado. “Tout le monde, dans la famille, est un membre du groupe.”

Un cousin, Mark Koomson, 42 ans, marche à leurs côtés, avec son fils Theophilus, à peine âgé de 5 ans aussi, mais déjà habile sur ses petites échasses. Le voir défiler est une immense fierté, assure son père, avec émotion. Son arrière-arrière grand-père était un membre fondateur du Red Cross. Ils ont accroché des plumes roses sur leurs chaussures, des cordes roses fluo maintiennent les pantalons autour des échasses, et leurs vestes arborent de clinquantes décorations de Noël.

Cette année pourtant, l’équipe adverse, celle des Tumus, a remporté la compétition, et les quatre danses imposées par les juges. Leurs costumes, représentant “l’harmonie et l’unité”, ainsi que la synchronisation de l’équipe a impressionné la foule, explique l’organisateur, M. Annan. Et d’ajouter, fièrement: “Dans d’autres régions du Ghana, ils portent aussi des costumes pour le Jour de l’an. Mais nous, nous sommes authentiques”.

Partager l'article

04 janvier 2017 - 14h00