Caméra d'Or pour "Divines", un premier film coup de poing venu de banlieue

Coup de poing venu de banlieue parisienne, porté par une intrigue haletante et un jeu d’actrices à l’énergie folle, Divines, premier film de la Française Houda Benyamina a reçu dimanche la Caméra d’Or à Cannes. “Cannes, c’est aussi notre place à nous !”, “Cannes est à nous, à nous les femmes !”, a lancé la réalisatrice en recevant son prix. Petite, “j’ai fait les ménages dans les avions avec ma mère, j’ai fait des boulots chiants… On n’a pas le droit d’être fatigués (quand on travaille dans) le cinéma !”, a-t-elle ajouté, ponctuant son discours de remerciements de “putain”, “merde”, et de youyous. “Pour que les choses changent, il faut beaucoup de femmes décisionnaires”, et dans les comités de sélection, a-t-elle plaidé, avant de lancer au délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, “t’as du clito !”.

L’actrice principale (et petite soeur de la réalisatrice), Oulaya Amamra, 20 ans, incarne Dounia, une jeune fille qui vit dans un camp de roms en marge d’une cité de la banlieue parisienne, et a décidé que dans sa vie, tout serait possible. Quitte à faire parler les poings. Elle forme un duo souvent hilarant, ados liées à la vie à la mort, avec Deborah Lukumuena, sa meilleure amie, la fille de l’imam du quartier. La drogue, la pauvreté et la relégation sont omniprésentes dans ce film qui prend aux tripes et était présenté à la Quinzaine des Réalisateurs.

Mais ici, nul misérabilisme ou discours social pesant. Le spectateur est happé par une histoire foisonnante, suivant les pas de Dounia, qui quitte le lycée et s’émancipe de sa famille. La mise en scène soignée de la réalisatrice d’origine marocaine, née dans la banlieue sud de Paris, offrant de belles séquences chorégraphiées, lorsque Dounia tombe amoureuse d’un jeune danseur de son quartier. La question du rapport à la religion est abordée, tandis que le féminisme est une évidence : le caïd de la cité est une fille qui revendique tout naturellement “d’avoir du clito”, plutôt que des couilles.

“Je suis une cinéaste engagée, faire des films est le moyen de transformer ma colère en point de vue”, a expliqué à l’AFP la réalisatrice de 35 ans. Son film (1 heure 45), co-production franco-qatarie, se nourrit d’un long travail dans les quartiers, via son association 1000 visages, qui vise à démocratiser le cinéma. Plus de 20 ans après le choc “La Haine” (Mathieu Kassovitz), Houda Benyamina a enchanté la critique, le Figaro saluant une “histoire d’amour et d’amitié bouleversante avec de jeunes actrices ébouriffantes”, tandis que Les Inrocks proposent en titre “d’arrêter le festival de Cannes : +Divines+ est le plus grand film français de 2016”. L’an dernier, un autre film qui se déroulait en banlieue, Dheepan de Jacques Audiard, avait reçu la Palme d’or.

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23 mai 2016 - 08h10