Le Procureur est très inquiet de l’augmentation des dossiers de protection de la jeunesse

Ces dossiers concernent principalement des mineurs en danger. Le magistrat préconise d’être extrêmement attentif aux jeunes, une cible facile de discours simplistes voire haineux.

Le Procureur général de Bruxelles, Frédéric Van Leeuw, s’est dit “très inquiet” de l’augmentation significative des dossiers de protection de la jeunesse, lundi après-midi, lors de l’audience solennelle de rentrée judiciaire de la cour d’appel de Bruxelles.

“Les affaires relatives à la protection de la jeunesse ont augmenté de 49% au cours des dix dernières années, dont une augmentation de 11% pour la seule année 2023 par rapport à 2022”, a communiqué Frédéric Van Leeuw au cours de sa mercuriale, le traditionnel discours prononcé par les procureurs généraux de chaque arrondissement judiciaire. “Il s’agit du nombre de dossiers entrants le plus élevé depuis le début de l’enregistrement officiel des statistiques annuelles des parquets de la jeunesse du ministère public, en 2010”.

Et la plus grande cause de cette croissance se situe dans les dossiers relatifs aux mineurs en danger, a expliqué le haut magistrat. Il a avancé que ces chiffres sont à comprendre avant tout dans un contexte de société général, où l’individu prime sur le collectif et où celui-ci est sans cesse poussé à atteindre son “moi idéal”. Cette quête de la perfection conduit certains à la dépression puis aux addictions.

“Que signifie être jeune aujourd’hui dans une telle période de vide relationnel?”, a questionné le Procureur général. “L’estompement du ‘nous’ impacte les plus jeunes générations […] Bruxelles est la région la plus jeune du pays, 22% de ses habitants ont moins de 18 ans. Mais qu’en fait-on? Six enfants sur dix y bénéficient d’un supplément social pour les allocations familiales. Par ailleurs, […] 32% des Bruxellois qui reçoivent le revenu d’intégration sociale sont âgés entre 18 et 24 ans”.

“Les chiffres des suicides et des tentatives de suicide sont en soi impressionnants”, a poursuivi Frédéric Van Leeuw. “En cinq ans, depuis 2019, 4.597 procès-verbaux initiaux ont été dressés dans les parquets du ressort de la cour d’appel de Bruxelles. Parmi eux, 420 l’ont été dans les parquets jeunesse”.

Pour le magistrat, il est essentiel de “prêter une attention toute particulière” aux jeunes, “sachant qu’ils sont plus perméables aux discours caricaturaux […] qu’aux discours nuancés ou qui tentent de trouver des solutions”. Cette réalité sociale finit “tôt ou tard par agiter le monde judiciaire: incivilités, radicalisation, consommation de drogue, trafics et escroqueries en tout genre, rébellion, violence…”, a résumé le Procureur général.

“Lorsque je lis dans le programme de certains partis qu’on projette d’encore plus faciliter la procédure de dessaisissement [d’une instance judiciaire de la jeunesse au profit d’une instance judiciaire d’adultes pour juger un mineur, ndlr], j’y vois l’illustration parfaite de cette démission du monde adulte caractéristique du chacun pour soi. Envoyer des adolescents en prison c’est la solution de facilité. Au-delà des drames personnels qu’elle incarne, permettez-moi de douter qu’elle soit, à terme, profitable à notre vivre-ensemble”, a-t-il analysé.

Belga

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02 septembre 2024 - 16h32
Modifié le 02 septembre 2024 - 16h50