« Pauvrophobie », le documentaire qui casse les clichés sur la pauvreté

« Profiteurs, dangereux, inutiles, paresseux, drogués, alcooliques, sales », les préjugés sur les pauvres ont la vie dure. C’est le constat que dresse Grégoire Arnaud dans la docu-fiction « Pauvrophobie », diffusée ce soir sur BX1 à 18h25.

Le documentaire qui s’inscrit dans une campagne plus large initiée par le Forum, mêle extraits fictionnels et rencontres avec des acteurs de terrain. Le film dresse surtout un constat : la peur du pauvre est aujourd’hui exprimée dans notre société, elle est assumée et elle l’est de manière de plus en plus violente.

Des politiques sociales, économiques et urbanistiques en défaveur des pauvres

Modification du mobilier urbain, passages sous terrain condamnés, « nettoyage » des affaires laissées sans surveillance, autant de mesures pour empêcher que des personnes sans abri puissent s’installer dans l’espace public. Pour Serge Paugman, sociologue, cette attitude d’hostilité envers les pauvres est un phénomène récent qui prend racine dans les années 2000 avec la montée de l’idéologie néo-libérale. « Elle conduit à mettre le mérite en avant, à considérer que c’est l’individu qui compte et non plus le collectif, le groupe », explique-t-il. Une attitude d’exclusion qui se manifeste d’autant plus avec le phénomène migratoire, où l’étranger dans le besoin représente une menace parce qu’il vient d’ailleurs.

Un accès à la santé compliqué

« Il y a deux types de médecine : la médecine pour les riches, pour ceux qui ont un salaire adapté et puis, il y a la médecine pour les pauvres ». Arlette Dolegowski a 58 ans, elle est technicienne de surface et a besoin de soins hospitaliers depuis un certain temps. Problème : elle ne peut se les payer, l’assurance maladie invalidité, calculée en fonction du salaire, n’est pas une aide suffisante pour Arlette. De nombreuses personnes aux faibles revenus préfèrent souvent renoncer à prendre en charge leurs soucis de santé plutôt que risquer de se retrouver dans une situation où les factures quotidiennes s’accumulent sans pouvoir les payer. Pour Catherine Poisquet, médecin généraliste à la maison médicale de Tilleur, « le niveau du revenu est en inadéquation totale avec le coût de la vie », sans compter la complexité des démarches pour bénéficier d’une aide médicale urgente. Une situation qui pousse souvent les personnes défavorisées à sacrifier leur santé au profit de leurs économies.

L’isolement social et la difficulté à sortir la tête de l’eau

Sortir entre amis au restaurant ou au cinéma devient impossible, la honte prend le dessus, l’isolement est presque inhérent à la pauvreté. Pour Sylvie Moreau, juriste responsable des formations de médiation de dettes, il y a deux types de situations qui poussent à l’endettement et au surendettement: les accidents de vie et la pauvreté structurelle. « Là où la législation est plutôt « pauvrophobe », c’est avec les dispositions mêmes du code judiciaire, celles qui organisent le recouvrement ». Une facture impayée amène des rappels qui peuvent entraîner, s’ils ne sont pas réglés, une mise en demeure, une citation en justice, faisant à chaque fois grimper les frais administratifs. Le système inscrirait ainsi les pauvres dans un cercle vicieux dont il est difficile de sortir. « Quand le coût de la vie augmente, on est obligé de pédaler derrière », ajoute encore Sylvie Moreau.

En Belgique, une personne sur cinq est susceptible de basculer dans la pauvreté.

 

Marine Guiet