Une quarantaine de familles doivent recommencer leur procédure d’adoption

Un changement dans la législation pour l’adoption d’enfant en Belgique est intervenu alors que les entités communautaires et les organismes d’adoption n’étaient pas prêts. Conclusion, une quarantaine de familles doivent recommencer entièrement leur procédure et il existe un risque que des enfants ne puissent être adoptés dans les 6 prochains mois.

Imaginez. Vous souhaitez adopter un enfant qui n’est pas de votre famille en Belgique. Vous vous lancez dans une procédure complexe. Vous êtes dans cette démarche depuis 10 mois et on vous explique que le changement de législation entré en vigueur le 1er janvier, sans que personne ne soit prêt, vous oblige à recommencer l’entièreté de la procédure. Votre projet, s’il aboutit, est à nouveau retardé d’une bonne année. C’est la désagréable nouvelle qu’a eu une quarantaine de candidats adoptants francophones en ce début d’année.

Pour comprendre, il faut d’abord expliquer la procédure qui avait court jusqu’à présent. Traditionnellement, les candidats adoptants ont le choix entre un enfant né à l’étranger et un qui a vu le jour en Belgique. On appelle cela une adoption interne. Pour cette procédure, les candidats devaient d’abord recevoir un certificat de préparation. Ensuite, ils devaient envoyer tous les mois, une lettre à un organisme d’adoption; à savoir pour la partie francophone soit l’ONE soit Thérèse Wante (enfant de 0 à 6 ans) soit Emmanuel (pour les enfants atteints de handicap). Au bout d’un an, ils sont en principe tirés au sort, l’ancienneté jouant un rôle dans la possibilité d’être pioché. Ils doivent aussi passer des tests psycho-médico-sociaux. Ensuite, lorsqu’un enfant leur était proposé, une phase d’attente d’un ou deux ans se mettait en place avant de passer devant le tribunal de la famille pour que l’adoption soit effective.

Un accord de coopération passé sans concertation

Seulement, en 2017, le législateur décide de modifier la procédure afin qu’elle soit identique à celle pour l’adoption à l’international. Dorénavant, il faut d’abord passer devant le tribunal de la famille pour avoir un jugement d’aptitude avant de s’adresser à un organisme d’adoption.

Les associations comme l’ONE sont favorables à cette réforme, mais comme rien n’est simple en Belgique, il faut un accord de coopération entre l’Etat fédéral et les communautés afin qu’elles modifient leurs décrets et arrêtés. “Nous pensions que cela allait être signé au mieux en juin, explique Bernard Mathieu de l’ONE. Seulement, l’accord a été signé fin décembre sans que nous soyons consultés ce qui nous met dans un certain embarras.”

Une quarantaine de candidats doivent tout recommencer

Ainsi, pour les candidats ayant été sélectionnés avant le 31 décembre 2019, ils peuvent rester dans l’ancien système. Pour les autres, ce qui représente une quarantaine de lettres reçues au 1er janvier 2020, il faut repartir de zéro et se rendre au tribunal de la famille. “Pour que des enfants ne soient pas sans solution d’adoption durant les six prochains mois, nous avons tiré au sort 14 lettres au lieu de 3 habituellement. Nous espérons ainsi pouvoir placer tous les enfants qui en ont besoin. Il va y avoir un moment de bascule et j’espère qu’aucun enfant n’en souffrira.”

Visiblement, le SPF Justice n’a pas anticipé la réforme. Le tribunal de la famille, déjà très engorgé, va recevoir toutes les demandes des candidats adoptants. Lorsque leur dossier passera devant le juge, il aura 30 jours pour demander une enquête sociale et un rapport devra être remis dans les quatre mois. Une fois le jugement d’aptitude obtenu, ils pourront s’adresser à un organisme d’adoption qui poursuivra la procédure par 4 entretiens avec un psychologue, un médecin et un travailleur social. “Le but est de définir le projet des candidats pour trouver l’enfant qui leur correspondra le mieux.”

3 adoptions par mois pour une soixantaine de candidats

Malheureusement, tous les projets d’adoption ne peuvent aboutir. En Belgique francophone, par an, on compte entre 25 et 40 adoptions. Chaque mois, les organismes recevaient une soixantaine de lettres. Les enfants sont âgés entre 0 et 6 ans. Bien souvent, les parents biologiques sont toujours vivants et confient leur enfant à l’adoption ou il s’agit d’une décision de l’aide à la jeunesse.

Les candidats eux, doivent avoir minimum 25 ans et 15 ans de différence d’âge avec l’enfant. Au maximum, ils ne peuvent avoir plus de 45 ans de différence d’âge avec le bébé. Tous les mois, 45% des demandes viennent de couples homosexuels et 5 à 10% de personnes seules. Ces profils ont moins de chance d’être choisis car les parents biologiques peuvent ne pas consentir à leur confier leur enfant. “Cela arrive encore dans 60% des cas pour les couples de personnes de même sexe et dans 85% pour les personnes seules, précise Bernard Mathieu. Pour les couples homosexuels, on constate tout de même une évolution ces dernières années. Cette situation semble mieux acceptée mais nous ne pouvons pas influencer les parents biologiques. Nous ne sommes pas un organisme de lutte pour l’égalité des chances. Pour nous, l’important est le bien-être de l’enfant. C’est aussi pour cela que nous pensons que la réforme sera positive sur le long terme.”

Vanessa Lhuillier –  Photo: Belga/Valérie Suau 

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14 janvier 2020 - 17h06
Modifié le 22 janvier 2020 - 16h11