Migration : d’où viennent les sans-abris européens?
L’ASBL Diogènes a récolté de nombreuses informations sur les personnes vivant dans la rue à Bruxelles. En 2019, l’association a recueilli le témoignage de 851 personnes dont la moitié est issue d’un pays de l’Union européenne. Ce sont ces personnes qui ont fait l’objet d’une étude présentée ce mercredi.
En 2019, l’association a collecté des informations sur 851 personnes dont elle s’occupe. 331 sont de nationalité belge, 319 viennent d’un pays de l’UE et 127 sont ressortissantes d’un pays tiers. L’étude s’est ensuite portée plus particulièrement sur les personnes venant des autres pays de l’Union européenne. Près de la moitié (42,6%) est roumaine, 37% viennent de Pologne, 5% de France et ensuite d’Italie ou de Slovaquie.
Parmi les personnes isolées, la majorité est composée d’hommes âgés entre 40 et 49 ans et ils ont une expérience dans le bâtiment. Lorsque les personnes sont en famille, il s’agit principalement de Roms. Et le fait d’être issue de cette ethnie a aussi des conséquences en termes de logement et d’emploi comme le montre ce graphique.
Les Roms ont plus facilement accès à un logement et donc à une adresse. Par contre, ils font l’objet de plus de discrimination lorsqu’il s’agit de trouver un emploi ou d’inscrire les enfants à l’école.
Avoir une adresse
Le rapport de Dioègenes, un fait est très clair: l’accès à une adresse est un sésame pour de nombreuses aides. Sans adresse, pas de contrat de travail, pas d’aide sociale, pas de possibilité de s’inscrire comme demandeur d’emploi non plus. En Belgique, quand on vient d’un pays européen, il faut s’enregistrer dans sa commune de résidence endéans les trois mois. Il faut aussi avoir une occupation ou être étudiant ou prouver qu’on ne dépend de l’aide sociale ou prouver qu’on est à la recherche active d’un emploi. Il est possible de s’inscrire comme demandeur d’emploi pendant 6 mois mais sur le terrain, les contrôles sont en général plus pressés.
Séjour légal ou illégal
Ne pas avoir d’adresse a également une répercussion sur son statut. Sans adresse, les personnes sont souvent irrégulières sur le territoire belge. Elles n’ont pas accès au logement, ni à une aide financière ni à une couverture maladie.
Quitter la rue en premier
Pour l’ASBL Diogènes, il faut mettre en place une véritable extension à l’accès aux soins pour les personnes qui vivent à la rue mais il faut surtout d’abord leur trouver un logement. Lorsque les SDF sont aidés, ils obtiennent un logement et rentrent alors dans un cercle vertueux.
“La recherche d’un emploi est la raison de la migration. 70% des migrants déclarent avoir migré pour chercher un emploi mais seuls 54 sont dans une activité et 41 sont sans contrat, explique Mauro Striano, chargé de mission pour Bruss’Help. Pour beaucoup, il n’y a pas d’emploi déclaré.”
Pour lutter contre cette grande pauvreté, la question du statut administratif est primordiale. 60% des citoyens européens qui vivent dans la rue n’ont pas de revenu mais ce pourcentage chute de moitié lorsque les personnes sont en séjour régulier. “En Belgique, nous accueillions 700 Roumains en 2004. En 2011, nous en étions à 6.000, explique le ministre de l’Aide sociale, Alain Maron (Ecolo). C’est la face cachée des flux migratoires européens. Il est donc important de faciliter l’accès à une adresse de référence.”
Une des premières étapes s’inscrit dans la politique de Housing first. La Région bruxelloise a débloqué 2,5 millions pour 2020 et 6 millions pour 2021 afin de loger 50 familles et de leur donner un accompagnement social. En plus, 150 logements de transit et d’urgence supplémentaire doivent ouvrir dans les prochaines semaines.
Une aide de l’Europe
Dans le cadre du plan de relance, la Belgique a aussi introduit un projet pour rapport à l’aide envers les sans-abri. “Il faut les aider pour éviter que le sans-abrisme devienne chronique et entraîne des pathologies, ajoute Alain Maron. Nous souhaitons recevoir une aide de l’Europe pour favoriser les enregistrements dans les communes, fournir un coaching pour obtenir un logement et une aide pour s’intégrer sur le marché de l’emploi. Nous attendons avec impatience la réponse de l’Union européenne. Elle a un rôle à jouer car la libre circulation ne s’arrête pas à une possibilité. A Bruxelles, un Bruxellois sur deux n’est pas né belge. Il ne faut pas l’oublier.”
Vanessa Lhuillier – Photo: BX1