Bruxelles Propreté : un changement en profondeur du mode de fonctionnement s’impose selon les audits

Trois audits avaient été lancés par le précédent gouvernement régional afin d’évaluer la gestion de l’Agence Bruxelles Propreté. Ce mardi, une partie du travail a été présentée et le constat est sans appel : l’ABP doit être réformée le plus rapidement possible.

Cela fait des années que Bruxelles Propreté est une épine dans le pied des différents ministres de tutelle qui se sont succédé. Conflits syndicaux parfois violents, réformes des collectes sans consultation ont rythmé les législatures. En mars 2017, l’association de Go4circle et divers collecteurs privés de déchets ont saisi le tribunal de première instance de Bruxelles car ils considéraient les subventions publiques fournies à l’ABP comme une aide d’état sans notification préalable.

Le tribunal leur a donné raison et Bruxelles Propreté s’est vue retirer 20% de sa dotation annuelle. L’affaire est toujours en cours mais un premier audit, mené par Oxera, et portant sur la comptabilité analytique, donne plutôt raison à l’ABP et au gouvernement bruxellois. Selon ces spécialistes, il n’y aurait pas de transferts de fonds entre la partie non commerciale des activités de Bruxelles Propreté (collecte des déchets pour les particuliers, les TPE…) et la commerciale (collectes pour les entreprises). Cette deuxième partie est rentable et dégage une marge acceptable de 4%. “Avec ces conclusions, nous espérons que l’ABP pourra bénéficier dès cette année, de la totalité de sa dotation”, commente le ministre de la Propreté, Alain Maron (Ecolo). “Des négociations sont en cours avec la Commission européenne et nous avons bon espoir qu’elles aboutissent rapidement.”

Un audit sur le fonctionnement très critique

Si le premier audit est plutôt en faveur de Bruxelles Propreté, le second remet en question de nombreux aspects du fonctionnement de l’agence. Trop de personnel sur le terrain pour trop peu de personnel encadrant, manque de communication interne, concentration du pouvoir décisionnel, manque d’encadrement des délégations syndicales… “L’outil de concertation sociale fonctionne mal et je pèse mes mots”, explique Caroline Cleppert du bureau Ernst & Young, mandaté pour cet audit. “Il n’existe pas non plus d’outil d’aide à la prise de décision. Le contrôle interne est très faible.”

Le document met également en avant des problèmes organisationnels. Entre 2010 et 2019, l’effectif a grossi de 22% mais le taux d’absentéisme atteint presque les 11% auxquels il faut ajouter 6% de personnes payées par l’agence mais qui ne travaillent pas pour elle (permanents syndicaux ou congé maladie de longue durée). Et les cadres ne sont pas assez nombreux pour gérer une entreprise de 3 000 personnes. L’organigramme est donc entièrement à revoir et il faut repenser l’utilisation à bon escient du personnel.

Des outils de gestion, une refonte du service et des outils informatiques devront aussi être mis en place afin d’améliorer le fonctionnement de Bruxelles Propreté, selon l’audit. “Nous avons formulé une série de 32 recommandations. Cela ne sert à rien de remplir des cases sans avoir une vision stratégique”, précise Caroline Cleppert. “Il est important d’avoir une cohésion et un plan stratégique de transformation pour les prochaines années. Il faut revoir le fonctionnement des filiales, des conseils d’administration et mobiliser le capital humain.”

Un troisième audit toujours en cours

Un troisième cabinet de consultance, Berenschot, s’est penché sur le personnel de l’ABP. Avec le confinement, il n’a pas pu terminer son travail et pratiquer les études de terrain auprès du personnel. Cette partie est attendue pour septembre. Cependant, le rapport partiel démontre lui aussi le manque de personnel de gestion et de support par rapport au personnel de terrain. Alors forcément, en comparaison avec d’autres agences de propreté, le coût de fonctionnement de l’ABP est moindre. Cependant, comme l’indique l’audit de Ernst & Young, cela devrait être modifié pour une meilleure efficacité.

“La logique des années 80, c’est fini”

Forcément, un tel constat implique une réaction de la part du gouvernement bruxellois. Dans la déclaration de politique régionale, le gouvernement avait déjà donné certains axes de la politique à mener en termes de gestion des déchets. Le tri, la valorisation des déchets, leur diminution sont les grandes lignes. “Maintenant il faut consolider le navire qu’est l’ABP pour ensuite lui donner un nouveau départ”, commente Alain Maron. “La logique des années 80, c’est fini. L’ABP doit passer à autre chose et nous devons mettre en place une économie autour de la valorisation des déchets. Cela permettra de créer de l’emploi également.”

Les transformations se feront donc en conservant 4 points en ligne de mire : l’encouragement du tri, la maîtrise des coûts, la diminution de l’empreinte énergétique de l’agence et une augmentation de la propreté en voirie. Un premier plan pour réformer l’agence devrait être sur la table du gouvernement dans un an pour qu’en 2030, le navire ait trouvé son rythme de croisière.

À partir de septembre, plusieurs mesures d’accompagnement seront mises en œuvre. Un comité d’accompagnement doit voir le jour pour appuyer la direction. Un conseiller spécial à la direction générale sera recruté pendant une période de transition et coordonnera une équipe de consultants. Des chefs de projet seront aussi recrutés au sein de l’agence et les postes de direction seront réorganisés. Un système de mandats verra le jour.

“Il faut aussi que l’agence se féminise à tous les niveaux”, ajoute le ministre. “Évidemment, ces recrutements ainsi que les autres mesures devront faire l’objet d’un accord budgétaire au sein du gouvernement bruxellois. En tout cas, par rapport à la réorganisation de l’Agence, il n’y a aucun tabou. Nous devrons revoir le fonctionnement des collectes, le charroi pour le décarboniser, rendre obligatoire le tri des déchets biodégradables avant 2023 et amorcer la construction d’une usine de bio-méthanisation. Cela aura un impact sur Bruxelles Propreté mais un saut qualitatif est nécessaire.”

Reportage de Marine Guiet, Béatrice Broutout et Lola Depaepe.

Vanessa Lhuillier