Delhaize : un an après la franchisation, “nos craintes étaient fondées”, affirment les syndicats

Il y a un an, Delhaize commençait sa franchisation, pour, selon le groupe, sauver l’enseigne de la crise. L’occasion pour la direction de l’entreprise au lion de dresser le bilan. Pour elle, la franchisation était définitivement le bon choix. Un constat loin d’être partagé par les syndicats qui dénoncent une dégradation des conditions de travail ainsi que du dumping social.

Ce sont les propos du CEO de Delhaize, Xavier Piesvaux, qui ont remis le feu aux poudres. Un an après avoir démarré la franchisation de ses 118 supermarchés, le groupe Delhaize affirmait il y a quelques jours que le processus avait été “la bonne décision” et que leurs magasins “étaient à nouveau rentables.” Aujourd’hui, tous les magasins ont trouvé repreneur et le processus de franchisation sera totalement terminé en novembre. Mais à quel prix, ont rétorqué les syndicats.

C’est d’abord la SETCa qui a réagi. Le syndicat socialiste voit la situation d’un autre œil que la direction. “Depuis le passage en franchise, le nombre de malades de longue durée a explosé tant la pression quotidienne est insoutenable. Les CDD n’ont pas été renouvelés, beaucoup d’autres CDI sont partis. Tous ces travailleurs ‘ordinaires, historiques’ sont remplacés sur le terrain par une armée de flexi-jobbers ou d’étudiants“, déplore le syndicat. “Il est alors évident que le différentiel est important en termes de coûts. Mais cela veut aussi dire que la qualité d’emploi n’est plus là.

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“450 travailleurs poussés vers la sortie”

Le constat est similaire pour le CNE. Dans un communiqué, les syndicalistes chrétiens avancent un chiffre ce mardi : selon eux, 450 travailleurs et travailleuses auraient déjà quitté l’enseigne au lion. Soit, 10% des 4.300 membres du personnel à Bruxelles et en Wallonie. Ces personnes sont “poussées vers la sortie” et ne sont pas remplacées, ce qui entraîne une dégradation des conditions de travail du personnel restant, explique Myriam Djegham, secrétaire nationale de la CNE. Le syndicat affirme que les repreneurs visent “les temps partiels médicaux et les travailleurs plus âgés“, leur reprochant de “coûter trop cher” ou les poussant à partir en cas de désaccord.

On a pu comptabiliser jusqu’à 28 emplois disparus dans un seul magasin. Au rythme moyen actuel, dans 4 ou 5 ans, des milliers d’emplois auront été détruits sans qu’Ahold Delhaize n’aie dépensé le moindre euro d’indemnités de licenciement“, dénonce Rosetta Scibilia, propagandiste pour la CNE, citée dans le communiqué. Selon la CNE, les conditions de travail dans les magasins se détériorent, notamment en raison du départ des travailleurs, qui ne sont pas remplacés, “mais aussi par les exigences de productivité à tout prix. (…) La polyvalence est utilisée au maximum.”

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Autre phénomène dénoncé par les syndicats, le dumping social. Principale cible dans leur viseur, les ouvertures des magasins le dimanche représenteraient un vrai danger, qui pèse, selon eux, sur tout le secteur belge de la distribution. “Delhaize et sa clique de franchisés sont occupés à faire un dumping social qui va forcer toute la distribution à travailler le dimanche, avec l’aide du futur gouvernement. Ce sont les conditions de travail de tout le secteur du commerce qui sont tirées vers le bas.” Ces conditions difficiles que décrient les syndicats leur font donc dire que “nos craintes étaient fondées.”

“Tout tourne bien” selon la direction

De son côté, Delhaize affirme que les conditions de travail dans leurs 118 enseignes franchisées sont bien respectées. Les récriminations des syndicats ne reflètent “pas la réalité sur le terrain“, nous dit Roel Dekeveler, porte-parole de Delhaize. Selon lui, la bonne rentabilité des enseignes franchisées illustre une satisfaction de la part des employés. M. Dekelver ajoute encore que Delhaize “regrette” que “des messages négatifs” continuent d’être diffusés “alors que tout tourne bien. Cela contraste énormément avec la réalité. Nous regrettons ce nouvel essai pour créer une atmosphère négative.”

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Le porte-parole de Delhaize maintient que l’enseigne se préoccupe grandement du bien-être de ses collaborateurs. Il affirme d’ailleurs que pour chaque repreneur, une formation a été dispensée pour s’assurer que tout se passe bien, notamment au niveau des conditions de travail. Un suivi est ensuite assuré. “On garde à l’œil les différents franchisés. Si nous avons écho de quelques problèmes que ce soit, on en informe l’enseigne concernée et nous dialoguons. Nous ne pouvons évidemment plus intervenir directement, mais nous restons à la disposition de nos collaborateurs pour les aider et leur donner des conseils“, assure Roel Dekeveler.

Concernant le chiffre de 450 pertes d’emploi, il est contesté par Delhaize : “Le chiffre n’est pas le bon. De plus, les syndicats mentionnent les pertes d’emploi, mais pas les recrutements, pourtant nombreux.”

Des propos et des constats qui sont donc en contradiction totale. Et cela pourrait bien se poursuivre. “Même s’il n’y a plus de délégations syndicales dans ces magasins, nous ne laisserons pas la loi de la jungle s’installer dans ces magasins et nuire à tous les travailleurs du commerce“, prévient le syndicat.

B.M. avec Belga

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09 octobre 2024 - 15h21
Modifié le 10 octobre 2024 - 06h51