Tribunaux saturés, assises sous pression : les défis de la rentrée judiciaire

La rentrée judiciaire a eu lieu hier. L’occasion de faire le point sur les défis qui attendent les tribunaux.

  • Interview de Marie Dupont, bâtonnière du barreau de Bruxelles par Marie Charette

La lutte contre les arriérés judiciaires est l’un des grands combats de cette rentrée : les tribunaux sont engorgés. Dans certaines juridictions, il faut attendre entre 4 et 7 ans pour obtenir une date de plaidoirie. Des délais extrêmement longs, observés notamment au tribunal correctionnel ou à la cour d’appel de Bruxelles. Le barreau de Bruxelles propose d’envisager d’autres voies que celle du passage devant le juge pour résoudre des conflits.

Le barreau insiste sur les alternatives qui existent au procès, comme la médiation ou la transaction pénale. Pour Marie Dupont, bâtonnière du barreau de Bruxelles, la transaction pénale, qui consiste à payer directement une amende plutôt que d’aller devant le juge, n’est pas assez utilisée : “Ça permettrait de désengorger les tribunaux d’un certain nombre de dossiers et surtout d’indemniser les victimes immédiatement.”

Des habitudes à prendre

Les transactions pénales permettent donc aussi aux victimes de ne pas devoir attendre une longue procédure de trois ou quatre ans avant d’être indemnisées. Certaines doivent parfois avancer de l’argent en attendant la fin du procès. Marie Dupont ajoute : “Il y a vraiment un changement de mentalité qui ne se fait pas en Belgique. On a toujours tendance à tout mettre devant le juge, on n’utilise pas assez cette transaction pénale.” Pour la bâtonnière du barreau de Bruxelles, il faut également que la sanction financière soit proportionnelle aux revenus et au patrimoine de la personne qui a commis une infraction.

Marie Dupont insiste : “Pour les affaires civiles et commerciales, il y a vraiment une habitude à prendre : tenter autre chose que d’aller directement devant le juge. Par exemple, pour toutes les affaires familiales, cela fait des années que les barreaux et les magistrats s’impliquent en incitant les parties à d’abord tenter de trouver une solution négociée.”

Une page spécifique va d’ailleurs maintenant être consacrée, sur le site internet du barreau de Bruxelles, aux différents modes de résolution des conflits juridiques. Des vidéos pédagogiques et explicatives seront également présentes : “Elles sont vraiment faites pour le grand public, il ne faut pas hésiter à s’informer”, dit Marie Dupont.

Une cour d’assises qui risque d’être débordée par les fusillades

Le procureur général Frédéric Van Leeuw s’est exprimé hier à l’occasion de l’audience solennelle de la rentrée judiciaire de la cour d’appel de Bruxelles. Il s’est montré préoccupé par l’avenir de la cour d’assises : “Concernant les procédures devant les cours d’assises du ressort, le nombre de dossiers en attente se maintient. Néanmoins, les épisodes de violence, dont de nombreuses fusillades, que Bruxelles a connus sont particulièrement inquiétants pour l’avenir de la cour d’assises”, a-t-il déclaré.

Depuis le 1er juillet, plus de vingt fusillades ont été recensées en région bruxelloise. En 2024, 89 cas ont été comptabilisés sur l’année, un chiffre qui n’avait plus été atteint depuis plusieurs années. Des données préoccupantes, qui vont se répercuter sur la cour d’assises puisque ce sont les affaires les plus graves qui y sont jugées.

Une surcharge de travail s’annonce. En Belgique, la cour d’assises fonctionne avec un jury populaire composé de douze citoyens et de trois juges professionnels. Une procédure extrêmement lourde, qui rend les procès très compliqués à organiser. Les dossiers jugés cette année judiciaire concerneront principalement des événements qui ont eu lieu en 2022 et 2023. “L’augmentation ininterrompue des dossiers susceptibles d’être jugés aux assises laisse présager des années futures particulièrement difficiles”, a déclaré le procureur général.

De potentiels problèmes sont donc à prévoir pour Marie Dupont, bâtonnière du barreau de Bruxelles : “Il faut des moyens humains et financiers suffisants, il faut une vision globale pour la justice. Le pouvoir judiciaire est un pouvoir nécessaire si l’on veut pouvoir vivre ensemble sereinement.” Sur le manque de moyens, Frédéric Van Leeuw a précisé qu’entre 2019 et 2024, il y a eu une hausse de 40 % des affaires pénales classées sans suite faute de moyens.

Rémy Rucquoi

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