Un traitement à base de champignons hallucinogènes pour soigner l’alcoolisme
Le département psychiatrie du CHU Brugmann a présenté mardi la première étude clinique belge quant à l’utilisation de psilocybine, une substance active dérivée de champignons hallucinogènes, pour le traitement de personnes alcoolo-dépendantes. Au total, 62 personnes seront traitées avec cette substance, en basse ou haute dose, sur les deux prochaines années. L’objectif est de permettre le traitement par la psilocybine pour des cas spécifiques d’addiction à l’avenir.
Si des traitements à base de psychotropes, tels que la MDMA, le LSD ou la psilocybine, sont déjà permis sous des critères très stricts en Suisse ou en Australie, ce type de traitement n’est pour l’heure pas permis en Belgique. Ces produits sont considérés comme des stupéfiants illégaux et les études quant à des traitements autour de ces substances restent rares. Des premières recherches sur ce sujet ont émergé dans les années 1950 et 1960, mais “une panique morale sous le gouvernement Nixon aux États-Unis lors de la décennie suivante a mené à l’extinction de ces recherches. La décision a été prise de considérer tous ces produits comme illégaux, même sous utilisation thérapeutique”, résume la chercheuse au FNRS, Laetitia Vanderijst.
Dans ce cadre, le département de psychiatrie du CHU Brugmann, présenté comme un pôle d’excellence de l’hôpital et mené par le professeur Charles Konreich, a lancé début mars une première étude clinique sur le traitement à base de psilocybine pour les personnes présentant des troubles sévères de l’usage de l’alcool. Jusqu’à présent, cinq personnes ont déjà participé à cet essai dit “randomisé en double aveugle”. Certains participants reçoivent ainsi une haute dose, d’autres une basse dose, afin de comprendre les effets concrets de la psilocybine dans le cadre d’un tel traitement. Les patients choisis, qui doivent être âgés entre 21 et 64 ans, sont triés selon plusieurs critères très stricts après une batterie de tests et d’entretiens avec le corps médical. Les personnes présentant des troubles psychotiques ou bipolaires, ou ayant dans la famille des proches du premier ou deuxième degrés avec de tels troubles, sont par exemple exclus en raison de risques pour leur santé.
“L’essai est contrôlé et les patients sont accompagnés du début jusqu’à la fin. Les personnes choisies sont par ailleurs très demandeuses de ce traitement, et participent activement à l’essai”, explique Catherine Hanak, cheffe de clinique au département psychiatrie du CHU Brugmann et responsable du secteur addictologie. “Il existe des traitements médicamenteux ou psychothérapeutiques pour aider ces personnes, mais ils ne sont pas toujours suffisamment efficaces face au risque de rechute.” Ainsi, outre la prise de psilocybine dans une pièce aménagée avec deux thérapeutes, lors d’une séance durant cinq à sept heures, les patients sont accompagnés par une équipe pluridisciplinaire au sein du département psychiatrie du CHU Brugmann. Les personnes intéressées par cet essai peuvent contacter l’hôpital via l’adresse e-mail laetitia.vanderijst@chu-brugmann.be.
L’un des cas évoqués en conférence de presse a jusqu’ici présenté des résultats prometteurs, même si l’on ne sait pas encore s’il a reçu la haute ou la basse dose, indiquent les responsables de l’étude. “Le participant ressent un apaisement et une meilleure qualité de vie, et est abstinent depuis trois mois, alors que cela durait souvent quelques jours avant ce traitement”, indique le psychiatre Felix Hever. Ce cas n’est toutefois pas représentatif de l’étude, mais il est “encourageant”.
Les responsables de l’étude ont dû discuter durant deux ans avec les autorités pour obtenir les autorisations nécessaires à l’import, le stockage et la délivrance de psilocybine, normalement illégale en Belgique. “Nous avons trouvé une société canadienne spécialisée pour obtenir la substance, mais nous avons dû demander une licence auprès de l’AFMPS (NDLR : l’agence fédérale du médicament) et une autorisation aux douanes pour cet essai clinique, et uniquement cet essai clinique”, précise Catherine Hanak. L’étude devrait durer deux ans, avec l’objectif de permettre l’utilisation de ces substances à doses thérapeutiques pour des futurs traitements psychiatriques. “L’idéal serait de pouvoir utiliser la psilocybine au plus vite”, confie Laetitia Vanderijst.
Avec Belga