Série “Bruxelles Libérée” (1/4) : Avant notre libération, la vie dans une capitale occupée
À l’occasion des 80 ans de la Libération de Bruxelles, BX1 propose une série en quatre épisodes, pour revenir sur ces journées marquantes, prémices de la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Si Bruxelles est libérée en septembre 1944, cette délivrance arrive au terme d’années de souffrance et de privation dans la capitale. Le 28 mai 1940, la Belgique capitule : débute alors l’occupation de notre pays. Des soldats allemands défilent dans les rues, tandis que les Bruxellois sont intimidés et rationnés, avec des achats limités compensés par un important marché noir.
“Pour nonante pourcents de la population, l’essentiel est de survivre, protéger sa famille, faire en sorte que les enfants puissent continuer à aller à l’école“, relate Chantal Kesteloot, historienne au CegeSoma (Centre d’Etude sur la Guerre, au sein des Archives de l’État), “Seuls dix pourcents de la population va réellement s’engager, dans la collaboration ou la résistance. Pour la population juive, à partir du printemps 1942, la situation devient extrêmement dramatique, le port de l’étoile est imposé. Le 3 septembre 1942 se tient la seule et unique rafle à Bruxelles“.
Au total, 37% des Juifs de Bruxelles mourront déportés, au cours de la Seconde Guerre Mondiale. D’autres seront, eux, cachés : à Anderlecht, Mariette De Win, aujourd’hui centenaire et reconnue Juste parmi les Nations, se souvient des risques pris par sa famille, pour cacher sa petite voisine juive : “je l’ai amenée à la maison, et j’ai dit à ma mère qu’il fallait faire quelque chose pour elle, qu’il fallait l’amener chez ma marraine à Grand-Bigard. Je n’ai jamais eu peur, j’ai toujours fait ça de tout coeur, j’allais chez elle, je bougeais avec elle. Je n’ai pas eu peur, c’est après que j’ai réalisé ce que j’avais pu faire“.
Ailleurs dans Bruxelles, la population apprend également à vivre sous le joug allemand, et notamment les bombardements. “Toute petite, j’étais en-dessous de la table, et je priais. J’avais peur, ce qui était normal. Mes parents avaient peur pour nous aussi. On entendait les obus, ça éclatait, c’était épouvantable“, explique Maria De Bel, qui était enfant lors de l’occupation de Bruxelles.
La Brigade Piron, alors en Normandie
Alors que l’occupation se poursuit encore à Bruxelles, la libération de l’Europe se prépare : le 6 juin 1944, les Alliés débarquent en Normandie. De leur côté, les Belges de la Brigade Piron, dont de nombreux Bruxellois, libèrent eux plusieurs villes et villages de la région, comme ou Dives-sur-Mer. Des lieux alors vidés de leurs habitants, de quoi donner “une impression de désolation, comme à Cabourg : entrer dans une ville vide… Mais on s’est rattrapé à Villers-sur-Mer, par exemple, qu’ils n’avaient pas évacué. J’ai un souvenir d’une foule qui nous attendait. C’était quelque chose d’extraordinaire“, nous expliquait l’Everois Jean Martial, membre de la Brigade Piron, il y a dix ans.
► Terre Urbaine (2014) | “Le Débarquement des Belges“, documentaire réalisé par Marie-Noëlle Dinant et Frédéric De Henau en Normandie, à l’occasion des 70 ans du Débarquement
Début septembre, la Brigade Piron est encore en Normandie lorsqu’un message codé retentit sur la BBC : “La Jonquille jaune est en fleur“. C’est le signal que Bruxelles va être libérée. “Le 2 septembre, la Brigade Piron se trouve encore dans la région de Rouen. Piron apprend alors que son unité est rattachée au trentième corps britannique, et qu’ils doivent foncer vers Bruxelles“, explique Pierre Muller, historien au War Heritage Institute.
“On a roulé alors toute la journée et la nuit. Fatigués, mais on était certains d’arriver au bon moment à Bruxelles“, nous expliquait aussi Lucien Devis, membre de la Brigade Piron, dans une interview réalisée en 1994.
■ Reportage réalisé par Arnaud Bruckner, Béatrice Broutout et Stéphanie Mira, avec les archives collectées par Philippe Jourdain et Philippe Preux pour la série “La vie quotidienne à Bruxelles sous l’occupation allemande” (1987 – Télé Bruxelles)