Procès des attentats : impossible de déchoir Bayingana Muhirwa de sa nationalité belge, selon son avocat

Les avocats d’Osama Krayem, de Sofien Ayari et d’Hervé Bayingana Muhirwa plaident à propos la peine à infliger à leurs clients, ce vendredi, devant la cour d’assises de Bruxelles. Le premier a été reconnu co-auteur des attentats du 22 mars 2016 et membre d’un groupe terroriste. Les deux autres ont été reconnus coupables uniquement d’avoir été membre d’un groupe terroriste.

Me Gisèle Stuyck prendra la parole pour son client, Osama Krayem, pendant trois heures au maximum, a-t-elle annoncé. Me Isa Gultaslar et Me Laura Séverin plaideront ensuite pour Sofien Ayari durant une heure et demie selon leur estimation, et enfin Mes Vincent et Juliette Lurquin plaideront pour Hervé Bayingana Muhirwa pour une durée de trois heures.

Fin juillet, six des dix accusés du procès des attentats du 22 mars 2016 (Oussama Atar, Mohamed Abrini, Osama Krayem, Salah Abdeslam, Bilal El Makhoukhi et Ali El Haddad Asufi) ont été reconnus coupables d’assassinats et de tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste ainsi que de participation aux activités d’un groupe terroriste comme membre ou dirigeant. Deux autres (Sofien Ayari et Hervé Bayingana Muhirwa) ont été déclarés coupables uniquement de ce dernier chef d’accusation.

Pour les six premiers, le parquet a requis la réclusion à perpétuité assortie d’une mise à disposition du tribunal de l’application des peines (TAP) durant 15 ans, ainsi qu’une déchéance de la nationalité belge pour certains d’entre eux qui possèdent une double nationalité.

Le ministère public a réclamé le renvoi de Sofien Ayari à la peine prononcée à son encontre en 2018 dans le dossier de la fusillade de la rue du Dries à Forest, soit 20 ans de prison. Pour le Belgo-rwandais Hervé Bayingana Muhirwa, il a sollicité une peine de 10 ans de prison et une déchéance de la nationalité belge.


10h54 – Le fait que Krayem ne s’est pas fait exploser doit être pris en compte, selon son avocate

Quelle serait la peine prononcée pour un terroriste qui est allé jusqu’au bout de son action sans mourir, si le ministère public requiert la peine maximale pour quelqu’un qui a renoncé au dernier moment à agir ? C’est la question qui était au centre de la plaidoirie de Me Jane Peissel, conseil d’Osama Krayem, vendredi matin, devant la cour d’assises de Bruxelles. Le Suédois de 31 ans a été reconnu coupable d’être co-auteur des attentats du 22 mars 2016.

Il est évident, pour Me Peissel, que le jury et les juges de la cour doivent descendre en dessous du maximum légal de la peine que risque Krayem, soit en dessous de 30 ans de prison, lorsqu’ils délibéreront sur les sanctions à prononcer à l’encontre des coupables. Le parquet fédéral, lui, a requis le maximum à l’encontre du Suédois, soit la prison à perpétuité (30 ans) ainsi qu’une mise à disposition du tribunal de l’application des peines (TAP) pour quinze années de plus.

“Osama Krayem a renoncé à aller plus loin, à entrer dans ce métro, à se faire exploser, à mourir, mais aussi à laisser son sac sur les lieux. Il est reparti à l’appartement [avenue des Casernes à Etterbeek], il a marché durant 30 minutes avec le sac d’explosifs sur le dos, prenant le risque que ce sac explose ou qu’il ne soit arrêté par la police. Il a désactivé la bombe et a déversé son contenu dans les toilettes”, a rappelé l’avocate au barreau de Paris. “Si vous prononcez la peine maximale à l’encontre d’Osama Krayem, comme le veut le parquet, quelle peine alors prononceriez-vous à l’encontre de quelqu’un qui va jusqu’au bout et qui ne meurt pas ?”, s’est-elle interrogée.

“Quel message voulez-vous faire passer ? Que lorsqu’on arrive au métro, c’est déjà trop tard ? Que la justice ne fera pas la différence ? Par l’arrêt que vous allez rendre, vous être des créateurs de jurisprudence. Il faut inciter à renoncer, même au dernier moment, c’est ça le message que vous devez envoyer au prochain individu qui réfléchira lui aussi avant d’appuyer sur le détonateur. C’est pour le futur que vous ne devez pas prononcer la peine maximale”, a-t-elle insisté.

Pour Me Peissel, l’état d’esprit d’Osama Krayem, qui l’a poussé à ne pas se faire exploser, quelle que soit la raison profonde (renoncement ou peur de mourir), doit être pris en compte dans la détermination de la peine. Sa coplaideuse, Me Gisèle Stuyck, a pris la suite de la plaidoirie, demandant aux jurés et aux juges de tenir compte du fait que Krayem a déjà été condamné dans le procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.


12h56 – La défense de Sofien Ayari plaide pour une peine qui absorbera celle pour la rue du Dries

La défense de Sofien Ayari, Mes Severin et Gultaslar, a demandé au jury de la cour d’assises de Bruxelles, vendredi midi, d’infliger une peine à leur client et de préciser que celle-ci absorbe celle dont il a écopé pour la fusillade de la rue du Dries, selon l’article 61 du code pénal, aujourd’hui abrogé mais qui était d’application au moment des faits.

S’il était détenu en Belgique, le tribunal de l’application des peines (TAP) pourrait agir après le verdict en garantissant que la peine infligée par la cour d’assises absorbe celle prononcée dans la fusillade de la rue du Dries par le tribunal correctionnel en 2018, a estimé Me Severin. Mais Sofien Ayari devra purger sa réclusion en France et l’Hexagone ne s’occupera pas du code pénal belge, a-t-elle relevé.

Sofien Ayari a été condamné à 20 ans de prison pour la fusillade de la rue du Dries, et risque devant les assises de Bruxelles chargées de juger les attentats du 22 mars, un maximum de 10 ans de prison pour participation aux activités d’un groupe terroriste.

À titre subsidiaire, Me Severin a plaidé pour que le jury suive le réquisitoire du parquet et qu’il renvoie Sofien Ayari à la peine infligée par le tribunal correctionnel pour la fusillade de Forest.

 

L’absence d’antécédent judiciaire est la première des circonstances atténuantes à reconnaître à Hervé Bayingana Muhirwa, a estimé son conseil, Me Vincent Lurquin, vendredi devant la cour d’assises de Bruxelles. Le fait que son type de personnalité n’induit pas un risque de récidive est une autre circonstance atténuante, selon l’avocat. Hervé Bayingana Muhirwa a été acquitté pour les assassinats et tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste commis le 22 mars 2016 à Bruxelles et à Zaventem, mais il a été reconnu coupable de participation, en tant que membre, aux activités d’un groupe terroriste.


15h36 – Le casier vierge est d’office une circonstance atténuante pour Bayingana, selon Me Lurquin

L’absence d’antécédent judiciaire est la première des circonstances atténuantes à reconnaître à Hervé Bayingana Muhirwa, a estimé son conseil, Me Vincent Lurquin, vendredi devant la cour d’assises de Bruxelles. Le fait que son type de personnalité n’induit pas un risque de récidive est une autre circonstance atténuante, selon l’avocat. Hervé Bayingana Muhirwa a été acquitté pour les assassinats et tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste commis le 22 mars 2016 à Bruxelles et à Zaventem, mais il a été reconnu coupable de participation, en tant que membre, aux activités d’un groupe terroriste.

Me Lurquin s’est étonné du fait que le ministère public n’ait pas présenté l’absence d’antécédent judiciaire de son client comme une circonstance atténuante qu’on peut lui accorder, alors que c’est monnaie courante dans toutes les juridictions. “Il n’a jamais été condamné et a aujourd’hui un casier vierge”, a affirmé le pénaliste. “L’absence d’antécédents, c’est la circonstance atténuante classique. C’est comme ça que la justice fonctionne et les juges de la cour le savent. Le fait de ne pas avoir été condamné justifie qu’on descende en dessous de la peine encourue.”

Me Lurquin a également évoqué les rapports psychiatriques de son client, qui exposent qu’Hervé Bayingana Muhirwa n’a aucune pathologie psychiatrique et qu’une récidive est donc peu probable dans son cas. “Les experts ont aussi mentionné qu’il n’y a aucun élément de manipulation ou de mensonge dans la personnalité d’Hervé. Il présente donc une personnalité totalement normale, sans danger social particulier.”

L’avocat a, de plus, expliqué qu’il n’avait pas encore déposé de requête de remise en liberté de son client, tout simplement parce qu’il estime qu’il est préférable d’attendre la fin du procès. Hervé Bayingana Muhirwa risque une peine maximale de 10 ans de prison et il est en détention préventive depuis sept ans. Il est donc admissible à la libération conditionnelle.

C’est ensuite Me Juliette Lurquin qui s’est attelée à démontrer aux jurés que Hervé Bayingana Muhirwa avait bien préparé sa réinsertion. Malgré la “frontière nette entre la vie d’avant et la vie derrière les barreaux”, Hervé Bayingana Muhirwa a, au cours des sept ans et demi passés en prison, pris les choses en main pour ne pas sombrer et pour maintenir “ce qui fait son identité”, a-t-elle avancé.

Elle a retracé son cheminement pendant son incarcération. De son travail à l’atelier, à la prison de Namur, qui était “son exutoire” contre la monotonie et lui a permis de garder un lien humain, à sa demande d’être suivi par une psychologue. Une professionnelle qu’il voit toujours, malgré les changements successifs de prisons, et qui s’est engagée à continuer à le suivre lorsqu’il sera sorti. Enfin, l’avocate a évoqué les régulières rencontres de l’accusé avec son assistant social pour “parler de l’après”. Ce dernier doit mettre Hervé Bayingana Muhirwa en contact avec l’association “Après”, qui accompagne les ex-détenus dans les réintégrations sociale et professionnelle.

“La durée appropriée d’une peine doit prendre en compte la façon dont la peine s’est déroulée”, a-t-elle déclaré. “Pendant ces sept ans, il a eu le temps de réaliser que tout l’attend à l’extérieur. L’accompagnement est prêt, sa famille aussi. Tout au long de sa détention, il a prouvé qu’il était capable de se remettre en question”, a-t-elle conclu.

Plus tard, Me Vincent Lurquin a demandé de “le libérer le jour de la délibération”, soit de ne pas lui infliger une peine supérieure aux 7 ans et demi déjà purgés. “Si vous avez quelque crainte que ce soit, vous pouvez également lui donner un sursis, simple ou probatoire, pour vous assurer qu’il continue à aller voir sa psy, chercher un travail, etc.” “C’est vous qui avez les clefs du box, et je vous demande de l’ouvrir”, a-t-il conclu.


16h58 – Il est impossible de déchoir Bayingana Muhirwa de sa nationalité belge, selon Me Lurquin

Hervé Bayingana Muhirwa n’a qu’une nationalité, la belge, et on ne peut donc l’en déchoir, a plaidé Me Lurquin vendredi après-midi devant la cour d’assises de Bruxelles chargée de juger les attentats commis à Bruxelles le 22 mars. Bien que jugeant cette peine impossible, le pénaliste a tout de même demandé aux jurés de ne pas l’appliquer au nom du principe de proportionnalité.

“Si vous l’appliquez, ce qu’il va se passer c’est qu’il va être libéré et que quand il sortira du box, des policiers vont venir l’arrêter, le menotter, le faire passer par Haren pour reprendre ses affaires et l’amener au centre de Steenokkerzeel en attente d’un rapatriement au Rwanda”, a-t-il expliqué aux jurés. “Ce sera fini, il ne pourra plus revenir. Et sa mère, réfugiée, ne pourra pas aller le voir.”

“Obligé quelqu’un comme ça à faire le chemin à l’envers (Bayingana a fui le génocide et est arrivé en Belgique en 1998, avant d’être reconnu comme réfugié l’année suivante et d’obtenir la nationalité belge en 2001, NDLR), je ne comprends pas très bien. (…) C’est d’une violence”, a commenté, visiblement ému, Me Lurquin.

L’avocat a cependant relevé que, selon son analyse, Hervé Bayingana Muhirwa ne disposait que de la nationalité belge, et la loi interdisant de rendre quelqu’un apatride, on ne pouvait l’en déchoir. Sur base de son historique de nationalités, il a expliqué que l’accusé avait la nationalité rwandaise de sa naissance jusqu’à son exil, en 1998.

Ensuite, il a été reconnu comme un réfugié de l’ONU jusqu’en octobre 2001, date à laquelle il a obtenu la nationalité belge. Pour avoir la double nationalité, M. Bayingana Muhirwa aurait dû la déclarer, ce qu’il n’a pas fait, a-t-il expliqué en substance. “S’il n’est plus rwandais, on ne peut pas lui enlever sa nationalité belge”, a-t-il conclu.

Avec Belga – Illustration : Belga/Johnathan De Cesare