Les avocats de la partie civile poursuivront leurs plaidoiries. Mardi après-midi, ils ont introduit leur exposé, qui s’étendra sur plusieurs jours, en rappelant le contexte des attentats et ses conséquences désastreuses sur de nombreuses vies. Mercredi, ils aborderont les notions juridiques que les jurés doivent pouvoir maîtriser dans ce procès.
Me Adrien Masset parlera tout d’abord de tout ce qui concerne la règle de la preuve en droit pénal ainsi que des qualifications retenues dans ce dossier. Que faut-il entendre par “assassinat dans un contexte terroriste”, par “tentative d’assassinat dans un contexte terroriste” et par “participation aux activités d’un groupe terroriste”? Le pénaliste et professeur de droit y répondra.
Trois autres avocats, dont Me Sanne De Clerck et Me Nicolas Estienne, évoqueront ensuite le cas particulier de trois victimes décédées plusieurs mois, voire plusieurs années, après les attentats. Il s’agit notamment de Shanti De Corte, qui se trouvait à l’aéroport de Zaventem le 22 mars 2016. Elle avait 17 ans au moment des faits et n’a jamais guéri de son syndrome post-traumatique. Elle a obtenu l’euthanasie en mai 2022.
Me Thierry Moreau donnera ensuite quelques mots d’explications sur ce qui fonde le “désistement volontaire” en droit. Pour la partie civile, il est clair que l’accusé Mohamed Abrini, notamment, ne s’est pas désisté des attaques terroristes en abandonnant sa bombe à l’aéroport avant de fuir les lieux.
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Mercredi après-midi, Me Moreau toujours abordera les notions juridiques de “participation criminelle” et de “participation par omission”. Enfin, Me Guillaume Lys exposera une présentation synthétique des accusés. Les avocats de la partie civile poursuivront les prochains jours avec une présentation en détail des indices de culpabilité pour chacun des accusés.
Dix hommes sont accusés dans le procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles. Oussama Atar, qui serait mort en Syrie, fait défaut. Huit autres – Mohamed Abrini, Osama Krayem, Salah Abdeslam, Sofien Ayari, Bilal El Makhoukhi, Hervé Bayingana Muhirwa, Ali El Haddad Asufi et Smail Farisi – sont accusés de participation aux activités d’un groupe terroriste, d’assassinats terroristes sur 32 personnes et de tentatives d’assassinat terroriste sur 695 personnes. Un neuvième, Ibrahim Farisi, ne doit répondre que de participation aux activités d’un groupe terroriste.
Le 22 mars 2016, deux explosions ont retenti à 07h58 dans le hall des départs de l’aéroport de Bruxelles-National à Zaventem. Une troisième bombe a été découverte sur les lieux un peu plus tard, que les services de déminage ont fait exploser après avoir évacué les services de secours et de police encore sur place. Une heure plus tard, une nouvelle explosion s’est produite, cette fois à Bruxelles, dans la station de métro Maelbeek. Ces attaques terroristes ont fait 32 morts et près de 300 blessés.
12h11 – Les parties civiles s’attardent sur les règles de preuve et les qualifications des charges
Me Adrien Masset, avocat de parties civiles au procès des attentats à Bruxelles du 22 mars 2016, s’est laissé aller mercredi à un petit cours de droit pénal aux jurés de la cour d’assises chargés de juger les dix accusés. Il leur a ainsi expliqué ce que sont les règles de preuve et les qualifications des charges retenues contre ces derniers.
L’avocat, qui représente l’association de victimes V-Europe, s’est d’abord attardé sur les règles de preuve. Dans ce cadre, il a expliqué aux jurés ce qu’est la présomption d’innocence et la nécessité de prouver leur culpabilité s’ils sont reconnus coupables. “Ils sont ici parce qu’on suppose qu’ils sont innocents. Mais, en fait, on suppose qu’ils sont coupables. Ce terme est une ineptie. On devrait plutôt parler, en droit, de présomption de culpabilité”, a lancé Me Masset, par ailleurs professeur de droit pénal à l’ULiège.
Il a pris l’exemple de l’accusé Ali El Haddad Asufi, dont les éléments à charge se sont accumulés avec les années, pour étayer son propos et montrer que le dossier rassemblait surtout des éléments appuyant cette présomption de culpabilité. L’avocat pénaliste a ensuite rappelé aux jurés qu’ils devaient déclarer les accusés coupables s’ils en avaient la conviction au-delà de tout doute raisonnable, prenant tantôt l’image d’un mur de briques, dont certaines sont plus solides que d’autres mais qui assemblées constituent, donc, un mur, tantôt l’image d’un… saucisson, fait de tranches dont seules certaines seront sélectionnées par la défense pour sa plaidoirie, mais qui doit être considéré dans sa globalité.
Me Masset s’est également arrêté sur les moyens de preuve. Parmi eux, on retrouve les aveux, qui sont très peu nombreux ou spontanés dans ce dossier, et les constatations matérielles des enquêteurs. Il y 8.000 PV et documents policiers, des constatations sur les scènes de crime et dans les planques et appartements conspiratifs, des traces ADN, les saisies effectuées (6.000 pièces environ), 82 perquisitions ou encore le PC retrouvé rue Max Roos et les innombrables devoirs de téléphonie, a énuméré l’avocat. Autres moyens de preuve : les auditions des accusés (et le droit au silence qu’ils invoquent parfois) et celles des témoins, qu’il faut pouvoir prendre avec circonspection, a mis en garde le pénaliste.
Il y a plus d’un millier d’auditions, dans le dossier, avec quelque 20 commissions rogatoires entreprises à étranger. “C’est de l’épreuve des faits qu’il importe, plus que les témoignages”, a résumé Me Masset. Enfin, il faut prendre en compte l’autorité de chose jugée, c’est-à-dire la vérité judiciaire déjà établie dans d’autres dossiers tels que celui des attentats à Paris ou de la fusillade de la rue du Dries à Forest, et aboutir à un faisceau de présomptions “graves, précises et concordantes”.
Le professeur de droit pénal s’est ensuite penché sur les trois qualifications retenues contre les accusés : assassinats dans un contexte terroriste, tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste et participations aux activités d’un groupe terroriste.
Sans surprise, les trois kamikazes sont auteurs de ces assassinats. Mais, comme en football, quand on se réjouit de la bonne passe de celui qui aide à marquer un but, ou qu’en cyclisme, l’équipe d’un sprinteur ou d’un grimpeur ‘travaille’ durant la course, il y a là un jeu d’équipe, a illustré l’avocat de V-Europe. Il y a des auteurs et des co-auteurs, sans qui il n’est pas possible d’arriver à ses fins. L’intention de tuer et la préméditation (et donc la préparation) dans un contexte terroriste sont prouvées à suffisance dans ce dossier, a appuyé Me Masset.
13h35 – “La souffrance psychique coûte des vies”, regrette l’avocate de Shanti De Corte
Me Sanne De Clerck, qui représente l’association de victimes V-Europe au procès des attentats à Bruxelles, est venue présenter mercredi le cas de Shanti De Corte, décédée plusieurs années après les attentats mais dont la mort par euthanasie est, de son point vue, liée aux événements du 22 mars 2016. La pénaliste a donc demandé la requalification des faits de tentative d’assassinat dans un contexte terroriste en assassinat dans un contexte terroriste.
“Shanti De Corte était à Zaventem le 22 mars. Elle devait partir en voyage scolaire à Rome”, a d’abord raconté Me De Clerck. “Elle n’a pas subi de blessure physique majeure à part des acouphènes.” Une personnalité déjà fragile avant les attentats mêlée avec le syndrome post-traumatique engendré par les explosions ont débouché sur une souffrance insupportable qu’elle subira pendant six ans avant d’obtenir l’euthanasie en mai 2022.
Elle avait alors 23 ans. “Au moment où la justice a été saisie de ce dossier, Shanti était toujours en vie et la qualification retenue a donc été celle de tentative d’assassinat dans un contexte terroriste”, a poursuivi la pénaliste. “Mais elle est désormais décédée et son décès est clairement lié aux attentats.”
Me De Clerck en veut pour preuve le syndrome post-traumatique diagnostiqué chez Shanti De Corte, les nombreuses hospitalisations psychiatriques nécessaires après les attentats alors qu’aucune n’avait été nécessaire auparavant, les affirmations des parents de Shanti, qui assurent qu’elle serait encore en vie sans les attaques, et, enfin, la volonté de la jeune fille d’être euthanasiée avant la date du 22 mars, qui engendrait chez elles des réminiscences insupportables. “La souffrance psychique coûte des vies : 33, 34, 35, 36. C’est le tragique bilan des attentats et les personnes dans le box en sont responsables. La requalification en assassinat dans un contexte terroriste est donc justifiée”, a conclu l’avocate
14h05 – Le suicide d’une victime est lié aux attentats, affirme Me Estienne
Me Nicolas Estienne, avocat de parties civiles, est venu évoquer mercredi, devant la cour d’assises chargée de juger les attentats du 22 mars 2016, la mémoire de l’un de ses clients qui s’est donné la mort cinq ans après les faits. Tout comme Me Sanne De Clerck l’avait fait juste avant lui pour Shanti De Corte, l’avocat a demandé la requalification des faits de tentative d’assassinat dans un contexte terroriste en assassinat dans un contexte terroriste.
Le jour des attaques, la victime devait prendre l’avion pour New-York. Située à seulement dix mètres de l’une des bombes, elle faisait partie de ceux qui ont survécu car ils ont été protégés de l’explosion par le corps d’autres victimes.
“Il a essayé de reprendre sa vie mais s’est heurté à des problèmes psychiques”, a expliqué l’avocat. “Il souffrait d’un syndrome post-traumatique, de phobies, d’angoisses, d’un isolement social et d’une perte de confiance. Malheureusement, il ne s’en est jamais remis (…). Il s’est donné la mort en avril 2021.”
La victime était déjà fragile avant les attentats. Elle avait souffert d’un burn-out, de problèmes d’alcoolisme et s’était vue diagnostiquer une bipolarité. Les acouphènes causés par l’explosion l’empêchaient de dormir plus de trois heures pas nuit. Un véritable “cauchemar” que le syndrome post-traumatique n’a fait qu’amplifier.
Me Estienne a également souligné la date à laquelle l’homme a mis fin à ses jours : “Il s’est suicidé le 18 avril. Ce n’est pas un accident. Chaque année, à l’approche du 22 mars, il avait de graves crises d’angoisse. En 2020, il avait dû être hospitalisé, en 2021, il a fini par se tuer.”
La mort de l’homme a également fait l’objet d’un procès au civil contre une compagnie d’assurance. Le verdict rendu par le tribunal en début d’année a retenu le lien de causalité entre le suicide et les blessures causées par les attentats.
L’absence de tendance suicidaire de la victime avant le 22 mars couplée aux grandes difficultés psychiques rencontrées par celui-ci après cette date permettent d’établir un lien de causalité. “Ce n’est pas parce qu’une personne est fragile qu’on ne peut pas faire le lien entre les attentats et son suicide”, a affirmé Me Estienne, demandant la requalification en assassinat dans un contexte terroriste.
14H46 – La requalification en assassinat demandée pour un homme mort du cancer après les attentats
Me Carine Doutrelepont a succédé mercredi à ses confrères Mes De Clerck et Estenne pour demander, elle aussi, une requalification des faits de tentative d’assassinat dans un contexte terroriste en assassinat dans un contexte terroriste pour un homme décédé d’un cancer à 49 ans après avoir été contraint d’arrêter son traitement médicamenteux à la suite des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles.
Le cas de ce dernier diffère de celui de Shanti De Corte et de la victime évoquée par Me Estienne dans la mesure où il n’était en rien une personne fragile avant les attaques, a expliqué l’avocate.
Cet homme se battait déjà contre le cancer avant le 22 mars 2016 mais les médicaments qu’il prenait semblaient très efficaces dans son cas et la maladie était sous contrôle. Le traitement devait toutefois rester ininterrompu et engendrait plusieurs effets secondaires, notamment des saignements et une cicatrisation plus lente.
Grièvement blessé lors de l’explosion dans la station de métro Maelbeek, la victime n’a eu d’autre choix que d’arrêter ses médicaments contre le cancer pour pouvoir guérir de ses blessures. Le cancer a ainsi repris sa progression et a fini par le tuer un an et sept mois plus tard, le 28 octobre 2017.
En plus d’un syndrome post-traumatique, “ses enfants ont décrit sa colère et son incompréhension face à l’arrêt forcé de ses médicaments, mais il devait guérir avant que le traitement puisse reprendre. C’était une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Si la maladie reprenait, il n’y avait pas d’autres options”, a raconté l’avocate, qui défend les deux fils. “Il a dit à ses fils qu’au final, il aurait préféré y rester.”
“La suspension du médicament après les attentats a eu une incidence directe sur la progression de la maladie”, a affirmé Me Doutrelepont. “Il a survécu un an et sept mois après l’arrêt de son traitement, sans cela il aurait pu vivre deux à quatre ans de plus. Il est donc certain qu’il s’agit d’une mort prématurée. La requalification en assassinat dans un contexte terroriste s’impose donc.”
15h35 – “Il n’est pas question de désistement volontaire chez Abrini et Krayem” (parties civiles)
Aux yeux des avocats des parties civiles, il ne peut être question de “désistement volontaire” dans le chef de Mohamed Abrini et Osama Krayem, qui, le 22 mars 2016, ont renoncé à se faire exploser, l’un à l’aéroport de Zaventem, l’autre dans le métro bruxellois. C’est ce qu’a tenté de démontrer mercredi Me Thierry Moreau, qui représente deux victimes des attentats.
Le désistement, a-t-il expliqué aux jurés, c’est avoir le projet de commettre une infraction, puis pour des raisons qui peuvent être multiples, y renoncer. Il nécessite quatre conditions : un réel abandon du projet, qui doit être spontané, qui couvre l’ensemble de l’infraction et qui doit avoir lieu avant que celle-ci ne soit commise.
Si ce désistement volontaire est retenu, cela a pour conséquence qu’il ne peut y avoir de condamnation sur le plan pénal. “Bien sûr que non, il n’y a pas de désistement volontaire” chez Mohamed Abrini, qui, après les explosions à l’aéroport, s’en va et abandonne son chariot avec une bombe, a soutenu l’avocat.
“Le projet criminel est d’organiser DES attentats. Lui, il s’en va. Il change juste un aspect du plan, c’est qu’il ne va pas sauter avec la bombe. Le plan a changé. (…) Oui il s’en va, mais la bombe ne s’en va pas. Le projet d’attentat existe, c’est lui qui se positionne ailleurs. Cela ne met pas fin à l’infraction”, a développé Me Moreau.
Le désistement s’attache en outre à l’infraction dans son ensemble, a-t-il appuyé. “Celui qui est titulaire de ce désistement, c’est l’auteur principal, celui qui réunit toutes les conditions pour commettre le comportement interdit. C’est le seul qui peut se désister complètement.”
Quant à Osama Krayem, qui a renoncé à se faire exploser et a démantelé la bombe qu’il portait, on ne peut pas non plus parler de désistement volontaire dans son chef, a poursuivi Me Moreau. Il a commis des actes dans le cadre d’un projet criminel, qui a été réalisé, de faire sauter plusieurs bombes de manière coordonnée. Lui aussi a modifié un aspect du plan mais pas son entièreté, a démontré l’avocat. Les actes de participation qu’il a posés doivent dès lors être punis.
Dans la matinée, le pénaliste s’était penché sur les notions théoriques entourant “la participation criminelle”. Dans la foulée de son intervention, Me Nina Van Eeckhaut, avocate de la veuve d’une victime de l’attaque à l’aéroport, a, elle, développé le concept de “participation par omission”, c’est-à-dire une participation en n’agissant pas.
“C’est facile de dire que vous n’avez pas voulu les attentats”, a-t-elle lancé aux accusés Ali El Haddad Asufi et Hervé Bayingana Muhirwa. “Mais qu’avez-vous voulu alors ? Ils ont tous une responsabilité”, a tranché l’avocate. À ses yeux, l’ensemble des accusés détenus sont co-auteurs d’assassinats et de tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste.
Ali El Haddad Asufi savait où étaient confectionnées les bombes et Hervé Bayingana Muhirwa, ami de l’accusé Bilal El Makhoukhi et “grand amateur” d’anasheeds (des chants religieux, NDLR) appelant au djihad, “bien sûr qu’il s’identifie comme le frère de plus dans la logistique” tel qu’évoqué dans un message audio des terroristes, a estimé Me Van Eeckhaut. Quant à Salah Abdeslam et Sofien Ayari, qui affirment n’avoir rien à se reprocher par rapport aux attentats puisqu’ils étaient en prison le 22 mars, “ils attendaient leurs instructions et avaient évidemment un acte à accomplir”.
Une fois arrêtés, ils ont en outre gardé le silence, ont choisi de se taire, a relevé la pénaliste. “Ils savaient ce qui allait se passer et ont participé en toute connaissance de cause jusqu’au point de non-retour.” “Tous les accusés (détenus, NDLR) ont choisi le rôle qu’ils veulent jouer dans notre société. Aujourd’hui, ils sont toujours convaincus de leurs choix, ne se sont pas distanciés de leurs idées, ils font toujours partie d’une organisation qui veut exterminer des mécréants”, a conclu l’avocate, fustigeant leur indifférence lors des témoignages des victimes. Elle a dès lors demandé aux jurés de suivre en tous points le réquisitoire du parquet fédéral.
17h39 – Des parties civiles demandent la requalification en assassinats pour quatre victimes
La parole était une nouvelle fois aux parties civiles pour leurs plaidoiries mercredi au procès des attentats à Bruxelles. La journée a été particulièrement marquée par les plaidoiries des avocats de victimes décédées après le 22 mars 2016 et pour lesquelles il a été demandé de requalifier les faits de tentative d’assassinat dans un contexte terroriste en assassinat dans un contexte terroriste. Les interventions devant la cour d’assises ont par ailleurs été entrecoupées de considérations juridiques théoriques à l’adresse des jurés.
En début de journée, après que l’accusé Osama Krayem est une nouvelle fois retourné en cellule, Me Adrien Masset, qui représente l’association de victimes V-Europe, s’est laissé aller mercredi à un petit cours de droit pénal aux jurés de la cour d’assises chargés de juger les dix accusés. Il leur a ainsi expliqué ce que sont les règles de preuve et les qualifications des charges retenues contre ces derniers.
Le cours de droit s’est poursuivi avec l’intervention de Mes Thierry Moreau et Nina Van Eeckhaut qui ont donné quelques mots d’explication sur les notions de “participation criminelle” et de “participation par omission”. Le premier pénaliste s’est aussi attardé sur le “désistement volontaire”. Le désistement, a-t-il expliqué aux jurés, c’est avoir le projet de commettre une infraction, puis pour des raisons qui peuvent être multiples, y renoncer. “Bien sûr que non, il n’y a pas de désistement volontaire” chez Mohamed Abrini, qui, après les explosions à l’aéroport, s’en va et abandonne son chariot avec une bombe, a soutenu l’avocat. “Le projet criminel est d’organiser DES attentats. Lui, il s’en va. Il change juste un aspect du plan, c’est qu’il ne va pas sauter avec la bombe. Le plan a changé. (…) Oui il s’en va, mais la bombe ne s’en va pas. Le projet d’attentat existe, c’est lui qui se positionne ailleurs. Cela ne met pas fin à l’infraction”, a développé Me Moreau.
Quant à Osama Krayem, qui a renoncé à se faire exploser et a démantelé la bombe qu’il portait, on ne peut pas non plus parler de désistement volontaire dans son chef, a poursuivi Me Moreau. Il a commis des actes dans le cadre d’un projet criminel, qui a été réalisé, de faire sauter plusieurs bombes de manière coordonnée. Lui aussi a modifié un aspect du plan mais pas son entièreté, a démontré l’avocat.
Entre ces deux interventions théoriques, la parole a été donnée aux avocats de trois victimes décédées après les attentats et pour lesquelles il y aurait un lien causal entre les attaques et le décès. Me Sanne De Clerck est ainsi venue présenter le cas de Shanti De Corte, décédée à l’âge de 23 ans et plusieurs années après les attentats mais dont l’euthanasie est, de son point vue, liée aux événements du 22 mars 2016. Me De Clerck en veut pour preuve le syndrome post-traumatique diagnostiqué chez Shanti De Corte, les nombreuses hospitalisations psychiatriques nécessaires après les attentats alors qu’aucune n’avait été nécessaire auparavant, les affirmations des parents de Shanti, qui assurent qu’elle serait encore en vie sans les attaques, et, enfin, la volonté de la jeune fille d’être euthanasiée avant la date du 22 mars, qui engendrait chez elles des réminiscences insupportables. La pénaliste a donc demandé la requalification des faits de tentative d’assassinat dans un contexte terroriste en assassinat dans un contexte terroriste.
Ses confrères Me Nicolas Estienne et Me Carine Doutrelepont lui ont succédé à la barre pour plaider une même requalification pour deux autres victimes. L’une s’est également donné la mort cinq ans après les faits en raison de problèmes psychiques dont elle ne s’est jamais remise, l’autre est décédée d’un cancer à 49 ans après avoir été contrainte d’arrêter son traitement médicamenteux à la suite des attentats et des blessures subies ce jour-là.
Pour clôturer la journée, Me Guillaume Lys, lui aussi avocat de l’association de victimes V-Europe, a passé en revue de manière synthétique les éléments de culpabilité à l’encontre de chaque accusé, en reprenant notamment, pour ceux qui sont concernés, des éléments du dossier des attentats à Paris du 13 novembre 2015. Il a finalement demandé aux jurés de suivre les réquisitions du parquet concernant la culpabilité, à savoir de déclarer Oussama Atar, Mohamed Abrini, Osama Krayem, Salah Abdeslam, Sofien Ayari, Bilal El Makhoukhi, Hervé Bayingana Muhirwa et Ali El Haddad Asufi coupables d’assassinats et de tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste ainsi que de participation aux activités d’un groupe terroriste. Smail Farisi, lui doit être uniquement reconnu coupable de ce dernier chef. Pour Ibrahim Farisi, Me Lys a également rejoint le parquet sur sa demande d’acquittement en souhaitant que l’accusé “qui a beaucoup souffert de cette situation” se “reprenne en main”.
Avec Belga – Photo : Belga/Benoit Doppagne