Les climatologues parlent-ils dans le vent ? Interview de Jean-Pascal van Ypersele
Les images des intempéries en Wallonie et dans le Brabant wallon retournent les tripes et pourtant, voilà 40 ans que les climatologues nous préviennent que ces drames vont arriver. Nous y sommes. “C’est après un accident, quel qu’il soit, qu’on se demande ce qu’on aurait pu faire pour qu’il n’arrive pas“, Jean-Pascal van Ypersele était l’invité de Toujours + d’actu.
Le dérèglement climatique se fait ressentir un peu partout sur la planète et lorsque ses conséquences surviennent au pas de notre porte, on se sent bien impuissant. “Oui, il y a une prise de conscience (de la population, ndlr), mais l’atmosphère ne connait que les gaz à effet de serre”, énonce Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l’UCLouvain et climatologue. “La fréquence d’évènements extrêmes comme les inondations, comme les canicules qui ont tué 1.400 personnes l’été dernier en Belgique, va malheureusement augmenté et le GIEC (le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ndlr) le disait déjà dans son premier rapport publié en 1990“.
Pour l’ancien président du GIEC, “on peut aller vers du plus grave ou vers du moins grave. Eviter complètement les effets du changement climatique, on n’y arrivera pas. Les minimiser, c’est ce qu’il nous reste à faire“. Pour cela, “il faut travailler sur la résilience de nos sociétés de nos infrastructures, de nos bâtiments, nos écosystèmes pour que les chocs d’évènements extrêmes soient mieux absorbés que ça ne l’est actuellement”. Il est également temps d’avoir une vision à long terme et prendre des décisions pour sortir de l’utilisation des combustibles fossiles et tout mettre en oeuvre pour stopper la déforestation, explique-t-il encore.
L’Union européenne a présenté son plan climat
“C’est bien plus qu’un effet d’annonce, je pense que la Commission européenne est très sérieuse, mais c’est une proposition qui doit encore être adoptée et qui fera sans doute l’objet d’une discussion ardue au Conseil européen avec tous les Etats membres et le parlement“. Les intérêts et enjeux financiers sont colossaux et il se peut fort que certaines des propositions présentes dans le plan climat européen soit au fur et à mesure des mois, voire des années, amoindries. Pour rappel, ce plan climat est censé permettre à l’UE de réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre en 2030. “Même si tout ce que la Commission propose était mis en oeuvre, ça ne serait pas encore suffisant. Ce serait un pas très important dans la bonne direction – il ne faut pas minimiser – mais ce ne serait pas un pas suffisant”, ajoute Jean-Pascal van Ypersele.
Et la Belgique dans tout ça ? Son parc de bâtiments n’est pas encore entièrement adapté à la nécessité de consommer moins d’énergie. “C’est dans l’intérêt des citoyens parce que nous dépensons en moyenne beaucoup trop d’argent pour chauffer, et ce n’est qu’un exemple“. La politique de la mobilité individuelle est également pointée du doigt par l’expert, une politique qui s’est faite au détriment des transports en commun ou de la mobilité douce, “ça n’a pas été fait avec une intensité suffisante“.
- Interview de Jean-Pascal Van Ypersele, professeur à l’UCLouvain et climatologue, interrogé par Marine Guiet pour Toujours + d’actu