Josep Borrell convoque le prochain Gymnich à Bruxelles et snobe Budapest
Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a annoncé lundi avoir décidé de tenir la prochaine réunion informelle des ministres européens des Affaires étrangères à Bruxelles, après la pause estivale, plutôt qu’à Budapest comme prévu par la présidence tournante hongroise du Conseil de l’UE.
La manœuvre, très inhabituelle, tient lieu de “signal symbolique” envers Budapest, après les voyages très controversés du Premier ministre Viktor Orbán à Moscou et Pékin, sous couvert apparent de présidence tournante mais sans mandat des 27. Ces voyages, ainsi que des déclarations clairement contraires à la ligne commune affichée par l’UE depuis le début de la guerre en Ukraine, ont chamboulé les débuts des 6 mois de présidence hongroise.
“Il y avait beaucoup de division” entre les Etats membres sur la question du lieu du prochain “Gymnich”, le nom donné à ce format de réunion informelle des ministres des Affaires étrangères. “J’ai tenté d’avoir l’unité, j’ai écouté les arguments… Cela n’a pas été possible. Certains sont prêts à aller à Budapest, ‘business as usual’, d’autres ne veulent clairement pas y aller, d’autres disent que c’est au Haut représentant de décider”, a exposé Josep Borrell à l’issue d’un Conseil Affaires étrangères à Bruxelles.
L’Espagnol a décidé de prendre la main. “Je considère que si 25 Etats membres sont fortement opposés aux déclarations et prises de position” récentes du gouvernement hongrois par rapport à la guerre en Ukraine, “nous devons envoyer un signal, même symbolique, que cette opposition à la politique étrangère de l’Union et le fait de la qualifier de ‘parti de la guerre’ a des conséquences”. Il convoquera donc la prochaine réunion informelle consacrée aux Affaires étrangères et à la Défense à Bruxelles. La Hongrie prévoyait cette réunion, traditionnelle à chaque présidence tournante, à Budapest les 28 et 29 août prochains.
A son arrivée à la réunion, la ministre belge Hadja Lahbib avait gardé un ton très diplomate, souhaitant “beaucoup de succès à la Hongrie” dans sa présidence, qui est “une grande responsabilité et un honneur”. Elle avait cependant aussi tenu à rappeler ce que défendent les 27: la paix, oui, mais “une paix juste, qui ne soit pas une abdication, pas une victoire pour ceux qui croient encore que la règle du plus fort peut l’emporter”.
Le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a été plus incisif, lors de la conférence de presse bouclant la réunion en fin de journée. “Nous voulons la paix, (…) mais une paix juste et durable qui préserve la liberté et l’indépendance de l’Ukraine et assure qu’il y ait des personnes tenues responsables pour tous les crimes de guerre depuis le début du conflit. Toute soi-disant ‘mission de paix’ qui ignore ces fondamentaux profite au final à Poutine et ne mènera pas à la paix”, a-t-il lancé. La Hongrie avait qualifié de mission de paix la visite surprise de son Premier ministre à Moscou, sans aucune concertation avec les autres Etats membres de l’UE.
“J’ai rappelé le devoir de loyauté sous l’article 24.3 du Traité de l’UE (selon lequel les Etats membres ‘appuient activement et sans réserve la politique extérieure et de sécurité de l’Union dans un esprit de loyauté et de solidarité mutuelle’, NDLR). Il n’est pas là pour décorer”, s’est énervé l’Espagnol. Selon lui, 25 Etats ont fortement critiqué, durant la réunion de lundi, les récentes actions du gouvernement hongrois, “à la lumière de ses responsabilités de présidence tournante”.
L’Ukraine était, avec le conflit israélo-palestinien, l’un des points principaux au menu des discussions. Avec deux soucis centraux, a insisté le Haut représentant: le besoin de davantage de moyens de défense antiaérienne, et les dommages à l’infrastructure énergétique. “Poutine veut plonger l’Ukraine dans le noir et le froid. Les deux, trois mois qui viennent seront cruciaux, nous n’avons pas le temps d’attendre jusqu’à l’hiver. J’ai demandé aux Etats membres de se mobiliser dès maintenant pour fournir davantage de capacités génératrices d’énergie et de contribuer au Ukraine energy support fund”.
Belga.