Commission Uber Files : Pascal Smet et Rudi Vervoort se défendent de toute collusion avec Uber

Cette dernière journée d’auditions s’est tenue avec les présentations de l’ancien ministre de la Mobilité Pascal Smet (one.brussels/Vooruit) et le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS).

Les travaux de la commission spéciale du Parlement bruxellois consacrée aux Uber Files se poursuivent ce jeudi avec trois nouvelles auditions. La journée a démarré ce matin avec l’audition de Michael Zylberberg, du collectif des travailleurs du secteur Taxi. Ce représentant des chauffeurs indépendants et des employés du secteur a affirmé que les révélations de Mark MacGann ayant conduit à la création de la commission spéciale, n’étaient pas nouvelles pour le secteur. “Nous le disons depuis des années, mais nous n’avons pas été entendus”, a-t-il déclaré.

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De son propre aveu, celui-ci entretenait d’assez bonnes relations avec le ministre de l’époque, Pascal Smet (one.brussels/Vooruit), qu’il a rencontré quatre à cinq fois, tout comme son chef de cabinet. Le ministre avait implicitement admis qu’Uber proposait des services de taxi, mais que lui-même travaillait sur un nouveau cadre dans lequel cela serait réglementé. Mais entre-temps, rien ne se passait et le collectif a cherché à contacter d’autres politiciens, sans succès, a expliqué Michael Zylberberg. Le collectif coordonné par celui-ci a par ailleurs distribué des tracts aux chauffeurs Uber, leur rappelant qu’ils travaillaient illégalement et quelles étaient les conséquences possibles.

Un registre des réunions avec le secteur

La journée s’est poursuivie avec l’audition du secrétaire d’État bruxellois à l’Urbanisme et au Patrimoine Pascal Smet (one.brussels/Vooruit). Ce dernier était ministre bruxellois de la Mobilité entre 2014 et 2019 et en charge de proposer un nouveau cadre légal pour le transport rémunéré de personnes. Il a notamment été cité dans l’enquête des Uber Files révélée en juillet 2022 pour des relations étroites avec Uber. Des relations que le lobbyiste Mark MacGann a évoquées comme des “coïncidences”, et non des liens de “complicité”.

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Pascal Smet a démarré par mener une présentation PowerPoint afin de présenter son travail autour de la réforme des taxis et du transport rémunéré depuis 2014. Il affirme qu’il ne jouait “pas de double jeu” entre le secteur des taxis et Uber, Heetch et consorts, d’autre part : “Uber, Heetch, et autres étaient les bienvenus, mais dans un cadre réglementaire adapté à ce nouveau type de service de transport rémunéré. C’est ce que j’ai toujours et partout défendu. (…) Mais la législation autour des taxis était également complètement dépassée. J’ai poussé là où ça faisait mal : la qualité du service, le racisme. Je voulais m’attaquer à ces problèmes. La réforme du secteur des taxis était importante”.

L’ancien ministre de la Mobilité affirme que les articles autour des Uber Files, concernant notamment ses rencontres avec des lobbyistes du secteur, n’étaient que “des spéculations”. Il a dévoilé un tableau détaillant toutes ses rencontres avec des acteurs du secteur dans le cadre de la réforme du plan Taxi. Il dévoile 254 rencontres au total dont 33 avec Uber, 38 avec des autres opérateurs de LVC, et 85 avec le secteur taxi. “Je suis le seul ministre qui tient un tel registre”, précise-t-il.

Mark MacGann était “favorable à une régulation d’Uber”

Pascal Smet évoque aussi ses relations avec Mark MacGann, le lobbyiste d’Uber à l’époque. Le membre de one.brussels indique l’avoir rencontré pour la première fois en 2011 via l’ancien bourgmestre de la Ville de Bruxelles Freddy Thielemans. “Plus tard, je devais aller à un gala de charité sur invitation de Mark MacGann mais quand j’ai appris que MacGann était lobbyiste pour Uber, j’ai annulé ma présence“, affirme-t-il. “Le fait de le connaître MacGann a été un avantage : je savais comment je pouvais lui parler. Il était favorable à une régulation d’Uber”.

Le socialiste néerlandophone a ensuite partagé en détails les étapes du processus de construction de la réforme du Plan Taxi et des échanges avec le secteur des taxis et du transport rémunéré. Il confirme que son cabinet a demandé à Uber d’éviter de communiquer à ce sujet : “Demander à Uber de ne pas communiquer (positivement) sur le plan taxi était logique. Je ne voulais pas mettre de l’huile sur le feu, alors que j’avais moi-même reçu des menaces de mort”.

Ce que les Uber Files ont écrit n’est pas vrai, ajoute Pascal Smet, qui a lu un e-mail dans lequel Uber se dit fâché quant au fait que le secteur des taxis a déjà pu voir un aperçu de la réforme du plan Taxi, contrairement à l’entreprise américaine. Il rappelle également le fait que le gouvernement bruxellois a mené plusieurs actions contre l’arrivée d’UberPOP. Il rappelle qu’Uber X propose un service différent, avec des chauffeurs professionnels et titulaires d’une licence.

“La confirmation que j’allais dans la bonne direction”

Aux dires du mandataire Vooruit, pour les nouveaux acteurs, il n’allait pas assez loin et pour les acteurs traditionnels, il était le fossoyeur de leur secteur. “Pour moi, c’était la confirmation que j’allais dans la bonne direction”, a-t-il dit.

S’il se désole de ne pas avoir pu aller au bout de cette réforme à la fin de son mandat comme ministre de la Mobilité, il évoque sa satisfaction au fait qu’un nouveau plan Taxi a récemment été approuvé par le gouvernement bruxellois. Il ajoute que le plan Taxi voté est “à 95% celui que j’ai proposé”. Il conclut en rappelant qu’il n’y a eu, à ses yeux, aucun conflit d’intérêt, aucune influence ni pantouflage avec Uber. Il confirme toutefois avoir reçu des insultes et menaces de mort suite à cette réforme. Il se désole également des révélations dans la presse sur des SMS plus intimes échangés avec Mark MacGann, avec lequel il répète il n’a qu’une relation de “connaissance”.

Dans ses réponses aux questions des députés de la commission spéciale, Pascal Smet indique qu’il n’était pas au courant des pratiques d’Uber évoquées dans les Uber Files, notamment les enquêtes menées par des détectives privés. Il s’étonne toutefois du fait que durant l’enquête menée par Knack et Le Soir, “nous avons reçu six questions deux semaines avant la publication. Mon porte-parole a proposé de rencontre les journalistes, mais ils expliquaient que cela faisait partir d’une enquête internationale. Je trouve cela dommage”.

Rudi Vervoort ensuite

L’audition du ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS), déjà à ce poste sous la législature précédente, a démarré en fin d’après-midi. Également cité dans les révélations des Uber Files, le socialiste a toujours nié toute relation personnelle avec des représentants d’Uber ou des taxis.

En introduction de sa présentation aux députés, le ministre-président confirme la nécessité, dès l’arrivée d’Uber à Bruxelles en 2014, de “réguler” un opérateur “qui opère à perte, puis tente d’installer un monopole”. D’où le plan Taxi aujourd’hui en place et l’ordonnance sparadrap de décembre 2021, qui sont à ses yeux “un bon compromis”, qui “offre un haut niveau de protection aux travailleurs et aux clients”. Il rappelle que les plateformes peuvent perdre leur licence “si elles ne se conforment pas à certaines règles”.

Pour suivre ces auditions en direct, rendez-vous sur BX1 en télévision ainsi que sur notre site et ci-dessous :

■ Duplex d’Anaïs Corbin et Charles Carpreau.

Gr.I. avec Belga – Photos : Belga