Franchisation des Delhaize: un an après, “les travailleurs ont perdu mais le combat n’est pas terminé”

Voici un an, le 7 mars 2023, le groupe Ahold Delhaize annonçait la mise sous franchise de l’ensemble de ses 128 magasins intégrés. Près de 9.200 travailleurs étaient concernés par cette décision unilatérale, longtemps combattue par les syndicats et employés du groupe. Douze mois après, tous les supermarchés concernés ont trouvé un repreneur indépendant, dont 75 doivent encore passer effectivement sous franchise. Le bilan social reste médiocre selon les syndicats, qui dénoncent un manque de soutien tant politique que judiciaire, tout en souhaitant poursuivre “le combat pour les travailleurs”.

“Des résultats encourageants”: ce bilan de la mise sous franchise des magasins Delhaize émane du CEO d’Ahold Delhaize Frans Muller, en février dernier. L’entreprise venait alors de confirmer la reprise, en six mois, de la totalité de ses 128 supermarchés intégrés en vue de leur passage sous franchise. L’ambition de Delhaize a pris ses employés de court, conscients d’un changement de paradigme social. La mise sous franchise annonçait en effet le possible passage sous une autre commission paritaire, de nouvelles négociations autour du temps de travail, notamment en soirée et le week-end…

La colère a rapidement percolé dans les supermarchés du pays, avec des fermetures, blocages et manifestations. Ces actions ont parfois été cassées sur décision judiciaire, au grand dam des syndicats. “La justice a agi, en aidant (Delhaize) à ‘finir le job'”, dénoncent la présidente du Setca, Myriam Delmée, et le secrétaire général du syndicat socialiste, Jan De Weghe. Et “le silence assourdissant des politiques a contribué à aider Delhaize à mettre ses projets à exécution. (…) Ce sont les travailleurs qui ont perdu. Avec ce dossier, ce sont les conditions de travail du secteur tout entier qui sont tirées vers le bas”, ajoutent-ils. “La lutte n’a pas été inutile”, nuance pour sa part Myriam Djegham, secrétaire nationale de la CNE. “Elle a permis d’obtenir plusieurs avancées concrètes, mais pas sur l’ensemble des revendications du personnel. Cette lutte a montré que les travailleurs pouvaient être déterminés, même si la justice et la police défendaient une multinationale”, dénonce-t-elle.

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“Bilan positif”

Ces manifestations n’ont pas empêché Delhaize d’avancer et de tirer un bilan positif des premières conversions de magasins, évoquant jusqu’à une “accélération des ventes” dans ceux-ci. Du côté du Setca, on se veut bien plus prudent. “Dans deux ou trois ans, il faudra faire les comptes: combien de faillites auront eu lieu, combien de travailleurs seront encore présents dans les surfaces de vente, combien de Delhaiziens seront encore là dans les faits ?”, s’interroge le syndicat. “Toutes ces statistiques, nous ne les aurons pas… Il n’y aura plus de CPPT (comités pour la prévention et la protection au travail, NDLR), de conseil d’entreprise ou de délégation syndicale pour avoir le droit de les avoir.”

“Nous voyons déjà des pertes d’emploi aujourd’hui, mais nous ne pouvons pas les quantifier”, ajoute Myriam Djegham. “Nous ne voyons pas non plus de création de poste, juste des emplois pour étudiants et des flexi-jobs”. Ces contrats ont pour conséquence d'”alourdir la charge de travail des employés”, estime la secrétaire nationale de la CNE. “On voit également une volonté de réduction drastique des coûts. Sans compter le fait que les employeurs ne respectent pas la législation sociale concernant les ouvertures le dimanche ou l’organisation d’élections sociales”.

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Un secteur qui se restructure

Delhaize poursuit sa mue, pendant que d’autres enseignes doivent également se restructurer dans un secteur en proie aux doutes. Les magasins Match et Smatch sont passés sous pavillon du groupe Colruyt, les hypermarchés Cora ont confirmé des centaines de départs, le groupe néerlandais Jumbo a annoncé de futures économies… Ces diverses annonces amènent les syndicats à appuyer leurs demandes pour assurer “l’avenir du secteur”, notamment en ce qui concerne les droits des travailleurs. “Pour assurer ce futur, il faudra passer par la concertation sociale, seule garante de solutions justes et équilibrées pour tous les acteurs”, estime le Setca. “Le combat n’est pas terminé, même s’il est moins visible. Mais nous ne sommes plus dans le schéma classique de la concertation sociale, le rapport de forces a changé”, conclut Myriam Djegham de la CNE.

■ Explications de Camille Tang Quyhn dans le 12h30 

Avec Belga

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07 mars 2024 - 08h10
Modifié le 08 mars 2024 - 07h20