Des fournisseurs aux communes, les repas scolaires n’échappent pas à la hausse des prix

Dans quasi toutes les communes, le prix des repas scolaires est en augmentation. La hausse varie entre 5 et 10%. Une nécessité pour les fournisseurs qui n’a pour le moment, pas de répercussion sur la demande. Cependant, dans certaines écoles, les boites à tartine sont de moins en moins remplies.

“Oui, il y a une légère augmentation de 8%, mais nous n’avions pas indexé depuis 2019.” C’est un peu gêné que l’échevin de l’Enseignement d’Anderlecht, Guy Wilmart (PS), nous annonce la décision prise depuis la rentrée scolaire. Comme dans la majorité des communes bruxelloises, le prix des repas pour les maternelles et les primaires est en augmentation. En moyenne, on est autour des 8% de hausse. Et évidemment, elle s’ajoute à de nombreuses autres dans tous les domaines de la vie.

Aujourd’hui, le prix est de 3,10 euros pour les maternelles et 3,25 euros pour les primaires à Schaerbeek. Notons que le prix passe à 3,60 euros pour les enfants qui ne sont pas domiciliés dans la commune. Cela monte à 3,55 euros pour les maternelles et 4,05 euros pour les primaires à Uccle. À Ixelles, on n’avait pas augmenté le prix depuis 10 ans. Malgré cela, on compte aujourd’hui 1.500 enfants en plus inscrits pour les repas chauds par rapport à 2021. Évidemment, il faut tenir compte de la hausse démographique.

“Nous n’avons pas de baisse de la demandeexplique José Orrico, directeur des Cuisines bruxelloises qui fournissent notamment les communes de Bruxelles-Ville, Ixelles, Anderlecht, Auderghem ou encore Saint-Josse. Notre indexation a été effectuée en avril. Elle est calculée en fonction de l’indice barémique du personnel et de l’indice santé. Nous sommes donc à 8,35% de hausse cette année, mais nous n’avions pas augmenté les prix depuis 2020.”

Avec un prix moyen de 3,50 euros par repas, les Cuisines bruxelloises ne travaillent pas à perte. Elles disposent encore d’un contrat fixe pour leur énergie. Cependant, celui-ci prendra fin en septembre 2023, ce qui est une source d’inquiétude. À Haren, où des travaux sont en cours, en plus des panneaux photovoltaïques, les Cuisines réfléchissent à une alternative au gaz. On ne voit pas l’avenir avec optimisme. Plusieurs fournisseurs ont été en rupture de stock ou avec des prix trop importants. On remplace certains produits par d’autres ou nous changeons de marque comme avec les produits Danone. Nous avons dû les supprimer, car ils devenaient impayables. Aujourd’hui, ce sont les tomates pour faire les sauces qui sont en rupture de stock. Tout comme la moutarde. Cette semaine, nous devons changer notre recette.”

Risque de travailler à perte

Chez TCO, société basée dans le Brabant wallon et fournisseur de nombreuses communes bruxelloises, on craint aussi pour l’avenir. “Dans les marchés publics, nous ne pouvons indexer qu’une fois par an en fonction de l’indice de prix à la consommation. Parfois, nous ajoutons les salaires, explique Céline Ernst, responsable environnement et commerciale. Cette année, c’est donc une hausse de 8% en moyenne, mais pour certaines communes, nous travaillons à perte. Il y en a une pour laquelle le marché public ne prévoit pas d’indexation des prix.”

Chez TCO, le prix du repas est lissé sur un mois, sur une semaine aux Cuisines bruxelloises. Si un jour il y a du bœuf au menu, il faudra faire un peu plus de légumineuses dans le mois. Notre marge est très serrée. Cela fait des années que les collectivités veulent tirer les prix vers le bas. Seulement, à un moment, on ne peut plus diminuer si on veut du local et du bio, commente Céline Ernst. Pour maitriser nos coûts, nous luttons intensivement contre le gaspillage alimentaire en calibrant mieux les portions. Avec la hausse du prix de l’énergie et du carburant, je ne sais pas comment nous allons faire. Pour le moment, quand nous répondons à des appels d’offre, on ne peut pas calculer un prix juste sur 4 ans. Il y a trop d’incertitudes.”

Des communes inquiètes

Au niveau des communes bruxelloises, on dit ne pas noter de changements pour le moment dans la demande des repas chauds. À Saint-Josse par exemple, la gratuité, en maternelle et en 1re et 2e primaire, a incité les parents à mettre les enfants à la cantine. Par contre, à Anderlecht, l’échevin a enregistré une augmentation de 10% des demandes d’intervention communale pour aider les familles à payer le repas chaud.

Ailleurs, un système de solidarité se met en place. Dans certains établissements, les boîtes à tartines se vident. Les enfants n’ont pas à manger en suffisance ou pas des produits équilibrés. Alors, sans en parler, les écoles puisent dans le surplus des repas chauds ou font des tartines au fromage pour remplir correctement les estomacs. Cela grimperait à 5% du public dans certaines écoles. Cette hausse est palpable depuis le début de la guerre en Ukraine. À Ixelles aussi, le nombre de demandes d’intervention est en croissance. Treize dossiers supplémentaires ont été ouverts cette année, “et il est encore un peu tôt pour tirer un bilan puisque nous n’avons commencé le repas chaud que le 19 septembre”, conclut l’échevine Audrey Lhoest (Ecolo).

■ Reportage de Marie-Noëlle Dinant, Frédéric De Henau et Pierre Delmée

Vanessa Lhuillier – Photo : BX1